Par Denise Mützenberg
Demain Noël
I
Je ne
chanterai plus désormais qu’à voix nue
La corde trop tendue s’est cassée sous mes doigts
Mais j’aurai les mains libres
Le cœur libre à Noël
Et je tendrai mes mains à tous ceux qui m’appellent
II
Les
marronniers roux sont des torches
Que le vent du matin allume au préau noir
Vous avancez entre eux plus clairs que les troncs pâles
Et les frôlez du bras… moi je hâte le pas
Quand la grue crucifie au ciel d’encre
le soir
Nos quatre lampes blanches projetées sur le noir
Il me vient quelquefois un désir insensé
vous voir là vous parler et peut-être pleurer
Demain soir c’est Noël nous serons séparés
III
Je dois
creuser profond en moi
Longtemps plus longtemps chaque année
Pour retrouver
Comme une flamme orange et bleue
Comme une odeur de pin qui craque dans le feu
Comme une aurore de neige
Comme un scintillement
L’émerveillement de l’enfance.
IV
Ce soir
pour moi l’enfant de la crèche est mort-né
L’innocence n’a plus de visage
L’enfance a ce soir le regard
d’un enfant noir de Chicago assis sur le bord du trottoir
Ce soir je ne rencontre plus que ton
visage d’homme
Oh crucifié…
Ton visage semblable à la face amaigrie
de celui qui demain va mourir au Djebel
J’entends déjà crier les corbeaux de Noël
Marche avec moi dans cette nuit sans
lune
L’Espoir ce soir n’est pas dans l’étoile immobile
arrêtée pour mille ans
dans un ciel qui ne répondra plus
L’espoir est dans le vent qui fait peur
aux bourgeois
Ce vent qui s’est levé soudain sur les marais
Et nos mains dans ce vent ont senti ta présence
L’espoir sera demain la bise de Noël
*
Poèmes écrits il y a soixante ans et dédiés à mes amis d’alors et en particulier au poète Jean-Pierre Schlunegger, Noël 1959.
Gravure « Le chemin » par Claire de Buren Massy
*
Mis en ligne le 21 décembre 2020
Ce texte fait partie du calendrier de l’Avent et sapin à pommes, à poèmes et à roulettes