Par Anne-Marie André
Douleur
L’éclatement de l’aube me saisit.
Seule dans la chambre, je ne perçois plus rien.
Dehors, dedans, la frontière s’est dissipée.
Tout entière, je disparais dans l’espace infini de la douleur.
Engendrée dans le repli du confinement,
Une autre douleur refait surface, me tient captive.
Perdue aux confins d’une nuit qui s’accroche à mon corps,
Je tente de recoudre les bribes de mon être.
La douleur refuse de me lâcher.
L’angoisse est tenace.
Rompue aux luttes intérieures, ma résistance s’amplifie.
Dans cette nuit de l’aube, épuisée par cette bataille inutile,
Mon cri implose,
Déchire le tissage de ma lutte, fait trembler mon silence.
Comme des prières sans mots, je lâche des mots.
J’abandonne. Renonce à me cramponner à ce qui me tient.
A retenir le jour, à chasser la nuit.
Je me terre et me dessaisis de l’instant.
Ma parcelle de survie saute en éclats, découvre ma fragilité.
Je suis touchée en plein coeur par cette vigueur muette.
L’aube s’est rassemblée.
Un voile se déploie dans la douceur du vent. Et m’emporte.
J’entrouvre les yeux. Dehors, dedans.
Le chant des oiseaux caresse ma peau.
Comme une mélopée, un bruissement rythme l’oubli.
Mon essoufflement s’apaise.
Les arbres, couronnés de clarté, ondulent sous le ciel.
Apaisée, je respire la terre, les vents, les cascades.
Il y a du vivant dans la traversée de la douleur, de la perte de soi.
Un fil tendu, ténu.
Ruisselantes sur mon visage, les larmes me le révèlent.
Dans la lumière de cet instant de grâce,
Je me laisse effleurer. Doucement.
Je renoue avec ma force fragile.
Quelques frappes discrètes et la porte s’ouvre.
Joyeuse et rayonnante l’infirmière entre dans ce champ de bataille.
« Bonjour ! Comment allez-vous ? Joyeuses Pâques !»
Un maigre sourire sur mon visage lui offre une réponse.
Une seule parole
Et la naissance du jour me saisit comme un présent.
L’espérance au bout de la nuit m’étreint, me prend par la main.
*
Ce texte fait partie du projet «Paroles d’espérance en temps de crise. La voix de la poésie ».
Avril 2021