Un ânon, les Rameaux et Brassens
Aujourd’hui, c’est le dimanche des Rameaux, quand Jésus est entré assis sur un ânon à Jérusalem. Pour ceux qui comme moi se demandent, les Rameaux, c’est quoi déjà, et pourquoi l’âne est devenu important dans ce rituel et dans l’histoire de l’art de cet événement, voici sur le site de Sansleseuil.ch le résultat de nos recherches avec un petit contexte historique et en image.
Ici, je voulais proposer pour l’occasion un poème de Francis Jammes (1868-1938). Francis Jammes (prononcer les trois premières lettres à la française) est un poète qui a vécu toute sa vie au pied des Pyrénées. Il est un peu oublié, car à partir de 1905 sa production poétique prend un caractère essentiellement religieux. Wikipedia nous renseigne bien à son sujet, mais je n’ai pas trouvé d’autre site qui lui serait consacré (ah, l’accès à une vraie bibliothèque…).
Ce qui est paradoxal, c’est que ce qui est resté le plus connu de son œuvre sont deux prières, la sublime Prière, mise en musique par Georges Brassens et la Prière pour aller au paradis avec les ânes, parue dans le recueil Le deuil des primevères (1901).
Prière pour aller au paradis avec les ânes, Frances Jammes
Lorsqu’il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera. Je désire, ainsi que je fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles.
Je prendrai mon bâton et sur la grande route
j’irai, et je dirai aux ânes, mes amis :
Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis,
car il n’y a pas d’enfer au pays du Bon Dieu.
Je leur dirai : » Venez, doux amis du ciel bleu,
pauvres bêtes chéries qui, d’un brusque mouvement d’oreille,
chassez les mouches plates, les coups et les abeilles. »
Que je Vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j’aime tant parce qu’elles baissent la tête
doucement, et s’arrêtent en joignant leurs petits pieds
d’une façon bien douce et qui vous fait pitié.
J’arriverai suivi de leurs milliers d’oreilles,
suivi de ceux qui portent au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques
ou des voitures de plumeaux et de fer-blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bossués,
des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés,
de ceux à qui l’on met de petits pantalons
à cause des plaies bleues et suintantes que font
les mouches entêtées qui s’y groupent en ronds.
Mon Dieu, faites qu’avec ces ânes je Vous vienne.
Faites que, dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
qui mireront leur humble et douce pauvreté
à la limpidité de l’amour éternel.
Le deuil des primevères, 1901.
Image de bandeau: Entrée de Jésus à Jérusalem par Giotto, début du 14e siècle (Wikimedia, domaine public).
publié le 5 avril 2020