Par Denise Mützenberg
Chanson retrouvée
Peut-être qu’un matin la neige sera rose
et qu’un vol de pigeons battra sur le chemin
le rythme singulier rendu à toute chose
dans le silence ailé du premier lendemain
les chaînes tomberont des chevilles meurtries
l’esclave bondira léger comme un oiseau
qui retrouve l’espace au-dessus des prairies
où le gardait captif un piège de roseaux
Nos yeux sauront enfin ce que parler veut dire
un regard suffira pour conjurer l’ennui
les pierres crieront : « La mort n’a plus d’empire »
les tombeaux s’ouvriront comme un fruit qui mûrit
les anges musiciens se mêleront aux hommes
avec leurs batteries et leurs trompettes d’or
tous ensemble ils joueront doucement « Home sweet home »
comme pour un enfant retrouvé qui s’endort
Les vieillards en dansant sortiront des asiles
les filets se rompront sous le poids des poissons
les gamins qui traînaient par les rues de la ville
marcheront vers le lac en chantant des chansons
dans les yeux des enfants l’image de la guerre
pâlira peu à peu comme un feu qui s’éteint
le riche et le puissant qui triomphaient naguère
seront dépossédés quand viendra ce matin
Le sourd et le muet s’uniront dans la danse
pour inventer ensemble un nouveau cri de joie
dans la ville rendue à l’homme et au silence
des femmes chanteront pour la première fois
les banques fermeront dans les rues libérées
les malades guéris repousseront leurs draps
les boiteux sauteront par-dessus chaque haie
le désert fleurira
lorsque Tu reviendras
*
printemps-été 1972
(j’allais avoir trente ans)
*
Ce texte fait partie du projet «Paroles d’espérance en temps de crise. La voix de la poésie ».
Avril 2021