Des autrices et auteurs proposent ainsi des textes sur le thème « le quotidien, ici et là ». Certaines personnes nous ont aussi envoyé des poèmes choisis dans des recueils aimés, que nous avons également semés. Un projet de virusolidaire.ch et du Théâtre du sentier .
Poèmes de jardin:
*
je regarde autour de moi pour m’assurer
que les amoureux avancent à leur rythme
la vie est calme et le ciel dégagé
maussade et silencieux
je cherche un abri pour me protéger des coups durs
je quitte la nuit pour pénétrer dans le jour
je me lève en ce beau matin
si ce n’est là ailleurs nulle part
de la joie on en trouve partout
c’est commun et bon marché
je ne suis pas en position de faire le difficile
de la joie pour tous
de quoi réparer des siècles de tristesse
Vince Fasciani
*
Fragilité vibrante
Ma petitesse dans l’Univers
Oisillon insatiable
prêt à jaillir
vers monts et merveilles
Gabriella Baggiolini
*
Fissure
Situé entre la table et le plan de travail,
il y a dans la cuisine un carreau fissuré depuis 15 ans.
Fendu sur toute sa diagonale, il a vu au fil des ans s’éloigner,
centimètre après l’autre, le visage des enfants.
Témoin des repas à géométrie variable, il a tout entendu :
rires, engueulades, échanges musclés de points de vue,
chagrins et mots qui consolent.
Quand l’appartement était neuf sa fissure semblait signifier,
avec un peu d’avance, l’impermanence des choses.
La zébrure a un peu noirci en son centre mais dans son imperfection,
elle n’a que peu changé.
Patinée depuis son origine par les mêmes cinq paires de pieds,
la fracture du carrelage saumonée pourrait raconter <
les fêlures que le chagrin a imprimé dans la famille.
Caressée par les glissades des cuisiniers en plein coup de feu,
ce sont les larmes de nos fous rires qu’elle pourrait aussi partager.
Sylvie Fischer
*
Je voudrais être une victime
Pour oser crier enfin
Avant de devenir
La folie des autres
Dans le deuil du silence renouvelé chaque jour
La nature me dit ne pouvoir lutter
Contre ma nature ni choisir
Mon destin contre le hasard
Ici les châteaux hantent leurs fantômes
Et les moindres de nos paroles
Sur le miroir de la raison
Me rappellent que la liberté
Est une provocation
Philippe Constantin
*
Ici et là saisonnier
Ici le Printemps,
Avant-goût de fruits
Le jour, enfin, rendu
Plus fort que la nuit
Ici l’été,
Entre rayons de cancer
Et chaleur pour l’hiver
Jouer à ombre et lumière
Là l’automne,
Feuilles posées sur la brume
Noces de sang, noces de vin
Un avant-goût d’amertume
Là l’hiver,
Sur l’étang, la myrrhe alunit
Air de Purcell, rien à faire
Saison de la paresse impunie
L’hiver encore,
Dévisager, creuser son mystère
Qu’elle-même peut-être ignore
Pierre Jaquier
*
Primevères
Primevères, primevères
C’est la fin de l’hiver,
Vous êtes là, discrètes,
Émaillant de lumière la prairie à peine verte.
Primevères… «prime-jaunes, Maman !»
Disait notre cadette du haut de ses trois ans !
Logique, merci Chérie, tu voudrais un bouquet ?
La tige est courte, et ne tiendrait
Dans aucun vase. Elle veut sa terre
Et ne se plait qu’en pot, la brave primevère.
Alors tu prends la motte
Délicatement l’empote.
Arrose-la souvent, et son jaune permanent
Égayera longtemps ton p’tit appartement !
Enfin, à Pâques, de belles éclosions
Célèbrent le printemps et la Résurrection.
Tu reposes ta plante, heureuse, en pleine terre :
Des morceaux de soleil dans la fraicheur de l’air !
Monique Dunant
*
Elle, au jour le jour.
Elle a saisi son violoncelle, face à la fenêtre ouverte sur les lilas de la nuit, elle joue, sa joue pressée sur la volute d’érable, l’archet pulsant la voûte d’étoiles.
Au seuil de l’aujourd’hui et du lointain, elle sauve le vent pleurant que tous maudissent,
le blottit entre son pull et sa peau, le porte à son souffle,
l’emmène dans la rivière de ses cheveux.
Elle sort par le jardin, suspend à une branche la lanterne jetée à terre,
d’un pas léger prend la rue des lierres,
délace les ombres de l’emprise jalouse du quotidien.
Derrière les clôtures, elle entend les liserons se faire la belle,
aux milles miroirs des gouttes de pluie, elle boit le soleil,
l’osier du panier sur la hanche, elle se rend au marché.
Entre ses paumes elle roule l’ambre des oranges, l’or des citrons,
les paroles des passants, les pleurs des enfants,
les roule entre ses paumes, nues et claires,
les roule, les enveloppe de lumière.
L’abondance la chavire. Elle boit un café, laisse deux pièces de monnaie,
au revers du ticket, écrit un poème pour qui elle ne connaît…
La serveuse sourit, elle sait…
Au jour le jour, elle donne à la réalité une autre réalité,
elle intervertit le temps et la présence, elle écarte la vie agitée…
Elle s’inquiète de la lumière, frémit pour elle, la désenlise, la désaltère, la dépoussière, la libère,
la tire de la noyade, du vide où elle s’est agrippée.
Pas un conte de nourrice !… Un manifeste d’étincelles,
une folie, une passion, une timidité sublimée,
une lumière à affranchir, à relever, à embrasser, une lumière où respirer.
Au jour le jour, elle éclaire ce qu’elle aime.
Françoise Favre-Prinet
*
Le quotidien, ici et là
Il n’y a ni futur, ni passé dans la vie
Il n’y a que du présent
qu’une hémorragie éternelle de présent
L’attente de Dieu, c’est déjà Dieu tout entier…
Christian Bobin
in La part manquante, chap. 3
A présent, toujours là
Dans le bruissement des jours et des pas
Même lorsque je me sens las
Une main tendue me hissera
Un sourire-tendresse m’ouvrira
Au quotidien, toujours présent
Entre l’alpha et l’omega de chaque instant
Voguer tel un veilleur itinérant
Attentif au surgissement de l’A-venir en ce temps
Comme un appel à demeurer résistant
Maurice Gardiol
*
En terre
Quand cela a-t-il commencé et comment tout cela a-t-il fini ?
Ta langue autel à poussières
découvre l’herbe printanière
ton doigt
mesure le cadre d’allumettes
l’ampoule dévissée du soleil
en terre
Étranges lumières sous tes paupières
de la fin à l’enfance estime ta chance d’avoir été
ne crains plus de brûler
de retourner au rien
ossuaire
Devant les taupes sous les souris et les cerfs
plus de pénombre ou de peurs
te voilà vu de la lumière
libéré du temps
du moi de l’être
Tout ce qui ne fut pas compris
pas pleuré pas hâché
est devenu prière
rivière
Des racines font battre ton cœur
les fougères bercent tes artères
ton sang devenu rosée
Rien ne meurt rien ne dure
tout fleurit et se fâne
se greffe et s’engraine
en terre
Sylvain Thévoz
*
L’odeur d’un matin de fin de printemps
rosée gorgée d’herbe
parfum de la couleur des jeunes fleurs
de la chaussée qui se réveille
Mais pourquoi
l’odeur d’un matin de fin de printemps
ne dure-t-elle pas
toute la journée ?
Anouk Dunant Gonzenbach
*
Les rapaces
La buse plane
Le gypaète plane
Le faucon plane
Le milan plane
Mais qu’est-ce qu’ils prennent tous ?
Jean-Luc Fornelli
*
Vida de Sísif
Llevar-se, treballar,
menjar i fer que en mengin d’altres,
tenir problemes i resoldre’ls,
o potser no; tirar endavant
fins caure al llit,
esgotada.
Mirada així no té sentit,
aquesta vida de Sísif,
però hi ha coses que no he dit:
la fresca del matí,
les mirades d’entesa,
el gust per fer el que cal,
la bellesa
i que a Sísif, la pedra,
sovint li sembla lleugera.
Alba Tomàs Albina
*
La flor de amarilis
La flor más bella agota el bulbo.
El blanco impoluto sale del marrón.
Los pistilos se abren, amarillos, puros,
y luego se repliegan como un trombón.
El rosa delicado de las flores grandes
despliega un enigma de orgullo invernal.
El bulbo se encoge, mengua, se recoge,
huecas capas secas caen hasta el final.
Dar la vida como un bulbo de amarilis
que de la flaqueza engendra un nuevo tronco
con su lanza verde, henchida, una promesa,
la llama infinita que se abrirá al sol.
Ana Mata Buil
*
(bribes)
on raconte l’histoire d’un jardin magnifique
un jardin d’où l’homme a été chassé par la connaissance
on raconte cette histoire comme si elle avait déjà eu lieu
pourtant c’est une mise en garde
et le jardin n’a jamais été imaginaire
Alexandre Correa
Après l’Europe, éd. Torticolis et frères, 2021.
*
Ici
pain quotidien
là
peine quotidienne
marcher de l’une à l’autre
marcher danser courir
et parfois
s’arrêter
entre la glycine de mai
la main tendue de Michaël près du petit mur
la poste où déposer un colis de 5 idioms 5 dunnas
avant de jeter dans la benne le verre
qui se brise dans un éclat de rire
mais là-bas, près du Rhône
comment éviter la plaque où le nom
de Bartolomé Tecia n’en finit pas de crier ?
poème quotidien
j’écris je ris je crie
Denise Mützenberg
2 mai 2023
*
Les fenêtres
Derrière des fenêtres closes
d’immeuble en immeuble
£des regards se croisent
s’évitent ou s’épient
en silence
profitant des courants
qui s’engouffrent dans la cour
des oiseaux jaillissent
virevoltent et dansent
ivres de joie
leurs chants résonnent
contre les murs de béton
subjugués par ces cascades de notes
les voisins ouvrent leurs fenêtres
et leurs cœurs.
Philippe Bonvin
*
« C’est un loup. Ou bien autre chose. Ou pas. Peut-être. »
Pisteurs amérindiens du Grand Nord, les Gwich’in, cité par Nastassja Martin
Recouvrer l’humus
Nous étions faits,
peut-être,
pour autre chose,
tu sais.
Nourris de vains soupirs
de la tenaille aigre des désirs défaits
du maillage des impératifs qui
– inextricablement –
se resserrent
Cadenassés malgré nous
dans un horizon de pétrole, de bitume et d’acier
Nous entendons à peine
à présent
le cri silencieux
qui s’échappe des oiseaux
celui des fleurs qui meurent
du glacier qui expire.
Dans l’incertitude de nos traces
Qui lira l’horizon de ce qu’il nous reste à vivre
À humer
À brasser
Entre terre et mer
forêts et vallons
Combien de cailloux encore à avaler
pour que l’amertume
de ne pas être ce que nous sommes
cesse ?
Quelle part de sauvage demeure en nous ?
Et sous quelle honte,
paraissant si précieuse,
l’avons-nous enfouie ?
[…] lire la suite dans la Revue Pourtant
Marc Desplos
*
Vol d’oiseaux
Un battement
Surgit de derrière
Un groupe d’oiseaux
Ailes déployées
Silhouettes blanches noires grises
Se découpent sur le Salève
Les arbres les nuages
En contraste
Le groupe tourne
Autour d’un sapin
Revient
Repart…
Son souffle
À son passage
Son silence
Quand il s’éloigne
Battements d’ailes en rythme
En des formes diverses
Tourne autour d’un sapin
S’élance au loin
Tourne autour du sapin
Repart revient
Piqués croisés planés
Chorégraphie
Comment font-ils pour ne pas se heurter ?
Trois oiseaux s’envolent au loin
L’un d’eux revient
Franchit l’essaim
Se retrouve seul
Les deux autres
Exécutent une danse solitaire
L’essaim revient
Tourne
Revient encore
Souffle et silence
Cœur immense
Silhouettes mobiles
Sur fond violet vert gris blanc
Souffle et silence
Chorégraphie du temps
Retenu dans les ailes…
Huguette Junod
*
Météo à deux voix
Germinales
Le terreau du sommeil est encore tiède. Dans cet espace naturel hors-sol, à l’instant de l’éveil, je scrute la levée des mots. Je les admire sans bouger, la joue enfouie dans l’oreiller. Je me faufile à travers leur toison printanière. Ils sont fermes et fins comme une poussée de cresson dans laquelle les doigts esquissent des caresses et agitent des frissons. AB
Pneuma
J’inspire le souffle de vie. Je glane de nouveaux mots. Une période de maladie m’oblige à ralentir, ressentir, faire lien avec mes proches plus malades que moi. Je joue aux mots fléchés et m’émerveille. Des mots fléchettes qui soulagent les maux. Je vagis au jour qui pointe. Nouvelles perspectives. J’aspire à des gemmes résines de j’aime coulant de cœurs en mains, aux cueillettes de chervis charnus roboratifs pour l’âme. Toréer avec les ombres et transcender le champ de bataille du monde. Les fleurs repoussent après les bombes. CC
Pousse
Je me compare à une graine éveillée dans sa gangue. Embryon vivant dans un espace encore fermé qui déjà se dilate. Je sens l’appel de vivre au-delà des enveloppes. Les mains dans l’humus, j’éprouve l’énergie de m’expandre. J’ai l’intuition d’être cette plante unique, terrestre et cosmique : une éveilleuse de confiance. AB
Saisonnales
Pluie fine. Je chemine vers le bois. Un bain de verts tendres m’attend. Le printemps se répand. Tandis que le Rhône s’écoule, les mélodies entremêlées des oiseaux me magnétisent. Au milieu du chemin de ma vie, la légèreté aérienne de l’oiseau me fascine. Envol arabesque. Les chardonnerets élégants m’honorent de leur passage. Leur parure bariolée est baume. Je photographie tout et archive sans caméra. CC
Anne Bernasconi & Cynthia Cochet
Écrits en avril 2023, ces quatre textes sont l’amorce d’une correspondance poétique entre les deux femmes. Anne Bernasconi (Evilard BE) & Cynthia Cochet (Genève)
*
Les mauvaises herbes
Dans le jardin au printemps
Les mauvaises herbes
Occupent mon temps
Je les veux loin
Pour retrouver
Le beau gravier
Et l’harmonie
D’allées fleuries
Pénélope détissant
Patiemment
De la terre le tapis
Je m’étonne souvent
D’aimer ces petites plantes
Parfois ornées de fleurs
Minuscules et parfaites
Les feuilles sont variées
Rondes, ovales, allongées
Ou en épi de blé
Les racines surprenantes
L’une se donne sans résistance
Pour l’autre il y faut le couteau
Une troisième s’est développée
En tentacules éparpillées
Une sournoise se fait presque oublier
Sous la forme rampante d’une mousse grisée
Elles sont rigides ou bien coquettes
Elles sont têtues ou bien dociles
Mais les cueillant
Les triturant
Les arrachant
Posées en amoncellement
Je pense toujours
A cet ami qui un jour me dît
Les mauvaises herbes
Ce sont des herbes
Dont on n’a pas encore trouvé
Le sens de leur utilité
Brigitte Frank
*
Le quotidien ici et là
Voici bien là un mot qui m’effraie autant que je l’admire : le quotidien.
Ici, il m’est à l’esprit foyer du réconfort, de tendresse et d’une sorte de sainteté relationnelle que je ne sais nourrir, du moins pour le moment.
Car il me semble avoir le temps.
Le temps de repousser ce quotidien merveilleusement espéré qui, pour l’heure, sonne à mon oreille tel le glas d’une éternelle monotonie. Une condamnation à perpétuité à une routine dont je voudrais être certain qu’elle me comblera corps et âme avant de m’y abandonner et que jamais elle ne me conduira à la solitude.
Alors, je brûle la chandelle par les deux bouts, juste pour voir si l’un des côtés ne se consumerait pas mieux que l’autre, si la flamme n’y serait pas plus douce, plus droite, plus réconfortante. Et lorsque je me détermine, il ne reste plus rien qu’une petite flaque de cire solidifiée sur le coin de ma table.
Alors, je m’étourdis dans une quête de sens qui, de guerre lasse, abandonne bien souvent sa vertu au seul plaisir de la sensation, pourvu qu’elle soit forte.
Alors, je m’enivre de vin en quête d’une vérité qu’il me semble parfois toucher du doigt dans l’épaisseur de la nuit avant qu’elle ne disparaisse dans la brume du petit matin.
Je cherche à n’en plus pouvoir. À n’en plus savoir vraiment ce que cherche au juste.
Mais le temps passe, lui qui me fut allié.
Le temps passe dans une inlassable cadence dont ma perception le fait s’accélérer à la mesure de mon essoufflement.
Le temps : voici bien là un mot que j’admire autant que je le crains.
A. N. Schall
*
sa résidence c’est le plein air
il connaît tous les bancs
de la vieille ville
leur bois humide
l’inconfort du métal
il leur a donné un nom
port de plaisance
rude hiver
série noire
il ne demande pas la lune
Philippe Rebetez
(leporello Samizdat, 2023, ce qu’on voit nous regarde)
*
Poème en bouton au tablier du printemps
Poème en bouton au tablier du printemps !
Mais le sécateur, à la main du jardinier, par erreur grossière,
Le prend pour une artificielle primevère
N’offrant plus à la boutonnière
Qu’une pauvre vie d’orpheline
Et à la joue jardinière, une issue sanguine.
Voilà que le bouton tombe et fond dans la terre
Et puis forme des stolons et la poésie germe ;
L’araignée file et tisse le tablier le plus ferme ;
Ainsi reprend goût à la vie – et ses esprits – l’épiderme.
Le sécateur, mis au coin, à sa radicalité rumine
Tandis que poètes et jardiniers dansent la biguine
Aux sons des folles éclosions de l’incroyable jardin de St-Jean
Dominique Vallée
*
L’ordre des campagnes
La grange trésor d’ombre ancienne,
Le coq, les orties montent la garde.
Mais approche sans crier gare
De ce char, de ces roues, de ces pailles,
Et disparais dans l’odeur des menthes.
~
La fontaine, les linges flottants,
Les lavandières ensoleillées,
Midi moins une au bord des giroflées,£
Le pois s’étire dans ses rames.
Bois et pierre, ardoise et poussière,
Bonnes gens, mauvaises gens,
Bon soleil ou mauvais vent,
Beaux blés et folles herbes,£
Midi moins une on ferme le temps.
~
Le coq, le tabac, la moto-pompe,
Le poudroiement de lumière,
Le coq, l’affiche déchirée.
La lessive sur le pré
Atteste l’ordre des campagnes.
~
Fil des fontaines dans la nuit du village ;
Un peuple de ruisseaux, de canaux et d’eaux vives
Chante par souvenir pendant que vous dormez
Les mains de vos morts qui l’apprivoisèrent.
~
Pré noir jonché de pommes d’or
Quel arbre à la face t’a jeté ses fruits ?
Georges-Emmanuel Clancier, Terres de mémoire
Poème semé par Nicolas Künzler
*
l’appel
inconnu
d’un oiseau
me poursuit
à travers la forêt
il voudrait savoir
qui je suis
pourquoi me questionnes-tu
juste maintenant
juste ici
précisément
je ne sais pas répondre
une seule chose
je suis
Tina Planta-Vital, stizis as cruschan (Traces qui se croisent), traduit du romanche par Denise Mützenberg, Editions Les Troglodytes.
Poème semé par Claude Thébert
*
suldüm prüvada
saint vastezza
ils ögls inaint
muntognas uondagian
l’aual penda calm
tras il god et tanter
la spelma d’üna metropola
a la glüm dal disun paesagi sulvadi
~
solitude intime
je sens l’immensité
les yeux à l’intérieur
les montagnes ondoient
le ruisseau pend paisible
à travers la forêt et entre
les rochers d’une métropole
en plein jour
je suis un paysage sauvage
Flurina Badel, sert fomantà (jardin affamé), traduit du romanche vallader par Denise Mützenberg, Editions Les Troglodytes.
Poème semé par Claude Thébert
*
Murmure
de jonquilles
par la fenêtre
entrouverte
le soleil
s’invite
en toute
simplicité
Francine Carrillo, Le Sable de l’instant, Editions Ouvertures.
Poème semé par Claude Thébert
*
Ma vieillesse me parle
Mes jambes avancent vers la terre
Je ne trébuche pas
Lentement je fais le tour du lac
Une truite grise me dévisage
Elle sait que mon apprentissage
Émeut mon âme
À mon tour, je deviens une aînée
J’attends ta visite pour te raconter
Une histoire qui demeure
Dans les mémoires
Joséphine Bacon, Un thé dans la tundra, Nipishapui nete mushuat, en français et en innu-aimun par l’auteure, Editions Mémoire d’encrier.
Poème semé par Manon Hotte
*
Ord i bok –
de kan föra mig lângt lângt bort
till andra sidan av jorden
och rakt ut i rymden
och djupt ner i havet…
Men ocksâ nära mig själv
kan jag komma
och närmare dig,
när orden förklarar
sâ att jag förstâr
lite bättre än förr
vem jag är, vem du är
i världen
~
Des mots dans un livre –
ils peuvent m’amener loin, loin
vers l’autre côté du monde,
tout droit dans l’espace
et vers les profondeurs de la mer…
Mais je peux aussi m’approcher
de moi-même
et plus de toi,
quand les mots expliquent
d’une manière que je comprends
un peu mieux qu’avant
qui je suis, qui tu es
dans le monde.
Kaj Beckman, Jag ser pâ mig själv och andra – Je me regarde et les autres, 1976.
Poème semé et traduit par Janet Helgesson
*
Juin 2023