Suite au cri du cœur au sujet des bornes en bibliothèque, nous ne pouvions en rester là. Alors est née, par un collectif d’habitantes et d’habitants de la Ville une pétition, intitulée «Pour le droit d’emprunter et de rendre des livres en toutes circonstances aux bibliothécaires dans les bibliothèques municipales de la Ville de Genève et pour favoriser les liens entre public et professionnel.les ».
Le contexte
Depuis une dizaine d’années, les bornes automatiques qui permettent l’emprunt et le retour des livres sans contact avec un.e bibliothécaire ont fait leur entrée dans les bibliothèques municipales. Une telle machine peut ponctuellement satisfaire des besoins d’emprunter un livre en toute discrétion ou de rendre un document rapidement si cela est nécessaire.
Dans un article intitulé « Les machines appelées à rendre les bibliothèques plus humaines » paru dans nota (le journal des bibliothèques municipales, Genève, ville de culture, n. 6 septembre 2023-janvier 2024), il est annoncé qu’à terme les bornes vont se multiplier et que les bibliothécaires n’auront plus le droit d’effectuer les emprunts et retours de livres mais que le public sera obligé de faire ces deux opérations auxdites bornes. L’argument principal avancé dans l’article par les promoteurs de cette évolution est de libérer du temps de « manutention » des bibliothécaires afin de leur permettre d’interagir davantage avec le public.
Notre position
Cet argument va à l’encontre des missions de base des bibliothèques, qui sont de renseigner le public, le conseiller et le former à l’utilisation des bibliothèques (Règlement d’utilisation des bibliothèques municipales LC 21 631.1 du 1er octobre 2016). En effet, le cœur du métier de bibliothécaire est le conseil, qui s’effectue en premier lieu lors de discussions pendant les opérations de prêt et de retour des livres. Le premier lien entre les bibliothécaires et les usagères et usagers se tisse lors de ces moments. Et qui mieux que les bibliothécaires peuvent contribuer à accompagner dès le plus jeune âge leur public dans ce monde où l’éducation à l’information est un enjeu sociétal majeur ?
De plus, remplacer des personnes par des machines aura pour conséquence une perte des compétences professionnelles et le risque d’engendrer des compressions en personnel. Enfin, la multiplication des machines, leur entretien et leurs remplacements va au rebours de toute considération sur le développement durable.
Les liens et les échanges entre les personnes, les conseils donnés par des professionnel.les compétent.es, l’éducation à la recherche documentaire ainsi que la lecture gratuite sont des fondamentaux à préserver. Nous sommes persuadé.es que les activités de prêt et de retour des documents auprès des bibliothécaires sont les bases de toute médiation culturelle en bibliothèque et un service public à conserver.
La pétition demande que
- Les bibliothécaires restent les interlocuteurs privilégiés et incontournables pour les opérations de prêt et de retour des documents.
- L’installation des bornes automatiques dans les bibliothèques soit limitée au strict nécessaire (une borne par bibliothèque).
Cette pétition a été envoyée munie de plus de 250 signatures à la Commission des pétitions de la Ville de Genève. Le texte se trouve ci-dessous. Parallèlement, Laurence Corpataux, conseillère municipale, a déposé une question écrite au Conseil administratif sur le même sujet.
Encore et toujours, s’indigner
On pourra répondre qu’il ne faut pas aller contre son temps, que ces évolutions sont inéluctables, qu’on en serait encore au boulier si le monde n’était pas allé de l’avant. Certes. Cela a beaucoup remué dans la tête. Mais nous pensons profondément que chaque cassure de lien humain mérite que l’on s’indigne. Comment doit être le monde dans lequel nous souhaitons vivre ?
Article de Rachad Armanios, Tribune de Genève, 12 août 2024: Bibliothèques: fronde contre les bornes automatiques
Par Anouk Dunant Gonzenbach et Isabelle Lamm, pour le Collectif d’habitant.es
13 août 2024