En pédalant en couleur en choeur en chocolat en lisant Engadine en janvier en joie enneigé en train en écrivant
en paix ennivrant en robe à pois
en carillonnant en rond en écoutant en bondissant en coeur en trébuchant en chocolat en forêt en tissant en débordant en contact en prose en ville entière en arrosant en vrac en bouillon enfance en avant en étoile
Alireza a sauté du pont. Rejoindre les étoiles était préférable pour lui à un renvoi en Grèce, son enfer de Dante. Il voulait que sa souffrance s’arrête. Son espoir est mort là, à deux pas de chez nous, chez nous. On ne pouvait pas dire que l’on ne savait pas.
On ne pourra pas dire plus tard que l’on ne savait pas. Car oui, on le sait, que les conditions de vie dans les foyers ne sont pas une vie. On le sait, que des enfants sont condamnés à y attendre une décision insoutenable. On le sait, que dans les premiers pays d’accueil, en Grèce, en Croatie et ailleurs, les gens croupissent dans des camps, sont trop souvent victimes de violences et en sont réduits au désœuvrement, à une attente sans fin qu’il vente ou qu’il neige, que le soleil tape fort ou que les pluies inondent leurs baraquements de fortune. On le sait, que ceux qui décident l’inhumain sont bien loin à Berne et que sur le terrain souffrent les humains.
Les associations, les Eglises, le CSP, les engagé.e.s, ils témoignent, alertent, écrivent, pétitionnent, accompagnent depuis des années. Jeudi passé, la voix des jeunes a résonné. Ils comptent sur nous pour l’amplifier. Ils n’ont plus que nous, mais ils nous ont. Soyons dignes de leur dignité, de la confiance qu’ils nous font, qu’ils ont exprimées, jeudi soir dans la nuit de décembre, au pied de l’Hôtel de Ville. Avant de retourner au foyer de l’Etoile, là où aucune ne brille.
Nous, Genevoises et Genevois, habitons à côté de ce centre d’hébergement fédéral pour mineurs. C’est chez nous, alors nous ne pouvons pas fermer les yeux ou nous taire. Crions, indignons-nous, interpellons encore plus fort le Secrétariat d’Etat aux migrations et les autorités fédérales. Ils rendent des décisions mais c’est chez nous que les enfants sautent du pont. Genève ne doit plus le tolérer. Genève doit montrer sa solidarité. Genève doit se soulever. La pression ne doit pas se relâcher.
En ce temps de Noël, prenons le temps de réfléchir à l’hospitalité.
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Paru dans la Tribune de Genève, La lettre du jour, 15 décembre 2022.