Par Alma Sartoretti, 16 ans
méli-mélo d’actualité
Pardon de vous écrire si tard, j’espère que d’autres
auront été meilleurs élèves que moi…
J’ai moi aussi fait de la pâtisserie, mais je ne me suis pas vraiment découverte une passion, que j’avais déjà, mais au contraire du temps ! Si ça vous intéresse, je partage volontiers avec vous mes recettes favorites, muffins divers et variés, banana breads époustouflants, cakes au citron miraculeux, gâteaux à la ricotta et fleur d’oranger venus d’une autre dimension, la liste est encore longue.
Toutefois, une fâcheuse malédiction est venue assombrir le ciel bleu de mes pérégrinations culinaires… Peut-être Julie vous l’a-t-elle raconté, elle est désormais l’heureuse nourrice d’un magnifique levain, à l’aide duquel elle réalise des pains qui le sont encore plus. Vous vous imaginez donc bien ma hâte de pouvoir en faire autant, et transformer allègrement ma cuisine en boulangerie artisanale. Pour aggraver la situation, il fallait en plus que ma grand-mère confinée à Budapest m’envoie elle aussi quotidiennement des merveilles panifères faites grâce au Saint Levain. Ni une ni deux, je file chez Julie à vélo et ramène de chez elle un rejeton de sa créature fermentée, que je confie sereinement à ma mère, complice dans l’aventure.
Déjà nous nous enflammons, lui donnons des petits noms, le regardons avec tendresse et affection, nous projetons sans crainte dans des années de cohabitation, jusqu’à imaginer, la larme à l’oeil, le moment sacré où nous pourrons le léguer à la prochaine génération, ce levain majestueux qui a nourri tant d’estomacs affamés…
Mais, le destin ne nous réservait pas ce sort là. Je n’ai malheureusement pas été présente autant qu’il fallait, et ma mère m’expliquait qu’il suffisait de nourrir la créature “au feeling”, pas besoin de peser quoique ce soit, “les bergères de la puszta n’avaient pas de balances, elles”… Folies ! De fil en aiguille, ce pauvre levain arrivé à la mauvaise adresse a rendu l’âme, et nous n’avons rien pu faire pour lui d’autre que pleurer à chaudes larmes sur sa dépouille acide.
Les restrictions sanitaires s’assouplissent, oui mais pas toutes… Les événements de ces
derniers jours m’ont révélé la réalité de la situation: seul ce qui contribue à
l’activité économique est permis, le reste ne bouge pas. On se retrouve donc
dans des situations absurdes, où il n’y a pas de soucis à s’agglutiner pour
choisir sa salade à la Coop, acheter sa glace, prendre les transports en
communs ou travailler sur les chantiers, par contre quelques citoyen.ne.x.s qui
revendiquent pacifiquement dans la rue, dans le respect le plus complet des
règles sanitaires, et zou au poste! (et ce évidemment sans que les policiers ne
s’embarrassent de la moindre hygiène lorsqu’il s’agit de plaquer quelqu’un au
mur en lui tordant les bras pour le menotter…).
Pas de retour à l’anormal. Je ne suis pas très optimiste, mais crois fortement en la nécessité absolue de ne pas revenir au modèle économique et politique que nous connaissions jusqu’ici, il en va de la survie de l’humanité et de la biodiversité que nous connaissons. Plus que jamais, la solidarité est cruciale, il faut abolir les privilèges et inégalités, aider tout le monde sans distinction.
J’appréhende avec curiosité néanmoins la crise économique qui semble être imminente, les pauvres vont-iels juste crever dans la misère et l’indifférence des riches toujours plus riches, pardonnez-moi mon vocabulaire, ou va-t-il y avoir une révolte populaire contre ce système pourri responsable de tant de malheurs? La masse de gens menés par le bout du nez, rendus dépendants de ce modèle économique, abêtis et réduits au rang de pions dont on se fout de l’avis va-t-elle réussir à prendre conscience – et les armes (littéralement ou pas, je ne suis pas pour la violence tant qu’elle est évitable) ? Je ferai pour ma part tout mon possible pour que la deuxième option se réalise.
C’est donc principalement alarmée que je suis,
sentiment que partage visiblement Amnesty International, qui dénonce l’atteinte
inquiétante à la liberté d’expression et aux droits citoyens que nous fait le
Gouvernement.
J’ai fait au début quelques “grands” tours à vélo dans notre belle campagne, seule ou accompagnée, je compte m’y remettre bientôt. Je garderai sûrement en mémoire le mélange des moments doux et douloureux partagés entre ami.e.x.s, doux parce que l’on est ensemble, que l’on rit et l’on discute, douloureux parce qu’on est peu, que les autres nous manquent et que l’on rêverait de se prendre dans les bras, pour se dire des choses que l’on ne peut faire que comme ça.
Voilà, après trois pages de dissertation chaotique je mets fin au carnage, et espère que vous et vos proches allez au mieux.
Publié le 11 mai 2020