Par Anouk Dunant Gonzenbach
Le 8 juin est la date annoncée officiellement par le Conseil fédéral pour la réouverture des salles de lecture des bibliothèques. Date symbolique, car dans les faits toutes les institutions n’ouvrent pas leurs portes en même temps. Une des grandes étapes du déconfinement. Accès libre à toutes les lettres de tous le mots de tous les livres.
J’ai choisi cette date pour faire évoluer ce blog. Le compteur de jours (dé)confinés s’arrête ; les publications vont s’espacer. Je continuerai à mettre en ligne au fil de l’eau et avec un immense plaisir tous les textes, poèmes ou réflexions sur un aujourd’hui et un demain autrement que je recevrai (courrier@virusolidaire.ch ).
Chère, Cher Aujourd’hui,
Je m’étais promis de t’écrire mais le temps passe finalement très vite, alors je me suis levée plus tôt ce matin. Je vais écrire un peu en vrac. Les bulles s’agitent dans tous les sens. Le confinement ne nous laisse pas indemnes. Nous sommes tellement à espérer qu’il n’y ait pas de retour à l’anormal, que demain soit autrement, et demain c’est aujourd’hui.
Un aujourd’hui humaniste, local et durable, comme le demande l’appel du 4 mai.
On nous reproche de rêver, on nous dit que le bateau doit redémarrer, n’importe comment, mais qu’il ne peut pas couler. Que ce n’est pas le moment de demander des trucs, de vouloir changer, quand la majorité de la planète se bat juste pour manger. Qu’il ne faut pas se focaliser sur les avions et sur l’aide massive sans condition qui leur est apportée (à la radio, il y en a quand même une qui a réussi à dire qu’elle ne voyait pas pourquoi il fallait exiger des conditions climatiques à l’aide à l’aviation puisque l’équivalent n’était pas demandé à la culture. Tant de mauvaise foi). Rêver, ce n’est pas supprimer les avions (ou les bananes ou les avocats dans les magasins ou ou ou) c’est utiliser moins, de manière plus réfléchie, envisager les alternatives.
Nous pensons qu’il faut pédaler, aller au marché de produits locaux, chez les libraires de la place. Penser autrement, inventer une économie autrement.
Évidemment que ce n’est pas simple. Mais si l’humain arrive à créer des sociétés écran dans des îles fantômes grâce à des montages inextricables et indécelables, je ne vois pas pourquoi il n’arriverait pas à être autant créatif pour imaginer des entreprises locales rentables employant celles et ceux qui ne seront plus dans le domaine de l’aviation ou la fabrication d’armes vendues en pièces détachées à des pays où les enfants qui doivent les utiliser n’atteindront jamais leurs douze ans. A partager l’espace public pour toutes les formes de mobilité, mais le partager vraiment.
Celles et ceux qui hululent contre les cyclistes depuis des jours et des jours ont-ils tous payé leur nounou/femme de ménage/personnel de maison pendant le confinement ? Ont-il précédemment toujours engagé légalement dans leurs restaurant leurs employés ? Ou contribuent-ils à faire augmenter la queue chaque samedi aux Vernets ?
Chacun.e ses paradoxes. Il ne sert à rien de reprocher aux jeunes qui luttent pour le climat d’utiliser des Smartphone. Ces jeunes bougent, nous font bouger, appellent.
Chère, Cher Aujourd’hui, je t’avais prévenu que j’écrirais en vrac. L’économie, la mobilité, la solidarité, la revalorisation de beaucoup de professions (et cela ne passe pas forcément par le salaire), le local. Du concret en vraies propositions, tu le trouveras par exemple dans le Manifeste d’Après, le réseau genevois de l’économie solidaire et sociale.
Après, c’est maintenant. C’est ici, Chère, Cher Aujourd’hui. Une partie de la population espère de toutes ses forces, de tout son coeur, debout devant toi et du bout de sa craie qui dessine des carrés par terre, un changement, un monde plus juste, un monde humain, solidaire, local et durable.
Publié le 7 mai 2020