par Anouk Dunant Gonzenbach
La bise frigorifie les rues de la vieille ville, c’était une mauvaise idée de se donner rendez-vous dehors, à la pause de midi, devant le carrousel, et d’arriver en avance. Alors en attendant, c’est peut-être le moment, enfin, d’aller voir le rouet au plafond, celui qui est dans tous les guides de la Genève insolite. Contourner les sobres murs de pierre, pousser la porte.
Il y a de la lumière, rentrer, d’un coup on est à l’abri. Sur la gauche, un bar à thé et à café, une crouzille. Et des madeleines, faites maison précise la dame. Des madeleines et une dame, juste comme ça, pour la gourmandise et quelques mots, mais si on le veut seulement. Sur la droite, une grande table, des chaises, à dispo, un peu plus loin trois fauteuils aux couleurs vives. Cosy. On peut se poser là, et pique-niquer. Sans rien expliquer.
Un rouet au plafond. C’est joli, l’histoire voudrait qu’une fileuse soit à l’origine de ce bâtiment, qu’elle aurait légué à sa mort le fruit de son travail de la laine pour le construire, mais non. En vrai, ce ne serait pas le rouet de la fileuse, mais les armoiries de la famille de Rolle, qui au milieu du 15e siècle a relevé les voûtes de la nef. De la nef, parce qu’on est là dans la plus vieille église de Genève. De son clocher sonne chaque heure la plus vieille cloche de la cité, le Grillet, qui nous vient de 1420. La plus vieille église de Genève, devenue l’un des premiers temple, à la Réforme. Le temple de la Madeleine.
Derrière cette porte qui s’est ouverte, un coup de cœur. Calme, lumière et accueil. Des madeleines, des chaises et une table, s’y asseoir, avec son sandwich et ses collègues. Tous les jours sauf lundi entre midi et 17h. L’accueil, mais pas besoin d’adhérer, d’être d’accord ou je ne sais. Juste être là. C’est un peu cela dont nous avons besoin, là où on en est, aujourd’hui. Au cœur des rues couleur bleu foncé du Monopoly, la simplicité.
Publié dans le GHI, rubrique Point de vue, 3 mars 2022.
Photo: Romano1246_Wikimedia commons