Par Anouk Dunant Gonzenbach
En ce lieu
Où les grillons chantent dans le pré des foins
foins fauchés et ratissés à la main au début de l’été,
où les pots de chambre en céramique rincés le matin lézardent au soleil,
où la meule du pressoir devenue table de la cour ne sert plus, le phyloxera du début du 20e siècle ayant tiré un trait sur les vignes plantées au moyen-âge par les moines. Enfin si, elle sert à y poser nos verres pendant que tels les rois de notre monde, nous contemplons en contrebas les forêts des marais, les méandres du Rhône et le lac du Bourget.
En ce lieu où les descendants des loirs qui nous réveillaient enfants agitent le sommeil des nôtres,
où j’aimerais dégager de la végétation le petit tronc qui sert de banc sur lequel ma grand-mère nous attendait, mais il fait trop chaud,
En ce lieu,
La valeur de chaque geste,
Vaisselle à la petite lumière de l’ampoule solaire
Lecture à la lampe à pétrole
Un geste à la fois, la foi de chaque geste
Odeur de la grande armoire à linge.
Un lieu
de racines,
On y est ce qu’on est aujourd’hui mais aussi
Ce qu’on était et ce qu’on a été,
C’est pour cela qu’en un tel lieu, à ce moment là,
Je me sens aujourd’hui entière
Complétude.
Les mots de tout au fond, éd. des Sables, 2018