Par Linda Diatta
Se lever ce matin, encore…
Pourquoi, au fond ?
Aujourd’hui, plus que jamais,
Le monde a besoin de raisons.
Alors, ce matin encore,
Prendre son courage à deux mains
Et se hisser hors du lit chaleureux pour
S’émouvoir une fois encore devant le couronnement des majestueux magnolias en fleurs ;
Suivre rêveusement du regard le ballet amoureux des cygnes, élégants danseurs sur le miroir du canal ;
Pour la première fois, faire son pain soi-même. Découvrir qu’on aime ça. Mettre trop d’eau. Rater. Manger des tartines humides pendant une semaine. Et recommencer sans une hésitation ;
Se rendre compte qu’en fait, on aime son métier ; malgré nos plaintes incessantes et quotidiennes, au fond, on l’a peut-être quand même choisi ;
Vouloir voyager encore, découvrir un nouveau pays, quand le confinement sera fini… sans avion on essaiera, c’est promis ;
Lire enfin tous les livres d’Emile Zola et de Balzac qui prennent la poussière et attendaient, sagement rangés dans la bibliothèque du salon, une telle occasion ;
Aimer son mari – sa femme – son concubin – sa concubine – ses amis – sa famille – les soignants – les personnes âgées – soi-même – il paraît que c’est le plus important – l’être humain enfin, dans sa totalité, avec toutes ses imperfections – espérer qu’il apprendra, qu’il se relèvera de cette crise et acceptera de faire autrement puisqu’ainsi n’a pas fonctionné ;
Pouvoir respirer un jour à nouveau sans masque, croiser quelqu’un sur le trottoir sans faire un écart de deux mètres avec un sourire contrit, toucher à tout dans les grands magasins, appuyer sur la poignée de l’immeuble sans penser qu’on va crever, retrouver nos mains douces d’avant, quand on ne passait pas nos journées à les laver ;
Me lever pour écrire, enfin. Ecrire. Ne plus pouvoir se dire : je n’ai pas le temps. Ne plus avoir le choix. Plus d’excuse toute faite. Ecrire parce que c’est là mon essentiel, la seule façon de traverser l’existence. Accepter l’écriture et lui faire une place dans ma vie, pour me sentir complète, enfin.
*
Ce texte fait partie du projet «Paroles d’espérance en temps de crise. La voix de la poésie» (il a été écrit en avril 2020).
Avril 2021