La chorale de Saint-Jean
C’est dans le quartier, c’est trop bien et il y a eu un article dans la Tribune. Il fallait vraiment aller voir et se renseigner. Un des objectifs de ce blog, mettre en lumière les actions positives, les bulles d’espérance, ce qui est beau là, autour, tout près. Alors cap sur la Maison Ronde. L’écrin de la Chorale de Saint-Jean.
Comment cela a commencé, on ne s’en rappelle pas bien. Des affichettes sur les portes des immeubles, peut-être le deuxième, ou troisième jour du confinement, annonçant qu’à 18h, on chantera Je t’emmène au vent de Louise Attaque, il y a les paroles sur l’affiche. Alors côté cour ce jour-là à 18h, les gens sortent sur les balcons. Les notes de la chanson retentissent depuis un petit haut-parleur, une voisine dirige depuis en bas ce chœur naissant, les gens chantent. Tout recommence le lendemain, et c’est parti.
Un groupe Whatsapp pré-existant s’étoffe, les choses s’organisent toutes seules. Très vite, une famille musicienne au balcon de l’immeuble d’en face met sa sono à disposition pour remplacer le petit haut-parleur et joue en live un morceau après la chanson du jour, il semble que leur interprétation des Cactus de Dutronc a marqué les esprits. Le pli est pris, le chant du jour est annoncé à l’avance, puis deux ou trois chansons par jour.
Il y a eu des appels, qui s’occupe du mardi, du mercredi, du jeudi. Chacun s’inscrit pour organiser tel ou tel soir, ça roule, il y a des chansons pour les enfants comme Buvons un coup ma serpette est perdue version Henri Dès, des chorégraphies tous en mode Beach Boys avec Surfin USA. Chaque jour sans exception.
La chorale de Saint-Jean, appelée ainsi par la Tribune et le nom est resté, devient de plus en plus créative. Des thèmes sont lancés : la plage, les bébés, l’aérobic, une soirée en hommage au chanteur Christophe, le Reggae, Queen, l’amour, les bulles de savon. C’était très beau, les bulles de savon provenant de tous ces balcons s’envolant dans un ciel tout bleu avec les notes de musique.
Il y a aussi des quiz, le voisin du jour pose des questions, par exemple deviner une chanson, une série télévisée, un animal. Parmi ces jours spéciaux, une course a été organisée dans la cour, une personne après l’autre tournant en rond sous les applaudissements des balcons et la musique à fond. Le but était d’atteindre les deux cent tours de cour.
Forcément, les voisins plus éloignés ou des curieux sont attirés et viennent assister, ce qui n’est plus très distance physique compatible. La police veille, bienveillante. Seul bémol, le jour où elle a dû intervenir à cause d’une plainte pour cause de bruit. Certains ont le confinement plus sombre.
La Maison Ronde
Benoît relève que le lieu est comme juste fait exprès pour cela, un amphithéâtre au sens propre du terme. D’ailleurs, si le son passe assez mal lorsqu’on est dans la cour en train de diriger le chœur, depuis les balcons la sonorité est incroyable.
La chorale de Saint-Jean est donc en parfaite adéquation avec le lieu. Ce lieu, cette Maison Ronde surnommée Rotonde ou Colisée, un ensemble de cinq immeubles de six étages réalisé à la fin des années 1920 par l’architecte Maurice Braillard. Une architecture qui favorise les rencontres. Un ensemble classé monument historique depuis 1995.
Prendre le temps de s’amuser
Et bien sûr, ce rendez-vous de 18h a renforcé les liens et les solidarités entre voisins, même s’il y en avait déjà pas mal. Hélia, 15 ans, insiste sur le fait que cette aventure quotidienne permet de connaître des personnes qu’elle n’avait peut-être jamais vues. Comme tout le monde a le temps, elle apprécie de prendre ce temps avec les autres et de s’amuser avec ceux qui vivent juste à côté.
Benoît raconte que ce moment de 18h donnait du sens et du courage pour la journée qui tendait vers ce rendez-vous, surtout pendant les trois premières semaines, surtout quand on est confiné avec des enfants en bas âge. Léon, 16 ans, confirme que c’est un bon défouloir en fin d’après-midi, qui permet de décompresser après les télédevoirs. Pour Hélia, c’est un moment qui remonte le moral à beaucoup de personnes vu les sourires sur tous ces visages. Elle m’écrit par message, mais je peux voir les étoiles dans ses yeux, comme c’était une bonne idée de réaliser plein d’activités, dont « des projections de courts-métrages d’animation quand le soleil se couche ».
Aussitôt dit aussitôt fait
Un des points forts de cette aventure, c’est la bougeocratie. Benoît n’en revient toujours pas. Si quelqu’un lance une idée par SMS, hop le lendemain c’est réalisé, concrétisé. Par exemple, l’idée de tendre une corde entre la Maison Ronde et l’immeuble d’en face pour matérialiser le lien sonore et virtuel, en y accrochant des bricolages. Ni une ni deux, c’est fait.
Laissons le mot de la fin à Hélia : « pis c’est toujours bien fait pour inclure toutes les générations ».
Plus de vidéos par les voisins d’en face:
The happierst days of our live & Another brick in The Wall (part.II), by The Sourdeans
Smells like teen Spirit, by The Sourdeans
Par Anouk Dunant Gonzenbach
Publié le 1er mai 2020