A Genève, c’est spécial. En pleine période paisible de l’Avent, c’est l’Escalade -qui vient mettre le bazar là au milieu, pensent celles et ceux qui n’ont pas grandi avec les pétards, la marmite et l’effervescence de la confection des déguisements. A Genève, le 12 décembre, l’Avent fait un pas de côté. Ce calendrier (dès mardi) sur un sapin à roulettes) ne pouvait pas s’écrire sans cette date ni sans son spécialiste.
Par Claude Bonard
Pè sous anfan il a de la
tandresse,
A bin volu se bouta à la brèche
Et ranversa lous ennemi mordan
Que vegnivon fare lous arrogan.
La strophe 67 du Cé qu’è lainô, hymne cher au cœur des Genevois, dont les Archives d’Etat conservent la première version datée du 18 décembre 1602, rappelle la victoire genevoise contre les troupes du duc Charles Emmanuel de Savoie qui désirait de faire de la cité la capitale de ses Etats de ce côté-ci des Alpes et aussi restaurer le catholicisme à Genève.
Le plan d’attaque savoyard prévoyait un assaut par surprise, en escaladant les muraille de la cité au cours de la plus longue nuit de l’année, celle du 11 au 12 décembre selon l’ancien calendrier. Il y a eu dans la victoire genevoise, une part de chance.
Mais il y a eu aussi un «autre chose» qui a joué en faveur des Genevois, à savoir la conscience de défendre non seulement leur vie et leur foyer, mais aussi leur foi et leur modèle de société.
Chaque année depuis 1926, la Compagnie de 1602 fait revivre cet événement au cœur de la Cité. Le son des fifres et des tambours résonne dans les ruelles. Des sonneries de trompettes retentissent dans les cours des immeubles. Le bruit des sabots qui raclent le pavé et les hennissement des chevaux créent une ambiance à nulle autre pareille. L’odeur si particulière de la résine des torchères prend à la gorge. Les casques et les cuirasses scintillent sous le feu des torches. Le cliquetis des épées, des brides et des harnais résonne partout. Les claquements secs du tir des arquebuses et le grondement du canon surprennent les visiteurs. Sur les places, les gens se côtoient et se réchauffent autour d’un verre de vin chaud. Des ribambelles d’enfants qui rient et chantent se faufilent à travers la foule costumés ou déguisés. Ils chantent à belle voix les traditionnelles chansons d’Escalade.
De génération en génération, il en est ainsi … sauf en cette année 2020 qui voit ce satané virus perturber la tradition. Mais, n’en doutons pas, la Covid-19 sera elle aussi, l’an prochain, « culbutée hors les murs ».
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Mis en ligne le 12 décembre 2020
Ce texte fait partie du calendrier de l’Avent et sapin à pommes, à poèmes et à roulettes