Au début du printemps, nous avons lancé l’appel à texte ci-dessous. Des autrices et auteurs ont répondu et proposent ainsi des textes sur le thème « le quotidien, ici et là ». Certaines personnes nous ont aussi envoyé des poèmes choisis dans des recueils aimés, que nous avons également semés.
Réaliser un jardin de poèmes à planter près de chez soi. Les textes, écrits pour l’occasion ainsi que cueillis dans des recueils, seront imprimés un à un et fixés chacun sur un fin piquet (le piquet pour la tige, le poème pour la fleur). L’ensemble sera planté dans un coin de terre dans le quartier de Saint-Jean. Ce « kit » pourra être reproduit en plusieurs exemplaires pour être planté aux endroits de la ville qui nous/vous viendront à l’esprit.
A l’invitation de la librairie C. Pages, les poèmes sont arrivés en vitrine en vélo-cargo le mercredi 14 juin, pour une dizaine de jours. Ils accompagneront le vernissage du livre Des carrés à la craie, par Anouk Dunant Gonzenbach, éditions Ouverture, qui aura lieu le vendredi 16 juin à 18h en présence de Maurice Gardiol, éditeur et de Lisa Mazzone, préfacière.
Lecture des poèmes de jardin au Codebar par Claude Thébert en présence de plusieurs poètes le mercredi 28 juin à 17h30
Vince Fasciani et le Codebar reçoivent les poèmes de jardin et invitent à une lecture au Codebar, 10 rue Elisabeth-Baulacre à Genève. Un immense merci à Carrefour-Rue&Coulou ainsi que Natacha d’avoir organisé ce très beau moment.
Ecoutez sur Radio Sans Chaîne (cliquer ici) l’émission réalisée par la fantastique Jeylie lors de ce riche événement! Elle dialogue avec Claude Thébert, Françoise Favre Prinet et Anouk Dunant Gonzenbach.
Les poèmes de jardin dans le jardin du temple du Petit-Saconnex, 11 juin 2023
Le 11 juin, les poèmes ont été installés dans le jardin du temple, en pleine vue des passants qui passent.
Un jour, faire les commissions à la Coop du coin, même arriver jusqu’à la Coop du coin pour faire tes commissions te parait un exploit plus extraordinaire que de monter l’Everest par la face nord sans assistance et sans oxygène. Ce jour-là, tu es maman pour la première fois et tu sors pour la première fois toute seule avec ton bébé de six jours dans la poussette. Tu as franchi l’Everest.
Tu comprends petit à petit le bonheur d’habiter un quartier qui est un village, tu vas chez le boucher, au marché (en ce temps-là il existe encore), chez Tina, tu vois du monde, le monde admire ton bébé, les gens sont tous formidables, tu parcoures le Beulet dans tous les sens, tu passes du temps à la pharmacie, tu aimes les pharmaciennes, le boucher, Heinz et Danielle du marché, tu aimes les gens. C’est juillet, tu t’enhardis, tu te poses sur le rebord des voies couvertes, tu pousses doucement la poussette en avant et en arrière, tu regardes ton bébé dormir. Tu as de la chance, les smartphones n’existent juste pas encore, tu passeras tout ton congé à regarder le visage de ton petit bébé.
Tu ne sais pas encore que plus tard, il te demandera comment fait le robot pour se gratter les jambes quand ses boutons le démangent car il a les bras trop courts.
Tu explores un peu plus loin, tu découvres le parc des roses, certains l’appellent le parc des chats, la vue sur la Bâtie, le Rhône qui n’en a que faire. Tu prends l’habitude d’allaiter au parc des roses. C’est si paisible. Tu manges un flanc au caramel au parc des roses, tu échanges des sourires avec les promeneuses, tu es protégée par l’ombre d’Ermenonville, par toutes les femmes plus âgées qui passent, par l’été de Saint-Jean. Tes yeux ne quittent pas ton bébé.
Tu ne sais pas encore que plus tard, il te demandera comment c’est les poumons à l’intérieur d’un serpent.
Tu le portes dans l’écharpe, tu déambules au Promeneur solitaire, des tas d’enfants jouent dans la pataugeoire, dans les cabanes, au toboggan, tu entends les cris des enfants, tu écoutes ce bruit du monde, un des seuls qui vaille la peine, mais c’est encore trop tôt pour tout cela, tu remontes au parc des roses, tu allaites ton tout-petit.
Tu ne sais pas encore que plus tard, il te demandera si l’infini de un est plus petit que l’infini de deux.
Aujourd’hui, bien plus tard, entre ordres du jour et rendez-vous à prendre, entre rapports administratifs et sparadraps, entre deux coups de pédale, aujourd’hui que tu es devenue une tisserande du quotidien, tu aimerais bien prendre des morceaux de temps et les déplacer, revenir sur le banc du parc des roses, n’avoir rien à faire que de regarder cette vue et te consacrer entièrement à ce bébé. Tu as l’impression que tu as allaité le temps d’un point-virgule. Et dans ton cœur, tu remercies le parc des roses.
* Paru dans Quartier Libre n. 128, printemps-été 2023
Des autrices et auteurs proposent ainsi des textes sur le thème « le quotidien, ici et là ». Certaines personnes nous ont aussi envoyé des poèmes choisis dans des recueils aimés, que nous avons également semés. Un projet de virusolidaire.ch et du Théâtre du sentier .
Poèmes de jardin:
* je regarde autour de moi pour m’assurer que les amoureux avancent à leur rythme la vie est calme et le ciel dégagé maussade et silencieux je cherche un abri pour me protéger des coups durs je quitte la nuit pour pénétrer dans le jour je me lève en ce beau matin si ce n’est là ailleurs nulle part de la joie on en trouve partout c’est commun et bon marché je ne suis pas en position de faire le difficile de la joie pour tous de quoi réparer des siècles de tristesse Vince Fasciani
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Fragilité vibrante Ma petitesse dans l’Univers Oisillon insatiable prêt à jaillir vers monts et merveilles Gabriella Baggiolini
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Fissure Situé entre la table et le plan de travail, il y a dans la cuisine un carreau fissuré depuis 15 ans. Fendu sur toute sa diagonale, il a vu au fil des ans s’éloigner, centimètre après l’autre, le visage des enfants. Témoin des repas à géométrie variable, il a tout entendu : rires, engueulades, échanges musclés de points de vue, chagrins et mots qui consolent. Quand l’appartement était neuf sa fissure semblait signifier, avec un peu d’avance, l’impermanence des choses. La zébrure a un peu noirci en son centre mais dans son imperfection, elle n’a que peu changé. Patinée depuis son origine par les mêmes cinq paires de pieds, la fracture du carrelage saumonée pourrait raconter < les fêlures que le chagrin a imprimé dans la famille. Caressée par les glissades des cuisiniers en plein coup de feu, ce sont les larmes de nos fous rires qu’elle pourrait aussi partager. Sylvie Fischer
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Je voudrais être une victime Pour oser crier enfin Avant de devenir La folie des autres
Dans le deuil du silence renouvelé chaque jour La nature me dit ne pouvoir lutter Contre ma nature ni choisir Mon destin contre le hasard
Ici les châteaux hantent leurs fantômes Et les moindres de nos paroles Sur le miroir de la raison Me rappellent que la liberté Est une provocation Philippe Constantin
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Ici et là saisonnier Ici le Printemps, Avant-goût de fruits Le jour, enfin, rendu Plus fort que la nuit Ici l’été, Entre rayons de cancer Et chaleur pour l’hiver Jouer à ombre et lumière Là l’automne, Feuilles posées sur la brume Noces de sang, noces de vin Un avant-goût d’amertume Là l’hiver, Sur l’étang, la myrrhe alunit Air de Purcell, rien à faire Saison de la paresse impunie L’hiver encore, Dévisager, creuser son mystère Qu’elle-même peut-être ignore Pierre Jaquier
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Primevères Primevères, primevères C’est la fin de l’hiver, Vous êtes là, discrètes, Émaillant de lumière la prairie à peine verte. Primevères… «prime-jaunes, Maman !» Disait notre cadette du haut de ses trois ans ! Logique, merci Chérie, tu voudrais un bouquet ? La tige est courte, et ne tiendrait Dans aucun vase. Elle veut sa terre Et ne se plait qu’en pot, la brave primevère. Alors tu prends la motte Délicatement l’empote. Arrose-la souvent, et son jaune permanent Égayera longtemps ton p’tit appartement ! Enfin, à Pâques, de belles éclosions Célèbrent le printemps et la Résurrection. Tu reposes ta plante, heureuse, en pleine terre : Des morceaux de soleil dans la fraicheur de l’air ! Monique Dunant
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Elle, au jour le jour. Elle a saisi son violoncelle, face à la fenêtre ouverte sur les lilas de la nuit, elle joue, sa joue pressée sur la volute d’érable, l’archet pulsant la voûte d’étoiles.
Au seuil de l’aujourd’hui et du lointain, elle sauve le vent pleurant que tous maudissent, le blottit entre son pull et sa peau, le porte à son souffle, l’emmène dans la rivière de ses cheveux. Elle sort par le jardin, suspend à une branche la lanterne jetée à terre, d’un pas léger prend la rue des lierres, délace les ombres de l’emprise jalouse du quotidien. Derrière les clôtures, elle entend les liserons se faire la belle, aux milles miroirs des gouttes de pluie, elle boit le soleil, l’osier du panier sur la hanche, elle se rend au marché. Entre ses paumes elle roule l’ambre des oranges, l’or des citrons, les paroles des passants, les pleurs des enfants, les roule entre ses paumes, nues et claires, les roule, les enveloppe de lumière. L’abondance la chavire. Elle boit un café, laisse deux pièces de monnaie, au revers du ticket, écrit un poème pour qui elle ne connaît… La serveuse sourit, elle sait… Au jour le jour, elle donne à la réalité une autre réalité, elle intervertit le temps et la présence, elle écarte la vie agitée… Elle s’inquiète de la lumière, frémit pour elle, la désenlise, la désaltère, la dépoussière, la libère, la tire de la noyade, du vide où elle s’est agrippée. Pas un conte de nourrice !… Un manifeste d’étincelles, une folie, une passion, une timidité sublimée, une lumière à affranchir, à relever, à embrasser, une lumière où respirer. Au jour le jour, elle éclaire ce qu’elle aime. Françoise Favre-Prinet
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Le quotidien, ici et là Il n’y a ni futur, ni passé dans la vie Il n’y a que du présent qu’une hémorragie éternelle de présent L’attente de Dieu, c’est déjà Dieu tout entier… Christian Bobin in La part manquante, chap. 3
A présent, toujours là Dans le bruissement des jours et des pas Même lorsque je me sens las Une main tendue me hissera Un sourire-tendresse m’ouvrira
Au quotidien, toujours présent Entre l’alpha et l’omega de chaque instant Voguer tel un veilleur itinérant Attentif au surgissement de l’A-venir en ce temps Comme un appel à demeurer résistant Maurice Gardiol
* En terre Quand cela a-t-il commencé et comment tout cela a-t-il fini ?
Ta langue autel à poussières découvre l’herbe printanière ton doigt mesure le cadre d’allumettes l’ampoule dévissée du soleil en terre
Étranges lumières sous tes paupières de la fin à l’enfance estime ta chance d’avoir été ne crains plus de brûler de retourner au rien ossuaire
Devant les taupes sous les souris et les cerfs plus de pénombre ou de peurs te voilà vu de la lumière libéré du temps du moi de l’être
Tout ce qui ne fut pas compris pas pleuré pas hâché est devenu prière rivière
Des racines font battre ton cœur les fougères bercent tes artères ton sang devenu rosée
Rien ne meurt rien ne dure tout fleurit et se fâne se greffe et s’engraine en terre Sylvain Thévoz
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L’odeur d’un matin de fin de printemps rosée gorgée d’herbe parfum de la couleur des jeunes fleurs de la chaussée qui se réveille Mais pourquoi
l’odeur d’un matin de fin de printemps ne dure-t-elle pas toute la journée ? Anouk Dunant Gonzenbach
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Les rapaces La buse plane Le gypaète plane Le faucon plane Le milan plane Mais qu’est-ce qu’ils prennent tous ? Jean-Luc Fornelli
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Vida de Sísif Llevar-se, treballar, menjar i fer que en mengin d’altres, tenir problemes i resoldre’ls, o potser no; tirar endavant fins caure al llit, esgotada. Mirada així no té sentit, aquesta vida de Sísif, però hi ha coses que no he dit: la fresca del matí, les mirades d’entesa, el gust per fer el que cal, la bellesa i que a Sísif, la pedra, sovint li sembla lleugera. Alba Tomàs Albina
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La flor de amarilis La flor más bella agota el bulbo. El blanco impoluto sale del marrón. Los pistilos se abren, amarillos, puros, y luego se repliegan como un trombón. El rosa delicado de las flores grandes despliega un enigma de orgullo invernal. El bulbo se encoge, mengua, se recoge, huecas capas secas caen hasta el final. Dar la vida como un bulbo de amarilis que de la flaqueza engendra un nuevo tronco con su lanza verde, henchida, una promesa, la llama infinita que se abrirá al sol. Ana Mata Buil
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(bribes) on raconte l’histoire d’un jardin magnifique un jardin d’où l’homme a été chassé par la connaissance on raconte cette histoire comme si elle avait déjà eu lieu pourtant c’est une mise en garde et le jardin n’a jamais été imaginaire Alexandre Correa Après l’Europe, éd. Torticolis et frères, 2021.
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Ici pain quotidien là peine quotidienne marcher de l’une à l’autre marcher danser courir et parfois s’arrêter entre la glycine de mai la main tendue de Michaël près du petit mur la poste où déposer un colis de 5 idioms 5 dunnas avant de jeter dans la benne le verre qui se brise dans un éclat de rire
mais là-bas, près du Rhône comment éviter la plaque où le nom de Bartolomé Tecia n’en finit pas de crier ?
poème quotidien j’écris je ris je crie Denise Mützenberg 2 mai 2023
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Les fenêtres Derrière des fenêtres closes d’immeuble en immeuble £des regards se croisent s’évitent ou s’épient en silence profitant des courants qui s’engouffrent dans la cour des oiseaux jaillissent virevoltent et dansent ivres de joie leurs chants résonnent contre les murs de béton subjugués par ces cascades de notes les voisins ouvrent leurs fenêtres et leurs cœurs. Philippe Bonvin
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« C’est un loup. Ou bien autre chose. Ou pas. Peut-être. » Pisteurs amérindiens du Grand Nord, les Gwich’in, cité par Nastassja Martin
Recouvrer l’humus
Nous étions faits, peut-être, pour autre chose, tu sais.
Nourris de vains soupirs de la tenaille aigre des désirs défaits du maillage des impératifs qui – inextricablement – se resserrent Cadenassés malgré nous dans un horizon de pétrole, de bitume et d’acier Nous entendons à peine à présent le cri silencieux qui s’échappe des oiseaux celui des fleurs qui meurent du glacier qui expire.
Dans l’incertitude de nos traces Qui lira l’horizon de ce qu’il nous reste à vivre À humer À brasser Entre terre et mer forêts et vallons Combien de cailloux encore à avaler pour que l’amertume de ne pas être ce que nous sommes cesse ?
Quelle part de sauvage demeure en nous ? Et sous quelle honte, paraissant si précieuse, l’avons-nous enfouie ? […] lire la suite dans la Revue Pourtant Marc Desplos
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Vol d’oiseaux Un battement Surgit de derrière Un groupe d’oiseaux Ailes déployées Silhouettes blanches noires grises Se découpent sur le Salève Les arbres les nuages En contraste Le groupe tourne Autour d’un sapin Revient Repart… Son souffle À son passage Son silence Quand il s’éloigne Battements d’ailes en rythme En des formes diverses Tourne autour d’un sapin S’élance au loin Tourne autour du sapin Repart revient Piqués croisés planés Chorégraphie Comment font-ils pour ne pas se heurter ? Trois oiseaux s’envolent au loin L’un d’eux revient Franchit l’essaim Se retrouve seul Les deux autres Exécutent une danse solitaire L’essaim revient Tourne Revient encore Souffle et silence Cœur immense Silhouettes mobiles Sur fond violet vert gris blanc Souffle et silence Chorégraphie du temps Retenu dans les ailes… Huguette Junod
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Météo à deux voix
Germinales Le terreau du sommeil est encore tiède. Dans cet espace naturel hors-sol, à l’instant de l’éveil, je scrute la levée des mots. Je les admire sans bouger, la joue enfouie dans l’oreiller. Je me faufile à travers leur toison printanière. Ils sont fermes et fins comme une poussée de cresson dans laquelle les doigts esquissent des caresses et agitent des frissons. AB
Pneuma J’inspire le souffle de vie. Je glane de nouveaux mots. Une période de maladie m’oblige à ralentir, ressentir, faire lien avec mes proches plus malades que moi. Je joue aux mots fléchés et m’émerveille. Des mots fléchettes qui soulagent les maux. Je vagis au jour qui pointe. Nouvelles perspectives. J’aspire à des gemmes résines de j’aime coulant de cœurs en mains, aux cueillettes de chervis charnus roboratifs pour l’âme. Toréer avec les ombres et transcender le champ de bataille du monde. Les fleurs repoussent après les bombes. CC
Pousse Je me compare à une graine éveillée dans sa gangue. Embryon vivant dans un espace encore fermé qui déjà se dilate. Je sens l’appel de vivre au-delà des enveloppes. Les mains dans l’humus, j’éprouve l’énergie de m’expandre. J’ai l’intuition d’être cette plante unique, terrestre et cosmique : une éveilleuse de confiance. AB
Saisonnales Pluie fine. Je chemine vers le bois. Un bain de verts tendres m’attend. Le printemps se répand. Tandis que le Rhône s’écoule, les mélodies entremêlées des oiseaux me magnétisent. Au milieu du chemin de ma vie, la légèreté aérienne de l’oiseau me fascine. Envol arabesque. Les chardonnerets élégants m’honorent de leur passage. Leur parure bariolée est baume. Je photographie tout et archive sans caméra. CC Anne Bernasconi & Cynthia Cochet Écrits en avril 2023, ces quatre textes sont l’amorce d’une correspondance poétique entre les deux femmes. Anne Bernasconi (Evilard BE) & Cynthia Cochet (Genève)
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Les mauvaises herbes Dans le jardin au printemps Les mauvaises herbes Occupent mon temps Je les veux loin Pour retrouver Le beau gravier Et l’harmonie D’allées fleuries Pénélope détissant Patiemment De la terre le tapis Je m’étonne souvent D’aimer ces petites plantes Parfois ornées de fleurs Minuscules et parfaites Les feuilles sont variées Rondes, ovales, allongées Ou en épi de blé Les racines surprenantes L’une se donne sans résistance Pour l’autre il y faut le couteau Une troisième s’est développée En tentacules éparpillées Une sournoise se fait presque oublier Sous la forme rampante d’une mousse grisée Elles sont rigides ou bien coquettes Elles sont têtues ou bien dociles Mais les cueillant Les triturant Les arrachant Posées en amoncellement Je pense toujours A cet ami qui un jour me dît Les mauvaises herbes Ce sont des herbes Dont on n’a pas encore trouvé Le sens de leur utilité Brigitte Frank
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Le quotidien ici et là Voici bien là un mot qui m’effraie autant que je l’admire : le quotidien.
Ici, il m’est à l’esprit foyer du réconfort, de tendresse et d’une sorte de sainteté relationnelle que je ne sais nourrir, du moins pour le moment.
Car il me semble avoir le temps. Le temps de repousser ce quotidien merveilleusement espéré qui, pour l’heure, sonne à mon oreille tel le glas d’une éternelle monotonie. Une condamnation à perpétuité à une routine dont je voudrais être certain qu’elle me comblera corps et âme avant de m’y abandonner et que jamais elle ne me conduira à la solitude.
Alors, je brûle la chandelle par les deux bouts, juste pour voir si l’un des côtés ne se consumerait pas mieux que l’autre, si la flamme n’y serait pas plus douce, plus droite, plus réconfortante. Et lorsque je me détermine, il ne reste plus rien qu’une petite flaque de cire solidifiée sur le coin de ma table. Alors, je m’étourdis dans une quête de sens qui, de guerre lasse, abandonne bien souvent sa vertu au seul plaisir de la sensation, pourvu qu’elle soit forte. Alors, je m’enivre de vin en quête d’une vérité qu’il me semble parfois toucher du doigt dans l’épaisseur de la nuit avant qu’elle ne disparaisse dans la brume du petit matin. Je cherche à n’en plus pouvoir. À n’en plus savoir vraiment ce que cherche au juste.
Mais le temps passe, lui qui me fut allié. Le temps passe dans une inlassable cadence dont ma perception le fait s’accélérer à la mesure de mon essoufflement.
Le temps : voici bien là un mot que j’admire autant que je le crains. A. N. Schall
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sa résidence c’est le plein air il connaît tous les bancs de la vieille ville leur bois humide l’inconfort du métal
il leur a donné un nom port de plaisance rude hiver série noire
il ne demande pas la lune Philippe Rebetez (leporello Samizdat, 2023, ce qu’on voit nous regarde)
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Poème en bouton au tablier du printemps Poème en bouton au tablier du printemps ! Mais le sécateur, à la main du jardinier, par erreur grossière, Le prend pour une artificielle primevère N’offrant plus à la boutonnière Qu’une pauvre vie d’orpheline Et à la joue jardinière, une issue sanguine.
Voilà que le bouton tombe et fond dans la terre Et puis forme des stolons et la poésie germe ; L’araignée file et tisse le tablier le plus ferme ; Ainsi reprend goût à la vie – et ses esprits – l’épiderme. Le sécateur, mis au coin, à sa radicalité rumine Tandis que poètes et jardiniers dansent la biguine Aux sons des folles éclosions de l’incroyable jardin de St-Jean Dominique Vallée
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L’ordre des campagnes La grange trésor d’ombre ancienne, Le coq, les orties montent la garde. Mais approche sans crier gare De ce char, de ces roues, de ces pailles, Et disparais dans l’odeur des menthes. ~ La fontaine, les linges flottants, Les lavandières ensoleillées, Midi moins une au bord des giroflées,£ Le pois s’étire dans ses rames. Bois et pierre, ardoise et poussière, Bonnes gens, mauvaises gens, Bon soleil ou mauvais vent, Beaux blés et folles herbes,£ Midi moins une on ferme le temps. ~ Le coq, le tabac, la moto-pompe, Le poudroiement de lumière, Le coq, l’affiche déchirée. La lessive sur le pré Atteste l’ordre des campagnes. ~ Fil des fontaines dans la nuit du village ; Un peuple de ruisseaux, de canaux et d’eaux vives Chante par souvenir pendant que vous dormez Les mains de vos morts qui l’apprivoisèrent. ~ Pré noir jonché de pommes d’or Quel arbre à la face t’a jeté ses fruits ? Georges-Emmanuel Clancier, Terres de mémoire Poème semé par Nicolas Künzler
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l’appel inconnu d’un oiseau me poursuit à travers la forêt il voudrait savoir qui je suis pourquoi me questionnes-tu juste maintenant juste ici précisément je ne sais pas répondre une seule chose je suis Tina Planta-Vital, stizis as cruschan (Traces qui se croisent), traduit du romanche par Denise Mützenberg, Editions Les Troglodytes. Poème semé par Claude Thébert
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suldüm prüvada saint vastezza ils ögls inaint muntognas uondagian l’aual penda calm tras il god et tanter la spelma d’üna metropola a la glüm dal disun paesagi sulvadi ~ solitude intime je sens l’immensité les yeux à l’intérieur les montagnes ondoient le ruisseau pend paisible à travers la forêt et entre les rochers d’une métropole en plein jour je suis un paysage sauvage Flurina Badel, sert fomantà (jardin affamé), traduit du romanche vallader par Denise Mützenberg, Editions Les Troglodytes. Poème semé par Claude Thébert
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Murmure de jonquilles par la fenêtre entrouverte le soleil s’invite en toute simplicité Francine Carrillo, Le Sable de l’instant, Editions Ouvertures. Poème semé par Claude Thébert
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Ma vieillesse me parle Mes jambes avancent vers la terre Je ne trébuche pas Lentement je fais le tour du lac Une truite grise me dévisage Elle sait que mon apprentissage Émeut mon âme À mon tour, je deviens une aînée J’attends ta visite pour te raconter Une histoire qui demeure Dans les mémoires Joséphine Bacon, Un thé dans la tundra, Nipishapui nete mushuat, en français et en innu-aimun par l’auteure, Editions Mémoire d’encrier. Poème semé par Manon Hotte
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Ord i bok – de kan föra mig lângt lângt bort till andra sidan av jorden och rakt ut i rymden och djupt ner i havet…
Men ocksâ nära mig själv kan jag komma och närmare dig, när orden förklarar sâ att jag förstâr lite bättre än förr vem jag är, vem du är i världen ~ Des mots dans un livre – ils peuvent m’amener loin, loin vers l’autre côté du monde, tout droit dans l’espace et vers les profondeurs de la mer…
Mais je peux aussi m’approcher de moi-même et plus de toi, quand les mots expliquent d’une manière que je comprends un peu mieux qu’avant qui je suis, qui tu es dans le monde. Kaj Beckman, Jag ser pâ mig själv och andra – Je me regarde et les autres, 1976. Poème semé et traduit par Janet Helgesson