Par Marie-José Astre-Démoulin
Viruslam
Quand la planète s’est tue, pour un virus en planque,
La question est venue : qu’est-ce qui donc nous manque ?
Peut-on en un instant se taire et supprimer
Diners d’affaires, allures pressées et s’affaler,
Sans conséquences, être éjectés hors de la danse ?
Mais c’est la poisse ! Et quelle angoisse !
Pour les parents sont apparus devoirs scolaires, maths, orthographe,
Dans les limites, oh, bien étroites, d’une maison ou d’un appart.
Les géniteurs tout partagés entre éducateurs dévoués
Et envie de distribuer gifles et baffes à la volée,
Collectivement ont muselé toute expression de ces sanctions
Et effacé de leur mémoire le moindre de leurs déboires.
Et pour les couples, jolies surprises Oui mon chéri, Moments bénis,
Et débuts de crises Mais qui es-tu ? J’aurais pas cru !
Ces partenaires de vie-de lit tous condamnés-promiscuité
Pour éviter les mises en cause, Jamais tu n’oses ! J’en ai ma dose !
Ont décidé de se cuiter : flots de paroles, sermons-serments, bouffe et alcool.
L’heure des bilans viendra sans doute, en attendant on casse la croûte.
Quant aux solos, on s’organise, on minimise, solidarise.
Zoom et WhatsApp et même des Skype.
On dit Ca va ? Oui moi aussi ! T’as fait un cake ? Vu un remake ?
Surtout, pas d’mec. Voisins balcons, rangements à fond,
Pensées limaces et ciel sans traces, silence ami, on s’réjouit,
D’une liberté tellement chérie. Jusqu’au moment
Où vient la nuit.
Quand l’horizon se fond dans la pénombre, alors, en nombre,
Grands et petits, amoureux endurcis, célibataires et transis,
Saisis par un même élan de paresse, poussés par un même désir de tendresse,
Silencieusement s’enroulent dans l’ombre, s’y enveloppent
Et puis sombrent dans le rêve d’une étreinte
Qui permettrait d’oublier craintes, cris, plaintes, passé, désirs essoufflés
Dérisoires et communs espoirs d’une humanité
Sous un noir voile emprisonnée.
Publié le 24 mai 2020