Un jour, faire les commissions à la Coop du coin, même arriver jusqu’à la Coop du coin pour faire tes commissions te parait un exploit plus extraordinaire que de monter l’Everest par la face nord sans assistance et sans oxygène. Ce jour-là, tu es maman pour la première fois et tu sors pour la première fois toute seule avec ton bébé de six jours dans la poussette. Tu as franchi l’Everest.
Tu comprends petit à petit le bonheur d’habiter un quartier qui est un village, tu vas chez le boucher, au marché (en ce temps-là il existe encore), chez Tina, tu vois du monde, le monde admire ton bébé, les gens sont tous formidables, tu parcoures le Beulet dans tous les sens, tu passes du temps à la pharmacie, tu aimes les pharmaciennes, le boucher, Heinz et Danielle du marché, tu aimes les gens. C’est juillet, tu t’enhardis, tu te poses sur le rebord des voies couvertes, tu pousses doucement la poussette en avant et en arrière, tu regardes ton bébé dormir. Tu as de la chance, les smartphones n’existent juste pas encore, tu passeras tout ton congé à regarder le visage de ton petit bébé.
Tu ne sais pas encore que plus tard, il te demandera comment fait le robot pour se gratter les jambes quand ses boutons le démangent car il a les bras trop courts.
Tu explores un peu plus loin, tu découvres le parc des roses, certains l’appellent le parc des chats, la vue sur la Bâtie, le Rhône qui n’en a que faire. Tu prends l’habitude d’allaiter au parc des roses. C’est si paisible. Tu manges un flanc au caramel au parc des roses, tu échanges des sourires avec les promeneuses, tu es protégée par l’ombre d’Ermenonville, par toutes les femmes plus âgées qui passent, par l’été de Saint-Jean. Tes yeux ne quittent pas ton bébé.
Tu ne sais pas encore que plus tard, il te demandera comment c’est les poumons à l’intérieur d’un serpent.
Tu le portes dans l’écharpe, tu déambules au Promeneur solitaire, des tas d’enfants jouent dans la pataugeoire, dans les cabanes, au toboggan, tu entends les cris des enfants, tu écoutes ce bruit du monde, un des seuls qui vaille la peine, mais c’est encore trop tôt pour tout cela, tu remontes au parc des roses, tu allaites ton tout-petit.
Tu ne sais pas encore que plus tard, il te demandera si l’infini de un est plus petit que l’infini de deux.
Aujourd’hui, bien plus tard, entre ordres du jour et rendez-vous à prendre, entre rapports administratifs et sparadraps, entre deux coups de pédale, aujourd’hui que tu es devenue une tisserande du quotidien, tu aimerais bien prendre des morceaux de temps et les déplacer, revenir sur le banc du parc des roses, n’avoir rien à faire que de regarder cette vue et te consacrer entièrement à ce bébé. Tu as l’impression que tu as allaité le temps d’un point-virgule. Et dans ton cœur, tu remercies le parc des roses.
* Paru dans Quartier Libre n. 128, printemps-été 2023
Des autrices et auteurs proposent ainsi des textes sur le thème « le quotidien, ici et là ». Certaines personnes nous ont aussi envoyé des poèmes choisis dans des recueils aimés, que nous avons également semés. Un projet de virusolidaire.ch et du Théâtre du sentier .
Poèmes de jardin:
* je regarde autour de moi pour m’assurer que les amoureux avancent à leur rythme la vie est calme et le ciel dégagé maussade et silencieux je cherche un abri pour me protéger des coups durs je quitte la nuit pour pénétrer dans le jour je me lève en ce beau matin si ce n’est là ailleurs nulle part de la joie on en trouve partout c’est commun et bon marché je ne suis pas en position de faire le difficile de la joie pour tous de quoi réparer des siècles de tristesse Vince Fasciani
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Fragilité vibrante Ma petitesse dans l’Univers Oisillon insatiable prêt à jaillir vers monts et merveilles Gabriella Baggiolini
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Fissure Situé entre la table et le plan de travail, il y a dans la cuisine un carreau fissuré depuis 15 ans. Fendu sur toute sa diagonale, il a vu au fil des ans s’éloigner, centimètre après l’autre, le visage des enfants. Témoin des repas à géométrie variable, il a tout entendu : rires, engueulades, échanges musclés de points de vue, chagrins et mots qui consolent. Quand l’appartement était neuf sa fissure semblait signifier, avec un peu d’avance, l’impermanence des choses. La zébrure a un peu noirci en son centre mais dans son imperfection, elle n’a que peu changé. Patinée depuis son origine par les mêmes cinq paires de pieds, la fracture du carrelage saumonée pourrait raconter < les fêlures que le chagrin a imprimé dans la famille. Caressée par les glissades des cuisiniers en plein coup de feu, ce sont les larmes de nos fous rires qu’elle pourrait aussi partager. Sylvie Fischer
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Je voudrais être une victime Pour oser crier enfin Avant de devenir La folie des autres
Dans le deuil du silence renouvelé chaque jour La nature me dit ne pouvoir lutter Contre ma nature ni choisir Mon destin contre le hasard
Ici les châteaux hantent leurs fantômes Et les moindres de nos paroles Sur le miroir de la raison Me rappellent que la liberté Est une provocation Philippe Constantin
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Ici et là saisonnier Ici le Printemps, Avant-goût de fruits Le jour, enfin, rendu Plus fort que la nuit Ici l’été, Entre rayons de cancer Et chaleur pour l’hiver Jouer à ombre et lumière Là l’automne, Feuilles posées sur la brume Noces de sang, noces de vin Un avant-goût d’amertume Là l’hiver, Sur l’étang, la myrrhe alunit Air de Purcell, rien à faire Saison de la paresse impunie L’hiver encore, Dévisager, creuser son mystère Qu’elle-même peut-être ignore Pierre Jaquier
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Primevères Primevères, primevères C’est la fin de l’hiver, Vous êtes là, discrètes, Émaillant de lumière la prairie à peine verte. Primevères… «prime-jaunes, Maman !» Disait notre cadette du haut de ses trois ans ! Logique, merci Chérie, tu voudrais un bouquet ? La tige est courte, et ne tiendrait Dans aucun vase. Elle veut sa terre Et ne se plait qu’en pot, la brave primevère. Alors tu prends la motte Délicatement l’empote. Arrose-la souvent, et son jaune permanent Égayera longtemps ton p’tit appartement ! Enfin, à Pâques, de belles éclosions Célèbrent le printemps et la Résurrection. Tu reposes ta plante, heureuse, en pleine terre : Des morceaux de soleil dans la fraicheur de l’air ! Monique Dunant
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Elle, au jour le jour. Elle a saisi son violoncelle, face à la fenêtre ouverte sur les lilas de la nuit, elle joue, sa joue pressée sur la volute d’érable, l’archet pulsant la voûte d’étoiles.
Au seuil de l’aujourd’hui et du lointain, elle sauve le vent pleurant que tous maudissent, le blottit entre son pull et sa peau, le porte à son souffle, l’emmène dans la rivière de ses cheveux. Elle sort par le jardin, suspend à une branche la lanterne jetée à terre, d’un pas léger prend la rue des lierres, délace les ombres de l’emprise jalouse du quotidien. Derrière les clôtures, elle entend les liserons se faire la belle, aux milles miroirs des gouttes de pluie, elle boit le soleil, l’osier du panier sur la hanche, elle se rend au marché. Entre ses paumes elle roule l’ambre des oranges, l’or des citrons, les paroles des passants, les pleurs des enfants, les roule entre ses paumes, nues et claires, les roule, les enveloppe de lumière. L’abondance la chavire. Elle boit un café, laisse deux pièces de monnaie, au revers du ticket, écrit un poème pour qui elle ne connaît… La serveuse sourit, elle sait… Au jour le jour, elle donne à la réalité une autre réalité, elle intervertit le temps et la présence, elle écarte la vie agitée… Elle s’inquiète de la lumière, frémit pour elle, la désenlise, la désaltère, la dépoussière, la libère, la tire de la noyade, du vide où elle s’est agrippée. Pas un conte de nourrice !… Un manifeste d’étincelles, une folie, une passion, une timidité sublimée, une lumière à affranchir, à relever, à embrasser, une lumière où respirer. Au jour le jour, elle éclaire ce qu’elle aime. Françoise Favre-Prinet
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Le quotidien, ici et là Il n’y a ni futur, ni passé dans la vie Il n’y a que du présent qu’une hémorragie éternelle de présent L’attente de Dieu, c’est déjà Dieu tout entier… Christian Bobin in La part manquante, chap. 3
A présent, toujours là Dans le bruissement des jours et des pas Même lorsque je me sens las Une main tendue me hissera Un sourire-tendresse m’ouvrira
Au quotidien, toujours présent Entre l’alpha et l’omega de chaque instant Voguer tel un veilleur itinérant Attentif au surgissement de l’A-venir en ce temps Comme un appel à demeurer résistant Maurice Gardiol
* En terre Quand cela a-t-il commencé et comment tout cela a-t-il fini ?
Ta langue autel à poussières découvre l’herbe printanière ton doigt mesure le cadre d’allumettes l’ampoule dévissée du soleil en terre
Étranges lumières sous tes paupières de la fin à l’enfance estime ta chance d’avoir été ne crains plus de brûler de retourner au rien ossuaire
Devant les taupes sous les souris et les cerfs plus de pénombre ou de peurs te voilà vu de la lumière libéré du temps du moi de l’être
Tout ce qui ne fut pas compris pas pleuré pas hâché est devenu prière rivière
Des racines font battre ton cœur les fougères bercent tes artères ton sang devenu rosée
Rien ne meurt rien ne dure tout fleurit et se fâne se greffe et s’engraine en terre Sylvain Thévoz
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L’odeur d’un matin de fin de printemps rosée gorgée d’herbe parfum de la couleur des jeunes fleurs de la chaussée qui se réveille Mais pourquoi
l’odeur d’un matin de fin de printemps ne dure-t-elle pas toute la journée ? Anouk Dunant Gonzenbach
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Les rapaces La buse plane Le gypaète plane Le faucon plane Le milan plane Mais qu’est-ce qu’ils prennent tous ? Jean-Luc Fornelli
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Vida de Sísif Llevar-se, treballar, menjar i fer que en mengin d’altres, tenir problemes i resoldre’ls, o potser no; tirar endavant fins caure al llit, esgotada. Mirada així no té sentit, aquesta vida de Sísif, però hi ha coses que no he dit: la fresca del matí, les mirades d’entesa, el gust per fer el que cal, la bellesa i que a Sísif, la pedra, sovint li sembla lleugera. Alba Tomàs Albina
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La flor de amarilis La flor más bella agota el bulbo. El blanco impoluto sale del marrón. Los pistilos se abren, amarillos, puros, y luego se repliegan como un trombón. El rosa delicado de las flores grandes despliega un enigma de orgullo invernal. El bulbo se encoge, mengua, se recoge, huecas capas secas caen hasta el final. Dar la vida como un bulbo de amarilis que de la flaqueza engendra un nuevo tronco con su lanza verde, henchida, una promesa, la llama infinita que se abrirá al sol. Ana Mata Buil
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(bribes) on raconte l’histoire d’un jardin magnifique un jardin d’où l’homme a été chassé par la connaissance on raconte cette histoire comme si elle avait déjà eu lieu pourtant c’est une mise en garde et le jardin n’a jamais été imaginaire Alexandre Correa Après l’Europe, éd. Torticolis et frères, 2021.
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Ici pain quotidien là peine quotidienne marcher de l’une à l’autre marcher danser courir et parfois s’arrêter entre la glycine de mai la main tendue de Michaël près du petit mur la poste où déposer un colis de 5 idioms 5 dunnas avant de jeter dans la benne le verre qui se brise dans un éclat de rire
mais là-bas, près du Rhône comment éviter la plaque où le nom de Bartolomé Tecia n’en finit pas de crier ?
poème quotidien j’écris je ris je crie Denise Mützenberg 2 mai 2023
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Les fenêtres Derrière des fenêtres closes d’immeuble en immeuble £des regards se croisent s’évitent ou s’épient en silence profitant des courants qui s’engouffrent dans la cour des oiseaux jaillissent virevoltent et dansent ivres de joie leurs chants résonnent contre les murs de béton subjugués par ces cascades de notes les voisins ouvrent leurs fenêtres et leurs cœurs. Philippe Bonvin
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« C’est un loup. Ou bien autre chose. Ou pas. Peut-être. » Pisteurs amérindiens du Grand Nord, les Gwich’in, cité par Nastassja Martin
Recouvrer l’humus
Nous étions faits, peut-être, pour autre chose, tu sais.
Nourris de vains soupirs de la tenaille aigre des désirs défaits du maillage des impératifs qui – inextricablement – se resserrent Cadenassés malgré nous dans un horizon de pétrole, de bitume et d’acier Nous entendons à peine à présent le cri silencieux qui s’échappe des oiseaux celui des fleurs qui meurent du glacier qui expire.
Dans l’incertitude de nos traces Qui lira l’horizon de ce qu’il nous reste à vivre À humer À brasser Entre terre et mer forêts et vallons Combien de cailloux encore à avaler pour que l’amertume de ne pas être ce que nous sommes cesse ?
Quelle part de sauvage demeure en nous ? Et sous quelle honte, paraissant si précieuse, l’avons-nous enfouie ? […] lire la suite dans la Revue Pourtant Marc Desplos
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Vol d’oiseaux Un battement Surgit de derrière Un groupe d’oiseaux Ailes déployées Silhouettes blanches noires grises Se découpent sur le Salève Les arbres les nuages En contraste Le groupe tourne Autour d’un sapin Revient Repart… Son souffle À son passage Son silence Quand il s’éloigne Battements d’ailes en rythme En des formes diverses Tourne autour d’un sapin S’élance au loin Tourne autour du sapin Repart revient Piqués croisés planés Chorégraphie Comment font-ils pour ne pas se heurter ? Trois oiseaux s’envolent au loin L’un d’eux revient Franchit l’essaim Se retrouve seul Les deux autres Exécutent une danse solitaire L’essaim revient Tourne Revient encore Souffle et silence Cœur immense Silhouettes mobiles Sur fond violet vert gris blanc Souffle et silence Chorégraphie du temps Retenu dans les ailes… Huguette Junod
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Météo à deux voix
Germinales Le terreau du sommeil est encore tiède. Dans cet espace naturel hors-sol, à l’instant de l’éveil, je scrute la levée des mots. Je les admire sans bouger, la joue enfouie dans l’oreiller. Je me faufile à travers leur toison printanière. Ils sont fermes et fins comme une poussée de cresson dans laquelle les doigts esquissent des caresses et agitent des frissons. AB
Pneuma J’inspire le souffle de vie. Je glane de nouveaux mots. Une période de maladie m’oblige à ralentir, ressentir, faire lien avec mes proches plus malades que moi. Je joue aux mots fléchés et m’émerveille. Des mots fléchettes qui soulagent les maux. Je vagis au jour qui pointe. Nouvelles perspectives. J’aspire à des gemmes résines de j’aime coulant de cœurs en mains, aux cueillettes de chervis charnus roboratifs pour l’âme. Toréer avec les ombres et transcender le champ de bataille du monde. Les fleurs repoussent après les bombes. CC
Pousse Je me compare à une graine éveillée dans sa gangue. Embryon vivant dans un espace encore fermé qui déjà se dilate. Je sens l’appel de vivre au-delà des enveloppes. Les mains dans l’humus, j’éprouve l’énergie de m’expandre. J’ai l’intuition d’être cette plante unique, terrestre et cosmique : une éveilleuse de confiance. AB
Saisonnales Pluie fine. Je chemine vers le bois. Un bain de verts tendres m’attend. Le printemps se répand. Tandis que le Rhône s’écoule, les mélodies entremêlées des oiseaux me magnétisent. Au milieu du chemin de ma vie, la légèreté aérienne de l’oiseau me fascine. Envol arabesque. Les chardonnerets élégants m’honorent de leur passage. Leur parure bariolée est baume. Je photographie tout et archive sans caméra. CC Anne Bernasconi & Cynthia Cochet Écrits en avril 2023, ces quatre textes sont l’amorce d’une correspondance poétique entre les deux femmes. Anne Bernasconi (Evilard BE) & Cynthia Cochet (Genève)
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Les mauvaises herbes Dans le jardin au printemps Les mauvaises herbes Occupent mon temps Je les veux loin Pour retrouver Le beau gravier Et l’harmonie D’allées fleuries Pénélope détissant Patiemment De la terre le tapis Je m’étonne souvent D’aimer ces petites plantes Parfois ornées de fleurs Minuscules et parfaites Les feuilles sont variées Rondes, ovales, allongées Ou en épi de blé Les racines surprenantes L’une se donne sans résistance Pour l’autre il y faut le couteau Une troisième s’est développée En tentacules éparpillées Une sournoise se fait presque oublier Sous la forme rampante d’une mousse grisée Elles sont rigides ou bien coquettes Elles sont têtues ou bien dociles Mais les cueillant Les triturant Les arrachant Posées en amoncellement Je pense toujours A cet ami qui un jour me dît Les mauvaises herbes Ce sont des herbes Dont on n’a pas encore trouvé Le sens de leur utilité Brigitte Frank
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Le quotidien ici et là Voici bien là un mot qui m’effraie autant que je l’admire : le quotidien.
Ici, il m’est à l’esprit foyer du réconfort, de tendresse et d’une sorte de sainteté relationnelle que je ne sais nourrir, du moins pour le moment.
Car il me semble avoir le temps. Le temps de repousser ce quotidien merveilleusement espéré qui, pour l’heure, sonne à mon oreille tel le glas d’une éternelle monotonie. Une condamnation à perpétuité à une routine dont je voudrais être certain qu’elle me comblera corps et âme avant de m’y abandonner et que jamais elle ne me conduira à la solitude.
Alors, je brûle la chandelle par les deux bouts, juste pour voir si l’un des côtés ne se consumerait pas mieux que l’autre, si la flamme n’y serait pas plus douce, plus droite, plus réconfortante. Et lorsque je me détermine, il ne reste plus rien qu’une petite flaque de cire solidifiée sur le coin de ma table. Alors, je m’étourdis dans une quête de sens qui, de guerre lasse, abandonne bien souvent sa vertu au seul plaisir de la sensation, pourvu qu’elle soit forte. Alors, je m’enivre de vin en quête d’une vérité qu’il me semble parfois toucher du doigt dans l’épaisseur de la nuit avant qu’elle ne disparaisse dans la brume du petit matin. Je cherche à n’en plus pouvoir. À n’en plus savoir vraiment ce que cherche au juste.
Mais le temps passe, lui qui me fut allié. Le temps passe dans une inlassable cadence dont ma perception le fait s’accélérer à la mesure de mon essoufflement.
Le temps : voici bien là un mot que j’admire autant que je le crains. A. N. Schall
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sa résidence c’est le plein air il connaît tous les bancs de la vieille ville leur bois humide l’inconfort du métal
il leur a donné un nom port de plaisance rude hiver série noire
il ne demande pas la lune Philippe Rebetez (leporello Samizdat, 2023, ce qu’on voit nous regarde)
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Poème en bouton au tablier du printemps Poème en bouton au tablier du printemps ! Mais le sécateur, à la main du jardinier, par erreur grossière, Le prend pour une artificielle primevère N’offrant plus à la boutonnière Qu’une pauvre vie d’orpheline Et à la joue jardinière, une issue sanguine.
Voilà que le bouton tombe et fond dans la terre Et puis forme des stolons et la poésie germe ; L’araignée file et tisse le tablier le plus ferme ; Ainsi reprend goût à la vie – et ses esprits – l’épiderme. Le sécateur, mis au coin, à sa radicalité rumine Tandis que poètes et jardiniers dansent la biguine Aux sons des folles éclosions de l’incroyable jardin de St-Jean Dominique Vallée
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L’ordre des campagnes La grange trésor d’ombre ancienne, Le coq, les orties montent la garde. Mais approche sans crier gare De ce char, de ces roues, de ces pailles, Et disparais dans l’odeur des menthes. ~ La fontaine, les linges flottants, Les lavandières ensoleillées, Midi moins une au bord des giroflées,£ Le pois s’étire dans ses rames. Bois et pierre, ardoise et poussière, Bonnes gens, mauvaises gens, Bon soleil ou mauvais vent, Beaux blés et folles herbes,£ Midi moins une on ferme le temps. ~ Le coq, le tabac, la moto-pompe, Le poudroiement de lumière, Le coq, l’affiche déchirée. La lessive sur le pré Atteste l’ordre des campagnes. ~ Fil des fontaines dans la nuit du village ; Un peuple de ruisseaux, de canaux et d’eaux vives Chante par souvenir pendant que vous dormez Les mains de vos morts qui l’apprivoisèrent. ~ Pré noir jonché de pommes d’or Quel arbre à la face t’a jeté ses fruits ? Georges-Emmanuel Clancier, Terres de mémoire Poème semé par Nicolas Künzler
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l’appel inconnu d’un oiseau me poursuit à travers la forêt il voudrait savoir qui je suis pourquoi me questionnes-tu juste maintenant juste ici précisément je ne sais pas répondre une seule chose je suis Tina Planta-Vital, stizis as cruschan (Traces qui se croisent), traduit du romanche par Denise Mützenberg, Editions Les Troglodytes. Poème semé par Claude Thébert
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suldüm prüvada saint vastezza ils ögls inaint muntognas uondagian l’aual penda calm tras il god et tanter la spelma d’üna metropola a la glüm dal disun paesagi sulvadi ~ solitude intime je sens l’immensité les yeux à l’intérieur les montagnes ondoient le ruisseau pend paisible à travers la forêt et entre les rochers d’une métropole en plein jour je suis un paysage sauvage Flurina Badel, sert fomantà (jardin affamé), traduit du romanche vallader par Denise Mützenberg, Editions Les Troglodytes. Poème semé par Claude Thébert
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Murmure de jonquilles par la fenêtre entrouverte le soleil s’invite en toute simplicité Francine Carrillo, Le Sable de l’instant, Editions Ouvertures. Poème semé par Claude Thébert
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Ma vieillesse me parle Mes jambes avancent vers la terre Je ne trébuche pas Lentement je fais le tour du lac Une truite grise me dévisage Elle sait que mon apprentissage Émeut mon âme À mon tour, je deviens une aînée J’attends ta visite pour te raconter Une histoire qui demeure Dans les mémoires Joséphine Bacon, Un thé dans la tundra, Nipishapui nete mushuat, en français et en innu-aimun par l’auteure, Editions Mémoire d’encrier. Poème semé par Manon Hotte
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Ord i bok – de kan föra mig lângt lângt bort till andra sidan av jorden och rakt ut i rymden och djupt ner i havet…
Men ocksâ nära mig själv kan jag komma och närmare dig, när orden förklarar sâ att jag förstâr lite bättre än förr vem jag är, vem du är i världen ~ Des mots dans un livre – ils peuvent m’amener loin, loin vers l’autre côté du monde, tout droit dans l’espace et vers les profondeurs de la mer…
Mais je peux aussi m’approcher de moi-même et plus de toi, quand les mots expliquent d’une manière que je comprends un peu mieux qu’avant qui je suis, qui tu es dans le monde. Kaj Beckman, Jag ser pâ mig själv och andra – Je me regarde et les autres, 1976. Poème semé et traduit par Janet Helgesson
En pédalant en couleur en choeur en chocolat en lisant Engadine en janvier en joie enneigé en train en écrivant
en paix ennivrant en robe à pois
en carillonnant en rond en écoutant en bondissant en coeur en trébuchant en chocolat en forêt en tissant en débordant en contact en prose en ville entière en arrosant en vrac en bouillon enfance en avant en étoile
Alireza a sauté du pont. Rejoindre les étoiles était préférable pour lui à un renvoi en Grèce, son enfer de Dante. Il voulait que sa souffrance s’arrête. Son espoir est mort là, à deux pas de chez nous, chez nous. On ne pouvait pas dire que l’on ne savait pas.
On ne pourra pas dire plus tard que l’on ne savait pas. Car oui, on le sait, que les conditions de vie dans les foyers ne sont pas une vie. On le sait, que des enfants sont condamnés à y attendre une décision insoutenable. On le sait, que dans les premiers pays d’accueil, en Grèce, en Croatie et ailleurs, les gens croupissent dans des camps, sont trop souvent victimes de violences et en sont réduits au désœuvrement, à une attente sans fin qu’il vente ou qu’il neige, que le soleil tape fort ou que les pluies inondent leurs baraquements de fortune. On le sait, que ceux qui décident l’inhumain sont bien loin à Berne et que sur le terrain souffrent les humains.
Les associations, les Eglises, le CSP, les engagé.e.s, ils témoignent, alertent, écrivent, pétitionnent, accompagnent depuis des années. Jeudi passé, la voix des jeunes a résonné. Ils comptent sur nous pour l’amplifier. Ils n’ont plus que nous, mais ils nous ont. Soyons dignes de leur dignité, de la confiance qu’ils nous font, qu’ils ont exprimées, jeudi soir dans la nuit de décembre, au pied de l’Hôtel de Ville. Avant de retourner au foyer de l’Etoile, là où aucune ne brille.
Nous, Genevoises et Genevois, habitons à côté de ce centre d’hébergement fédéral pour mineurs. C’est chez nous, alors nous ne pouvons pas fermer les yeux ou nous taire. Crions, indignons-nous, interpellons encore plus fort le Secrétariat d’Etat aux migrations et les autorités fédérales. Ils rendent des décisions mais c’est chez nous que les enfants sautent du pont. Genève ne doit plus le tolérer. Genève doit montrer sa solidarité. Genève doit se soulever. La pression ne doit pas se relâcher.
En ce temps de Noël, prenons le temps de réfléchir à l’hospitalité.
*
Paru dans la Tribune de Genève, La lettre du jour, 15 décembre 2022.
Sur les voies couvertes, nous buvions à un mètre cinquante de distance notre café à emporter dans le soleil d’’un samedi matin de novembre. Mon amie est mariée depuis de nombreuses années à Steve, un américain pur souche. On parlait COVID, bien sûr, et tout naturellement elle continue sur le problème du rassemblement des familles pour Thanksgiving aux Etats-Unis cette année-là. Je n’avais jamais mesuré l’ampleur de cette fête, là-bas. Et on parle Black Friday (arrière, Satan). Je n’avais pas non plus fait le lien entre ce jour de l’hyperconsommation et la dinde. Il était plus que temps de se pencher sur la question, d’autant que j’avais eu la chance d’assister quelques semaines plus tôt au vernissage de la très intéressante exposition du Musée international de la Réforme (MIR) « Calvin en Amérique », de partir en réalité augmentée naviguer sur le Mayflower et d’apercevoir dans un casier une reproduction d’un tableau de la première fête de Thanksgiving.
Thanksgiving, c’est où et quand ? Thanksgiving est une fête qui est célébrée aux Etats-Unis le quatrième jeudi de novembre, le jeudi suivant le 26 novembre. Ce jeudi et le lendemain sont des jours fériés. Le jeudi, les magasins sont fermés.
Thanksgiving, ça vient d’où et c’est quoi ? Retour au 17e siècle sur un bateau parti d’Angleterre Ça vient de loin. Le 16 septembre 1620, 102 colons anglais partent de Southampton en bateau, le Mayflower. Parmi eux, des membres de l’Eglise anglaise séparée de Leyde, dits des puritains. Durant la traversée, ils s’engagent par un contrat mutuel, le Mayflower compact, qui édicte les règles de la vie en commun et les principes qui régiront leur établissement en terre inconnue. Ce texte sera l’une des sources de la Constitution des Etats-Unis. Le 26 novembre suivant, ils débarquent sur la côte américaine près du Cap Cod et fondent la première ville de Nouvelle-Angleterre, la colonie de Plymouth (précisons qu’une bonne partie est morte en route et que beaucoup d’autres décèdent ensuite du scorbut). Bien plus tard, en 1798, ces puritains recevront le nom de « Pères pèlerins », les Pilgrim Fathers. Ce protestantisme a modelé le caractère des Etats-Unis, mais cela est une autre histoire.
En 1621, une année après le débarquement des Pères Pèlerins, la première fête de Thanksgiving est célébrée par eux en signe de reconnaissance à Dieu -merci pour la terre- et pour remercier les Amérindiens de leur aide. L’exposition du MIR explique que la tribu des Wampanoags a facilité la survie des colons en leur enseignant la pêche, la chasse et la culture du maïs.
En 1863, Abraham Lincoln officialise la fête annuelle de Thanksgiving, chaque jeudi suivant le 26 novembre.
Thanksgiving, c’est comment ? Je lis que la dinde viendrait de l’amitié entre un fils de Lincoln et un volatile, ou que les colons ont offert des dindes aux Wampanoags lors de la première célébration. Ce n’est pas très clair. A ce stade, j’ai téléphoné à Steve, le mari de mon amie du café distancié du samedi matin. Steve a du sang indigène d’une tribu de Nouvelle-Angleterre dans les veines, il me rappelle l’origine, qui est pour les Indiens une fête qui célèbre la récolte. Je vais aussi voir ma voisine. L’ampleur de ce que j’écoute est énorme.
Thanksgiving, c’est la fête qui réunit la famille élargie, on embarque aussi des voisins un peu seuls, l’étudiante déracinée, les amis qui n’ont pas d’autre endroit où aller. On la célèbre chez le membre de la famille qui a la plus grande maison. La veille, le mercredi, les routes et les avions sont bondés. On traverse les Etats-Unis d’une côte à l’autre s’il le faut. C’est le jour le plus voyagé de l’année. Dans ce pays gigantesque qui regroupe beaucoup de cultures et de religions différentes, Thanksgiving est fêtée par tous en même temps, car ce n’est pas une fête religieuse, mais un remerciement. La famille, les cousins. Cinq heures de voiture, on arrive, on cuisine, tout le monde cuisine. On prépare la dinde, bien sûr, la farce, la sauce à la canneberge à mettre dessus, les patates douces, du maïs, les haricots, chaque famille a ses habitudes pour les accompagnements. Ils vendent des dindes monstrueuses, tu n’imagines pas, des dindes de vingt kilos, impressionnantes, énormes. Après, tu manges des sandwiches à la dinde pendant quatre jours, car il y a toujours trop. Le repas commence l’après-midi ou en fin d’après-midi. Certaines familles font une prière avant de manger, pour dire merci. Pour le dessert, des gâteaux, du apple pie, mais surtout la pumkin pie, la tarte à la courge.
Un grand repas ensemble, plus important que Noël, avec des amis que tu embarques s’ils sont seuls. Minimum quinze personnes à table, une table pour les enfants, une pour les adultes. Les gens ne vont pas au restaurant, c’est vraiment une réunion en famille dans une maison. Toute la journée se passe autour de ça.
Le rapport avec le Black Friday ? Le jeudi de Thanksgiving est férié. Le lendemain, les gens ont congé, mais les magasins sont ouverts. Alors comme les gens ont congé, ils vont faire du shopping. C’est ce jour-là que commencent officiellement les achats de Noël. Je n’ai pas vérifié, mais il y a plusieurs interprétations sur le nom de cette journée. Les magasins qui seraient noirs de monde, des magasins qui étaient jusque-là dans les chiffres rouges et qui redeviennent noirs, ou un massacre dû à la mafia à New-York.
Un lien avec Genève ? Je me réfère au Dictionnaire historique et biographique de la Suisse (DHS) : « Les relations culturelles et l’échange d’idées entre ce que d’aucuns appellent les Sister Republics ou républiques sœurs sont anciens. Genève tout particulièrement a fourni un nombre considérable de penseurs, spécialistes des questions théologiques ou politiques, et d’hommes d’Etat, qui ont participé à ces échanges culturels. Actifs à Genève, puis en Angleterre ou en Ecosse, John Knox, Andrew Melville et Thomas Cartwright influencèrent le congrétionaliste Robert Browne dont les idées furent exportées en 1620 en Amérique sur le Mayflower, les Pères pèlerins emportant aussi dans leurs bagages la Bible de Genève de 1560. » Ah, voilà le lien.
La Bible de Genève (Geneva bible) est une bible traduite en anglais à Genève par de nombreux érudits anglais exilés et fuyant l’Angleterre de la catholique Marie Tudor, dont John Knox. Les érudits qui travaillent à l’édition de cette bible ont accès aux meilleurs manuscrits hébreux et grecs, y compris au codex de Théodore de Bèze. Elle contient maintes caractéristiques innovantes et ouvre une nouvelle ère aux traductions anglaises. C’est la première Bible en anglais à être illustrée, annotée et divisée en versets. Cette Bible, très marquée par la Réforme genevoise, connaît au moins cent quarante éditions, entre 1560 et 1644.
Thanksgiving, réflexions de ma découverte ? C’est dingue comme ici nous ne connaissons pas cette fête majeure aux Etats-Unis. Mais du coup tu t’attaques aux fêtes non religieuses, me lance ma voisine. Oui, c’est tout-à-fait cela en fait qui me fascine dans cette célébration dont je viens de découvrir l’ampleur. Elle n’est pas religieuse. Mais tout le monde la fête. Il n’y a pas de cadeaux, pas de fleurs, pas de restaurants. Un repas qui réunit les familles élargies, auquel ceux qui sont seuls momentanément ou pas sont invités. Un moment pour dire merci, merci à la terre qui nous a accueillis, comme le répète cette voisine.
C’est dommage, c’est le pire qui est arrivé chez nous, le lendemain, le black friday, la surconsommation sans la fête de famille du jour précédent.
Références
Netzle, Simon; Arlettaz, Gérald; Vonsattel-Amoos, Anne-Marie: « Etats-Unis d’Amérique », in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 18.03.2015, traduit de l’allemand. consulté le 21.11.2020.
Musée international de la Réfome (MIR), Calvin en Amérique, exposition actuelle.
Ce premier dimanche de décembre, nous allumons la première bougie de la couronne, celle que nous avons fabriquée, décorée ou achetée. Nous entrons ainsi dans la période de l’Avent, un peu féérique, un peu paisible, même si pour les Genevois l’Escalade vient mettre un bazar historique, costumé et animé là au milieu.
C’est le moment idéal pour se pencher à la lueur de cette flamme sur les origines de ces semaines précédant Noël et de rouvrir, comme chaque année au mois de décembre, le riche ouvrage de François Walter et Alain Cabantous : Noël, une si longue histoire .
Les semaines qui précèdent Noël servent à préparer cette fête, «ce que désigne depuis le 12e siècle le mot «Avent», du latin adventus, soit la «venue», sous-entendu de Jésus Christ». Les auteurs nous apprennent qu’il faut remonter au 5e siècle pour trouver les origines de l’Avent. A cette époque, des sermons spécifiques sont prononcés pendant la période de l’Avent, puis vers 480 un jeûne est instauré trois fois par semaine depuis la Saint-Martin jusqu’à Noël, comme un deuxième Carême. Ce jeûne est par la suite réduit dans sa durée puis abandonné au 12e siècle. Au 16e siècle, saint Charles Borromée répète lors de la Réforme tridentine qu’il faut jeûner au moins les lundis, mercredis et vendredis des quatre semaines de l’Avent.
Le calendrier de l’Avent Le premier décembre, on ouvre la première porte du calendrier de l’Avent, voire on déballe le premier petit paquet. Ce calendrier fait son apparition au 20e siècle, mais le principe de décompter les jours avant Noël est plus ancien. François Walter explique qu’«on pense que cela vient de la tradition de préparation de la crèche : chaque jour, les enfants ajoutaient un nouvel élément décoratif, par exemple un brin de paille».
Le calendrier de l’Avent est créé en Allemagne. Au 19e siècle, on faisait patienter les enfants en leur donnant une image pieuse pendant les 24 jours précédant Noël. Puis le premier calendrier de l’Avent avec des petites fenêtres à ouvrir est commercialisé en 1920. Pour les chocolats, il faut attendre 1958. Cette tradition germanique s’étend ensuite progressivement au reste de l’Europe.
La couronne de l’Avent La couronne de l’Avent provient également d’Allemagne. François Walter indique qu’il s’agit d’une «couronne de sapin sur laquelle on plante quatre bougies. On en allume une chaque dimanche de l’Avent.»
Créée au milieu du 19e siècle par un pasteur travaillant dans une institution recueillant des enfants très pauvres, cette couronne est à l’origine en bois et ornée de vingt petits cierges rouges et quatre grands cierges blancs. «Le pasteur allumait une bougie par jour pour faire patienter les enfants jusqu’à Noël. La tradition s’est répandue, mais comme les bougies coûtaient cher, leur nombre est passé de vingt-quatre à quatre.»
Pour en savoir plus : François Walter, Alain Cabantous, Noël, une si longue histoire, Payot, 2016.
Texte écrit en décembre 2019 pour le site Sansleseuil.ch
La semaine de toutes les célébrations liées à la mort : Halloween, La Toussaint, la fête des morts. Qu’en est-il à Genève ? Tout d’abord, reprécisons un peu tout cela.
Par Anouk Dunant Gonzenbach
La Toussaint est une fête catholique en l’honneur de tous les saints qui a lieu chaque année le 1er novembre, qui est dans certains pays un jour férié.
Il ne faut pas la confondre avec la fête des morts, qui a lieu le lendemain 2 novembre. L’office des morts prend son origine dans la veillée des morts que les premiers chrétiens faisaient à l’exemple des Juifs. Ce jour-là, il est coutume de se rendre au cimetière pour prendre soin des tombes d’êtres disparus et y planter des fleurs. La fête des morts est un rituel pratiqué dans de nombreuses cultures et religions.
Il règne une certaine confusion entre la Toussaint et la fête des morts, car le 1er novembre (Toussaint) étant un jour férié notamment en France, les gens se rendent ce jour-là au cimetière, pour des raisons pratiques.
Là-dessus nous est arrivé des Etats-Unis il y a plusieurs années Halloween, qui se fête dans la soirée du 31 octobre. Il semble que son nom soit une contraction de l’anglais « All Hallows-Even », qui signifie « the eve of all Hallows’day », la veille de tous les saints.
Et en terre réformée, qu’en est-il du rapport à la mort ? On remet à Dieu les défunts, mais il n’y a pas de communication entre les vivants et les morts.
A Genève, à la fin de 1540, des dispositions sont prises pour organiser la cité en fonction des exigences de la Réforme et plus généralement de l’ordre public. Ainsi, une première série d’ordonnances passées en Petit Conseil en 1541 prévoit entre autres, laconiquement: » Les predicans escripre les baptesmes et mariages et l’hospitallier les mors » (1). En effet selon la doctrine calviniste, le rôle du pasteur se termine avec le dernier souffle du mourant et la sépulture ne donnait lieu à aucun acte religieux. C’est pourquoi les registres des décès sont tenus depuis 1545 par l’autorité civile exclusivement, c’est-à-dire par un fonctionnaire qui a été généralement le responsable de l’hôpital, ou le vérificateur des décès.
Calvin lui-même est enterré dans un lieu qu’on ne peut identifier, afin que sa tombe ne devienne pas un lieu de pèlerinage. Pourtant à cette époque la question se pose au lendemain du décès de Théodore de Bèze le 14 octobre 1605 : sa veuve souhaite qu’il soit enterré au cloître de Saint-Pierre et que son corps soit enveloppé dans du linge funéraire puis transporté par des écoliers lors d’un cortège pour lui rendre honneur. Le gouvernement autorise le lieu de l’ensevelissement, mais face aux protestations des pasteurs, qui craignent l’introduction d’une distinction sociale dans les rites funéraires, le rituel est simplifié et le linge funéraire interdit (2).
Aujourd’hui, les pasteurs célèbrent des services funèbres, qui sont des cultes d’Adieu. L’Eglise protestante de Genève ne célèbre pas de rites particuliers durant la cérémonie. Mais le-la pasteur-e ou la famille peuvent proposer des gestes qui ont un sens pour eux ou qui aident à faire le passage. Par exemple, en geste de dernier adieu, la famille peut déposer un texte ou une fleur sur le cercueil.
Le rapport à nos morts n’est donc pas tout simple. C’est sans doute pour cela qu’avec sens des personnes qui travaillent avec la mort tentent de questionner aujourd’hui ce rapport et d’en examiner les rituels dans différentes cultures. Ces questionnements, ces tentatives, ces recherches de sens, ne serait-ce pas des essais légitimes de redonner vie à la mort pour mieux l’appréhender ?
Photo: visite du Cimetière de Châtelaine organisée par le Service des pompes funèbres, cimetières et crématoire de la Ville de Genève, 26 octobre 2024. Un moment passionnant qui nous a été offert par un passionné.
Des morceaux épars, des bribes, de la poudre à lessive, des carottes pluchées, des cahiers couverts, oreilles attentives, sixième sens à l’affût, pique-niques et partitions, ballon et ballerines, rapports administratifs et commissions, séances plénières et sparadraps, ordres du jour et ventes de pâtisseries.
Des artistes de l’épars, femmes, filles et mamans, nous.
Des morceaux épars, des bouts de tissus à gauche et à droite, en pile et envolés, dessus et dessous. Délicatement, faufiler, raccommoder, coudre les bouts sur une grande tenture, pour voir. Il y a quelque chose dans le fil, sa couleur, sa texture, quelque chose de tout-à-coup cohérent, si on regarde bien. Il en faut du temps pour coudre, pour que la tapisserie prenne du sens, pour que le fil d’Ariane puisse peut-être, toujours, indiquer une direction.
Le grand patchwork du quotidien devient unité. Le fragmenté brodé. Les bris recollés.
De l’épars nous les tisserandes savons faire naitre l’harmonie.
Les cosmos ont séché sur pied Devant la maison, Je suis triste. Il faut dire que je ne les arrose plus, Parce que utiliser de l’eau pour arroser, en ce moment, Je n’y arrive pas, L’eau potable si précieuse. Les cultures ont brûlé Les vignes hachées Les cosmos secs et bruns pendouillent Et je suis triste. Les ados, autour, sont inquiets, Ils font tout ce qu’ils peuvent Mais ça ne change pas grand-chose, Et ça me rend triste, tellement triste, Et les glaciers fondent.
Depuis la nuit des temps, Depuis que le monde est monde, Ce n’est pas drôle, on est d’accord, Mais là on pourrait tellement.
Alors je vais replanter des cosmos Et les arroser A l’eau de pluie récupérée A l’eau du robinet, tant pis, Non, quand-même pas Et je vais regarder le quartier Les roses trémières Les toits végétalisés Tout ce qui est en train de pousser Tout ce qui est en train de se passer Dans le quartier
Et comme depuis la nuit des temps Et comme depuis que le monde est monde, Fortes et fières Les bras qui restent levés Imaginer, planter, dégrapper Parce qu’on prend les choses en main A l’échelle du quartier.
17 juillet 2022
Paru dans Quartier libre 127 – automne-hiver 2022-2023
Il y a des choses immuables. La tarte aux pruneaux du Jeûne genevois en fait partie, couper chaque moitié du fruit en deux avec trois générations au-dessus de la table de la cuisine. C’est ce qui reste de cette pratique qui vient de l’antiquité, jeûner pour des raisons médicales ou spirituelles, puis de la tradition biblique, jeûner en cas de guerre, de cataclysme naturel, de maladie, de deuil, par solidarité avec des répressions qui ont lieu ailleurs ou en cas d’épidémie. Peut-être qu’on devrait réellement jeûner, en fait. A défaut, on se raccroche aux pruneaux (je me répète, coupés en quatre), on profite de la chance qu’on a et on garde ces moments précieusement.
Il y des choses que l’on croyait immuables, mais à notre grande stupeur, non. Les pruneaux ont mûri trop tôt et, selon la Tribune du jour, Genève perd ses pruniers. Climat, économie. Mais bon, ce petit billet se destine plutôt à regarder très loin en arrière. En s’inspirant largement des textes cités en référence.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un jeûne ? Depuis l’Antiquité, le jeûne est pratiqué pour des raisons médicales ou spirituelles. Dans la tradition biblique, le jeûne est présent dès l’Ancien Testament. On jeûne en cas de guerre, de cataclysmes naturels, de maladies et épidémies et de deuil.
Et en Suisse ? En Suisse, on jeûne depuis le 15e siècle. La Diète (assemblée des députés issus des cantons) organisait des journées de pénitence et d’actions de grâces en cas d’événement grave comme la peste, la guerre ou la famine, mais les cantons décidaient des modalités et de la forme de ces jeûnes.
Le jeûne à Genève Le premier jeûne dont on trouve une trace dans les archives est célébré en octobre 1567 à l’occasion d’une répression contre les protestants de Lyon. Le procès-verbal de la Compagnie des pasteurs du 5 octobre 1567 indique qu’il est «signifié le jeusne public, et toute l’Eglise exhortee a prieres extraordinaires et repentance.»
Il y eut certainement des jeûnes antérieurs qui ont eu lieu dès les premiers temps de la Réforme, mais ils ne sont pas documentés. D’autres jeûnes sont proclamés par la suite, par exemple en signe de solidarité avec le massacre de la Saint-Barthélémy en 1572 ou lors des guerres contre la Savoie en 1589. Dès 1640, comme dans l’ensemble des cantons suisses réformés, le jeûne devient quasi annuel. Il s’agit d’un acte moral et religieux, un signe d’affliction et d’humilité face aux malheurs du monde.
Lorsque Genève est annexée à la France entre 1798 et 1813, le jeûne devient une fête patriotique et permet de marquer tant l’identité protestante que genevoise. Cette couleur patriotique du jeûne est maintenue à Genève, qui décidément ne fait jamais rien comme les autres et qui instaure un jeûne genevois à une autre date que celle du Jeûne fédéral institué en 1832 par l’ensemble des cantons suisses chaque troisième dimanche de septembre.
En effet, les protestants genevois ne sont pas d’accord avec cette décision fédérale œcuménique et en 1837, quelques pasteurs annoncent le rétablissement du Jeûne genevois le jeudi – seul jour de la semaine sans marché- qui suit le premier dimanche de septembre. Ces pasteurs célèbrent trois cultes à la Madeleine, à Saint-Gervais et à Saint-Pierre, puis sont censurés et l’un est même suspendu de prédication pour six mois.
Pour finir, en 1840, Genève instaure officiellement son propre Jeûne, accompagné d’un jour férié jusqu’en 1869. A partir de cette date, il devient moins institutionnel et commence à perdre sa signification religieuse.
Le 8 janvier 1966, le Grand Conseil modifie une loi et déclare férié le jour du Jeûne genevois à la place du 1er mai. Ainsi, Genève garde son jeûne genevois le jeudi suivant le premier dimanche de septembre.
La tarte aux pruneaux Comme l’écrit Claude Bonard, «telle est donc l’origine des jeûnes qui consistent à « offrir sa faim au profit d’une cause. Mais l’estomac ayant tout de même ses exigences, il fallait tout de même prendre quelques forces. » Et c’est là qu’intervient la désormais traditionnelle tarte aux pruneaux. Cuisinée la veille, elle permettait aux femmes et aux domestiques de participer au culte du jour (culte qui au 18e siècle commençait tôt le matin pour se terminer à quinze heures). Au départ, c’était la seule collation de la journée, puis de fil en aiguille elle est devenue le dessert d’un bon repas dont chaque famille a sa propre recette.
Une bonne tampougne au Salève En triant il y a quelques années la bibliothèque de ma grand-mère, je suis tombée sur Le Livre de Blaise écrit par Philippe Monnier en 1904. Un livre que je détestais, car quelque part il y est écrit que «les filles, ça pleure tout le temps», phrase que nous répétait régulièrement ladite grand-mère pour nous reprocher la moindre larme qui menaçait de couler. Avant de le jeter par la fenêtre, je l’ai quand-même feuilleté et je me suis réconciliée avec ce texte et cette écriture genevoise savoureuse, au point de rire de bon coeur avec son protagoniste, le petit Cuendet, qui s’y exclame: « Le Jeûne, c’est un jour où on se paie une bonne tampougne au Salève » !
Extrait du procès-verbal de la séance de la Compagnie des pasteurs du vendredi 5 octobre 1567: « Au commencement d’octobre vindrent nouvelles de la prinse de Lion et des troubles de France recommenceant. Pourtant fust signifié le jeusne public, et toute l’Eglise exhortee a prieres extraordinaires et repentance. »
Port de Loguivy de la Mer, marée basse, une trentaine de bateaux à cale sèche posés sur le sable, les goélands, leurs cris, le phare de la Croix au loin, sur une toute petite île, un phare pas très haut dont le haut est peint en rouge, les maisons autour du port, le petit parking, la cabane de la crêperie, le restaurant Au grand Large. Le monument aux aviateurs anglais morts pendant la guerre au pied de l’église, récente église mais sa vierge en bois provient du 14e siècle, immenses coquilles saint-jacques sur le sable découvert par la marée basse, un scooter rose, les nuages dans le ciel bleu comme des moutons dans un tableau, les crêpes qui dégoulinent de caramel au beurre salé, le rayon de soleil sur le bateau de pêche rouge, les volets bleus couleur de la vierge mais il y en a aussi des rouges. Les agapanthes, plus haut dans les ruelles, au pied des murs et dans les jardins, et les roses trémières.
De là les pêcheurs partaient pour l’Islande et les Terre-Neuvas, conditions de vies abominables sur les goélettes, naufrages, veuvages, orphelins, les armateurs de Paimpol ne s’embarrassaient pas de considérations humaines, la pêche à Islande, dur destin des marins, des pêcheurs, la grande pêche. La morue. Cette histoire se ressent, là, des calvaires, des monuments avec les noms des bateaux naufragés, des marins et pêcheurs noyés, des veuves restées sans ressources, pas les noms des armateurs riches toujours plus riches, la grande pêche, la morue.
Sur une table de la crêperie j’écris, le petit port sent la mer, la tranquillité, le caramel salé, la lumière bretonne de l’été. Loguivy de la Mer.
Update printemps 2024: et ça continue! Développement toujours ci-dessous. Update de cette fin d’été 2023: le serpent grandit à nouveau! Développement ci-dessous.
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25 juillet 2022: le début de l’histoire
Il ondule à Saint-Jean et grandit au fil des jours grâce à tout le monde: voici le serpent en galets peints du quartier. Sur une idée découverte à Jussy où se développe un rocksnake, voici le principe:
Chacune, chacun décore une petite pierre, un caillou, un galet et l’ajoute en déplaçant la queue, et on verra bien jusqu’où on ira! La participation est ouverte à tout le monde!
De la peinture et de la fantaisie, tout simple. Amusons-nous joyeusement en couleur! Lancé par un collectif du coin, habitant.es d’ici et des Ouches.
Partagez vos photos, votre créativité et vos idées: #serpentengaletsdesaintjean
Le serpent grandit: une famille du quartier a envoyé cette photo, une adorable petite main ajoutant son joli galet:
Le serpent est arrivé il y a un mois fin juillet 2022, il continue à grandir et tous les soirs on peut admirer de nouveaux galets ! Un atelier est organisé par le Forum 1203 samedi prochain 3 septembre dès 10h dans le cadre de La rue est à vous au Devin-du-Village, à votre imagination!
Les photos de l’atelier:
Début octobre 2022: le serpent a grandi de 20 cm à 20 mètres en huit semaines! A vos pinceaux, vos couleurs, vos idées, on va jusqu’où ?
Fin août 2023 Cela fait un moment que je me demandais quoi faire avec ces galets peints un peu décolorés, l’hiver avait passé par là. Tout enlever, les laisser? Le serpent a gardé fidèlement les poèmes de jardin depuis le printemps, puis les poèmes se sont envolés. Et puis un nouveau galet peint a fait son apparition, puis un autre (du coup comme une larme d’émotion dans mes yeux). Et puis un rallye familial a inclus un poste galets peints (quelle belle rencontre dimanche dernier). Et puis la jeune Paula aus Greifswald est venue nous rendre visite. Et puis je l’ai embarquée pour repeindre la tête du serpent, qui avait perdu ses couleurs. Et puis voilà, c’est reparti.
Septembre 2023 Cela se passe comme ça dans le quartier! Une meute de jeunes scout.e.s, louvettes et louveteaux, sont venus déposer leurs galets réalisés pendant leur séance de l’après-midi. Des adorables petites mains les ont soigneusement déposés, dans un bruissement de rires. Des taches de peinture partout, spécialement sur leurs petits nez!
Mars 2024 Ce second hiver du serpent a rendu à nouveau certains cailloux un peu pâlichons, mais ce reptile a une ascendance Phénix avérée. Une fin d’après-midi, en revenant du travail, je découvre de nouveaux galets super jolis, des fleurs, un poing levé. Alors je lui ai remis une tête (quelqu’un avait dû bien aimer celle repeinte par la jeune artiste allemande), et tout repart! On verra bien.
Pentecôte est une fête chrétienne célébrée le septième dimanche après Pâques (plus exactement le cinquantième jour à partir de Pâques) et dix jours après l’Ascension pour commémorer la descente du Saint-Esprit sur les apôtres. Le mot « Pentecôte » vient du grec ancien et signifie « cinquantième jour ».
Ce que dit le texte :
« Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Tout à coup, il y eut un bruit qui venait du ciel comme le souffle violent d’un coup de vent : la maison où ils se tenaient en fut toute remplie ; alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues, comme l’Esprit leur donnais de s’exprimer. »
Où dans la Bible trouve-t-on ce récit ?
On trouve ce récit dans le livre des Actes des Apôtres, qui est écrit après l’Évangile de Luc, mais que l’on trouve dans la Bible après l’Évangile de Jean (Actes 1, 2).
Que signifie la Pentecôte ?
Cet événement signifie que Dieu donne son esprit, l’Esprit saint, à tous. Pentecôte fait intervenir la troisième personne de la Trinité, le Saint Esprit. Les disciples qui l’ont reçu peuvent alors le répandre à tout le monde, dans toutes les langues et annoncer que le Christ est vivant. Pentecôte est également considéré comme la date de naissance de l’Église au sens collectif.
Pourquoi le lundi de Pentecôte ?
Pentecôte tombe toujours un dimanche entre le 10 mai et le 13 juin. Elle se poursuit le lendemain, dans certains pays, par un lundi de congé, appelé le « lundi de Pentecôte ».
Depuis quand fête-t-on Pentecôte ?
Pentecôte est à l’origine la fête de la moisson, puis elle devient la fête juive qui commémore l’Alliance de Dieu avec son peuple et qui a lieu 50 jours après Pâques. Pentecôte devient ensuite également une fête chrétienne. C’est ainsi une fête qui marque la naissance des deux religions : les juifs commémorent le jour où Moïse reçoit les dix commandements, les chrétiens celui où les disciples de Jésus reçoivent l’Esprit saint.
Comment se fête la Pentecôte dans la Genève réformée ?
Les fêtes sont bannies du calendrier genevois à la Réforme. À partir de 1550, le seul jour chômé est le dimanche. À partir du 17e siècle, certaines fêtes sont réintroduites, comme la fête des Rois. C’est à partir du 18e siècle que l’on recommence timidement à fêter les jours importants, explique le professeur Christian Grosse.
La Pentecôte pour aujourd’hui ?
Profitons-en pour parler ici de la croix huguenote et de la colombe qui la compose, souvent associée à Pentecôte. La colombe qui pend sous la croix représente le Saint-Esprit, oiseau qui descend du ciel vers la terre, symbolisant la présence de Dieu qui descend sur nous. Cette colombe est également représentée par une goutte, interprétée de diverses manières : une larme, une fiole, ou la langue de feu que reçoivent les disciples le jour de Pentecôte. Beaucoup de choses ont été écrites sur le lien entre la croix huguenote et Pentecôte. (voir « pour aller plus loin »).
On peut voir en cette colombe une image antérieure, celle de l’Esprit Saint qui descend sur Jésus le jour de son baptême. La Bible raconte que lorsque Jésus eut été baptisé, il sortit de l’eau, les cieux s’ouvrirent et il vit alors l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. L’Esprit Saint est alors en Jésus, sur terre. Après l’Ascension, il est remonté auprès de Dieu. C’est à Pentecôte qu’il revient sur terre, et l’image de la colombe est à nouveau là.
Pentecôte de Giotto, environ 1310-1318 Bequeathed by Geraldine Emily Coningham in memory of her husband, Major Henry Coningham, and of Mrs Coningham of Brighton, 1942. Object Number: NG5360 National Gallery, Londres
Il s’apelle
Jean Batsi et apparaît sur une page dans le troisième volume de la trilogie
« Un pape suisse » de Jacques Neyrinck, il vit dans les sous-sols de
la gare de Milan, toi tu lis l’histoire et il te fait pas trop rêver ce
personnage qui est gris de crasse, qui survit avec les restes de la rue et les
fonds de bouteille et qui t’emmène loin de l’univers des premiers romans où tu
buvais avec ce qui se révélera être son cousin un bon vin de Fully au soleil
couchant sur la terrasse élégante en face des sommets alpins.
Sauf que Jean Batsi, qui sent mauvais et qui a les dents pourries, qui en est arrivé à la rue après un licenciement, un divorce, la fin de droit du chômage, la chute qui ne cesse de chuter et puis la cassure finale, tu te dis que Neyrinck est vraiment fort en matière de réalité, ce clochard donc quand il arrive à avoir son verre de vin, qu’il voit une photo de fille nue bien charnue ou qu’on lui offre miraculeusement un repas, il s’exclame invariablement « la vie est bonne ».
Et là tu le trouves sympa ce Jean, parce que l’auteur évidemment te conduit à le trouver sympa, mais c’est plus que de la sympathie, et tu te dis que son expression elle est pas mal, qu’il a raison, et tu vas te surprendre à la réutiliser. Pas dans le même contexte bien sûr, dans ta vie bien bourgeoise, plus proche de celle du cousin de Fully que du pauvre hère déchu, mais dans cette vie où tu as réalisé que reconnaître les moments de grâce, c’était une des choses les plus importantes, que peut-être c’est là l’essentiel de la vie à ce moment-là de ton existence. Et le « la vie est bonne » de Jean Batsi, il va t’échapper souvent désormais.
Quand tu es dans le train, qu’un rayon de soleil vient chauffer ta joue à travers la vitre, côté lac, la vie est bonne. Quand tu t’assieds sur le banc de la Treille avec ta salade bio et que tu laisses de côté pour quelques minutes le stress du travail, ou même pas le stress, juste les embêtements ou les questions difficiles à résoudre, que tu arrives à les tenir à distance et que tu regardes le marronnier, et que tu te dis qu’il est somptueux, ce marronnier, la vie est bonne. Quand tu t’arrêtes au bord de la route avec ton vélo pour observer la rose trémière qui a poussé entre deux bouts de trottoirs, et qu’elle t’émeut cette fleur, la vie est bonne.
Ces petits moments pleins, tenus loins du Coca zéro, du lait demi-écrémé, de la conversation en trois parallèles de réseaux, de la cent-cinquantième partie de ton cerveau qui rappelle à la cent-quarante neuvième de passer chercher dimanche prochain à 9h le gâteau d’anniversaire à la boulangerie, mais as-tu rappelé cette boulangerie pour confirmer le texte dessus, ces petits moments entiers que tu peux accueillir grâce à ton vide que tu cultives précieusement depuis que tu as commencé à l’apprivoiser, dans un de ces petits moments tu entends l’oiseau chanter que la vie est bonne, et Jean Batsi, quelque part sur un banc, dans un livre, l’écoute aussi et il est bien d’accord avec lui.
L’Ascension est une fête chrétienne qui est célébrée 40 jours après le jour de Pâques. Ainsi l’Ascension est toujours un jeudi, puisque le dimanche de Pâques est toujours un dimanche.
Que s’est-il passé à l’Ascension ?
Le dimanche de Pâques, des disciples disent avoir vu Jésus ressuscité ; plusieurs rencontres avec lui ont lieu dans les jours suivants. Puis, le jour de l’Ascension, c’est la dernière rencontre. Jésus leur donne pour mission de proclamer l’Évangile dans le monde entier ; après ces paroles, il est élevé au ciel. L’Ascension désigne ainsi le moment où Jésus monte aux cieux. La tradition situe ce moment sur le mont des Oliviers.
Où dans la Bible trouve-t-on ce récit ?
Deux évangiles mentionnent l’Ascension : Celui de Marc (Marc 16, 14-20) et celui de Luc (Luc 24, 36-53). On trouve aussi ce récit dans le livre des Actes des Apôtres, qui suit l’évangile de Luc : « A ces mots, sous leurs yeux, il s’éleva et une nuée vint le soustraire à leurs regards » (Actes 1, 9).
Que signifie l’Ascension ?
La signification de cet événement est l’entrée dans le Royaume de Dieu, aux Cieux, après la résurrection. C’est l’espérance du croyant : entrer dans le Royaume après la mort. Le ciel n’est ainsi pas entendu comme un lieu, mais comme une rencontre avec Dieu, l’endroit où est Dieu.
Pourquoi 40 jours après Pâques ?
Ce nombre de 40 jours vient du livre des Actes des Apôtres, dans lequel Luc écrit que Jésus s’était présenté vivant aux apôtres après la Résurrection et que « pendant quarante jours il s’était fait voir d’eux et les avait entretenus du Règne de Dieu ».
Depuis quand fête-t-on l’Ascension ?
Il semble que c’est au IVe siècle que l’Église fixe la date de cette fête 40 jours après Pâques et qu’elle est dès lors attestée. Les historiens pensent qu’elle remonte à des temps plus anciens.
Comment se fête l’Ascension dans la Genève réformée ?
Les fêtes sont bannies du calendrier genevois à la Réforme. À partir de 1550, le seul jour chômé est le dimanche. On laisse donc tomber le jeudi de l’Ascension pour ne garder que le dimanche, qui pour Calvin peut être marqué d’une prédication sur ce thème, mais sans plus. À partir du 17e siècle, certaines fêtes sont réintroduites, comme la fête des Rois. C’est à partir du 18e siècle que l’on recommence timidement à fêter les jours importants, explique le professeur Christian Grosse.
Dans l’enfance, les Rameaux, c’était la voix de ma grand-mère, épouse de pasteur, qui annonçait ce dimanche un peu spécial, avec un « a » bien appuyé, avec accent, les Rââââmeaux, on savait surtout que c’était un bon repas de midi dans un jardin aux fleurs de printemps. Après, les Rameaux, c’était un samedi dans les bois à cueillir des branches pour les paroissiens qui nous prêtaient un local pour les scouts, puis on les proposait à l’entrée de la messe de 17h00 en échange de quelques sous, et c’était terrible, parce que les gens se battaient presque pour avoir les plus beaux morceaux, ils en prenaient plein en disant que c’était pour leur voisine, leur parrain, leur grand-père et on avait l’impression de se faire avoir, et les gens voulaient savoir si elles étaient déjà bénies, ces petites branches de buis. On ne savait encore pas vraiment ce que c’était.
Le dimanche des Rameaux, qui est l’aboutissement du Carême, commémore l’entrée du Christ à Jérusalem. Ce dimanche précède immédiatement la semaine de Pâques, ou Semaine sainte. Une célébration des Rameaux a lieu autant chez les Réformés que dans l’Eglise catholique.
Le dimanche des Rameaux prend son origine dans le texte biblique : lorsque le Christ approche de la descente du mont des Oliviers, assis sur un ânon, une foule immense vient vers lui et l’acclame. Le chemin qu’il prend pour entrer dans Jérusalem est jonché de vêtements et de rameaux jetés par les hommes, les femmes et les enfants.
De quand date cette tradition ? Pascal Collomb, dans un article du magazine l’Histoire de 1999 (1), explique qu’au 4e siècle, la célèbre pèlerine Égérie raconte que les habitants de Jérusalem marchent dans les pas du Christ chaque dimanche précédant la semaine pascale. Au 8e siècle, on évoque à Rome le « dimanche des palmes ». Il faut attendre la deuxième moitié du 8e siècle pour voir apparaître en Gaule les premières bénédictions de rameaux. Les premiers témoignages des processions qui font suite à la bénédiction et à la distribution de rameaux aux fidèles apparaissent en Occident au 9e siècle.
On peut remonter plus loin dans l’histoire : François Walter, dans son ouvrage sur l’hiver, explique que le cycle de Pâques, même christianisé, associe aux croyances chrétiennes des éléments folkloriques ou magiques liés au passage de la vie à la mort et au renouveau de la végétation. Il pourrait y avoir des coutumes préchrétiennes célébrant le printemps, que l’Église a essayé de canaliser afin de transformer des gestes magiques en gestes religieux. Et avec les Rameaux, il semble que ce soit vraiment ce phénomène, un rite qui vient de la célébration du printemps. (2).
Encore un mot sur les processions : au Moyen-âge, il devient coutumier de tirer des sculptures en bois qui représentent le Christ sur un âne, au départ posées sur un char puis dès le 13e siècle fixées sur les planches à roulette. Astrid de Brondeau explique sur son blog que ces sculptures, nommées Palmesel, rencontrent un grand succès en Allemagne du Sud, en Alsace et en Suisse. Beaucoup de ces ânes des Rameaux seront détruits à la Réforme. On peut voir un Palmesel au Louvre (Le Christ des Rameaux, Souabe, vers 1520-1525). Si les processions ont aujourd’hui disparu à quelques exceptions près, l’Église catholique a maintenu la bénédiction des Rameaux, qui sont ensuite conservés une année puis traditionnellement brûlés lors du mercredi des Cendres.
Chez les Réformés, il n’y a pas de bénédiction des Rameaux. Il s’agit d’un culte « normal » mais qui est devenu important car il s’agit souvent d’un culte pour les familles. Il semble que comme les familles étaient souvent absentes à Pâques à cause des vacances scolaires, le culte des Rameaux est progressivement devenu une grande fête paroissiale pour les familles. D’autant que l’histoire des Rameaux, avec l’âne, est très illustrative pour les enfants.
1) Pascal Collomb, « Le dimanche des Rameaux », in L’Histoire, 1er septembre 1999, n. 230, pp. 22-23. 2) Ce paragrape est tiré de : François Walter, Hiver. Histoire d’une saison, Histoire Payot, Paris, 2013, pp. 152-153.
Ce que dit le texte :
Lorsqu’ils approchent de Jérusalem, près de Bethphagé et de Béthanie, vers le mont des Oliviers, Jésus envoie deux de ses disciples et leur dit : « Allez au village qui est devant vous : dès que vous y entrerez, vous trouverez un ânon attaché que personne n’a encore monté. Détachez-le et amenez-le. Et si quelqu’un vous dit : “Pourquoi faites-vous cela ? ” répondez : “Le Seigneur en a besoin et il le renvoie ici tout de suite.” » Ils sont partis et ont trouvé un ânon attaché dehors près d’une porte, dans la rue. Ils le détachent. Quelques-uns de ceux qui se trouvaient là leur dirent : « Qu’avez-vous à détacher cet ânon ? » Eux leur répondirent comme Jésus l’avait dit et on les laissa faire. Ils amènent l’ânon à Jésus ; ils mettent sur lui leurs vêtements et Jésus s’assit dessus. Beaucoup de gens étendirent leurs vêtements sur la route et d’autres des feuillages qu’ils coupaient dans la campagne. Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : « Hosanna ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! Béni soit le règne qui vient, le règne de David notre père ! Hosanna au plus haut des cieux ! » Et il entra à Jérusalem dans le temple. Après avoir tout regardé autour de lui, comme c’était déjà le soir, il sortit pour se rendre à Béthanie avec les Douze. Marc 11, 1-11
Pier Paolo Pasolini, L’Évangile selon St Matthieu, 1964