Par Françoise Favre-Prinet
En ce 52ème jour de confinement, assise sur le perron de la maison, le temps passe et je l’accompagne… Je l’écoute, il éveille en moi des lumières frêles ou anciennes, des lianes de vie entremêlées, une architecture de mille et un âges, la profusion faite présence, faite images et pensées, faite ingéniosité infinie, même quand l’exil est arrivé dans ma vie – et peut-être à cause de lui, qui sait?, car à ce moment-là, jetée hors de l’espace tendre et précieux, laissée sans lieu, il m’a pris contre lui, en lui, jurant qu’il serait ma mémoire ouverte: la clé est sur la porte, entre quand tu veux, viens respirer l’air de chez toi, l’air de là-bas, l’air du lointain et de l’intime, des aurores de jasmin et des terrasses aux draps blancs saturés de soleil ; viens goûter au temps des autres, à leurs questions, à leur labeur, à leurs rêves, à leurs défaites, connais leurs chagrins et le goût de leurs peurs …
J’ai amoureusement profité de cette hospitalité et lui ai accordé celle de mes passions pour que, conduit hors de lui-même, lui le temps, il connaisse l’éternité… En ces jours de confinement, il me montre encore ce que je croyais connaître: là, dans les angles morts, des amours timides patientent, d’humbles beautés, des présences si calmes, des dérobades aussi… Et j’en suis si émue que je me prends à désirer pour tous, un retournement qui déjouerait les angles morts, verrait large, ferait de chacun l’acteur et le témoin unique de ce temps: sa mémoire vive.
Publié le 4 mai 2020