Par Pierre Jaquier
Une Pâque (1) de l’espérance à la « dés-espérance»
Pas d’espoir sans désir
Pas de désir sans l’idée :
– J’espère que cela arrivera ou…
– J’espère que cela n’arrivera pas…
Espérer en l’autre, en un objet
En un changement de société
Pas d’espoir sans désir d’obtenir
Changement, être, objet, durée…
Où qu’elle aille, quoiqu’il advienne
Sans espoir :
Pas d’avancée de l’humanité
Ni régression ou progression
L’économie s’appuie sur l’espoir
La consommation sur les désirs
Que sans trop de douleurs
Je vive, je l’espère ;
Que mes enfants me survivent
Je l’espère de même
Espoir :
Désir toujours au présent
Espérant que l’autre, objet ou divinité
Transforment mon désir en une réalité
Espoir :
Germe quelque fois sec d’un désir
Qui demain se refusera à la réalité
Belle de nuit qui de cesse attend
(Son jour)
Ou parfois l’épilogue au fruit juteux
Gratification d’une attente espérée
Joie en une persévérance endurée
L’espoir que cela arrive
Quoique soit ce cela
N’est pas le problème
L’exigence que ce cela le devienne
Quoique soit ce cela
Est le problème
Espère l’étoile la plus loin
Et modèle entre tes mains
L’heureux hasard de demain
Ensuite, couche-toi, observe, et ri
De n’avoir eu plus que la vie donne
Et ne désire plus que soleil rayonne
Je peux espérer que la chose soit
Comme j’aimerais qu’elle soit
Je peux espérer que l’autre soit
Comme je souhaiterais qu’il soit
Ou espérer que ni l’une ni l’autre
Ne devient comme il se pourrait
Mais de ce choix, je n’en ai pas
Ô espoir jamais je ne te crois
Sans voix tu peux me laisser
Ou déposer en moi l’astre qui flamboie
Une heureuse illusion entretenue
Ne vaut-elle pas mieux qu’une
Désillusion en réalité devenue
Espoir :
Un pari sur la frustration
Ou sur la gratification
Si la chose ou l’être espéré je l’obtiens
Gratifié je suis
Tout gratifié aime son « gratificateur »
Qu’il soit chose, personne ou divinité
Si la chose ou l’être espéré je ne l’obtiens
Frustré je suis
Tout frustré déteste son « frustrateur »
Qu’il soit chose, personne ou divinité
Espoir :
Désir de tout mouvement de vie
Plaisir qui fait agir tout être (2)
Chêne chaînes ou roseau plumes
Espérer :
Qui s’y emploie résiste et rompt
Dés-espérer :
Qui s’y emploie ploie mais ne rompt
Espoir :
Possible tristesse ou joie
Pas de tristesse sans frustration
Pas de joie sans gratification
Pour ne plus être triste, il faut :
Le désir de ne plus rien espérer
Ou n’espérer que ce qui arrive
Avec l’idée :
– Si ça vient tant mieux
– Si ça ne vient pas tant pis
– Si ça repart tant pis aussi
Mais n’est Bouddha qui veut
Ou
Obtenir tous ses espoirs…
Mais ne serait parfait que Dieu
Ou
Obtenir sans espérer posséder
Avec l’idée :
– Si j’ai encore tant mieux
– Si je n’ai plus tant pis
– Un autre plaisir me sourit
Mais n’est Stoïcien qui veut
Pour accroître sa tristesse, il faut :
Regretter chaque minute la
Personne ou l’objet non obtenu
Ou perdu
Pour diminuer sa tristesse, il faut :
Abandonner l’espoir d’obtenir le non obtenu
Abandonner l’espoir de conserver l’obtenu
Et par l’imaginaire compenser ces deux nus
Dés-espérer plus qu’espérer :
Vivre au présent ce qui est
Sans que cela le demeure
Frustration de ce qui n’est
Gratification de ce qui est
Le meilleur marché du bonheur
Ô espoir, désir puéril en un bonheur
Déposé dans les paumes du hasard
Content ne vit le désireux
Heureux qui plus rien ne désire (3)
Pour autant, Ô espoir :
T’abandonner :
Nous nous en gardons
Car même si tu fais durer
Tout ce que durer use (4)
Tant que durer l’emporte
Tu nous fais supporter l’usure.
- passage en hébreu
- Virgile
- vers de Ronsard
- Vers de François Rossel
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Ce texte fait partie du projet «Paroles d’espérance en temps de crise. La voix de la poésie ».
Avril 2021