Par Anouk Dunant Gonzenbach
Nous ne les lirons plus dans notre journal, les mots du localier, les nouvelles des roses trémières et de leur jardinière, des sentiers au bord du Rhône, la voix des personnes sans-abris. Nous lui souhaitons bonne route, au localier, il reste un vide, et du fond de nous, nous le remercions infiniment d’avoir tout remarqué, de l’avoir relaté, mis en lumière, pour sa plume sur le bitume.
Dans un monde normal, le prochain paragraphe, il serait consacré à la suite, à ce qui continue. Parce qu’à la Tribune, il y a des journalistes – et aussi des photographes – formidables, des personnes aux vraies qualités humaines et professionnelles, celles et ceux que nous aimons lire, que nous avons besoin de lire, qui examinent la vie d’ici, qui font leur travail ici.
Nous ne sommes plus dans un monde normal. Menaces sur la Tribune, profonde inquiétude pour la Julie. Ce joli surnom lui est donné en 1879 par un Georges Favon énervé par sa belle-sœur ainsi nommée, qui préférait «La Tribune» au journal «Le Genevois» de son célèbre beau-frère, homme politique et leader radical. Comme il ne supportait pas de prononcer le vrai nom de son concurrent, Favon a commencé à parler du «journal de Julie» puis de «la Julie». Depuis presque sa naissance, le surnom de Julie colle aux pages de notre Tribune.
Sa naissance : en 1875, l’américain James T. Bates achète le «Continental Herald and Swiss Times», un journal lu par les Britanniques de notre région et lui donne le nom de «Geneva Times». En 1879, le titre se transforme en langue française et devient «La Tribune de Genève». Gros succès populaire, notamment en raison de son prix: 5 centimes le numéro, vendu à la criée. Le premier quotidien romand à un sou.
Et d’un coup d’un seul, tout pourrait être fini. Je ne sais pas ce que j’y peux, à part prendre mon stylo pour écrire en bleu. Pour témoigner que nous vous aimons, toutes celles et ceux qui écrivent et fabriquent la Tribune. Que chercher ce journal dans la boîte aux lettres et l’ouvrir à côté de sa tasse de café, c’est le matin quotidien. La prise de pouls de la vie à Genève. Le cœur ne peut pas s’arrêter. Bonne route au localier, et toutes nos pensées vers celles et ceux de la rue des Rois. Encore espérer.
Paru dans La Tribune de Genève, La lettre du jour, 12 septembre 2024.