Les baskets aux pieds et le téléphone fixé sur le bras, toujours reconnaitre sa chance d’habiter Saint-Jean et d’accéder en peu de pas au bord du fleuve. Traverser le pont, monter, redescendre, passer sous l’autre pont, sentier de terre. Les modestes foulées semaine après semaine, saison après saison, l’eau toujours d’un reflet, d’un niveau, d’un bleu ou d’un vert différents, la nature bourgeonne puis s’effeuille, le Rhône et l’Arve se joignent inlassablement mais jamais pareil.
En face, les campagnes du seizième siècle, ce qu’il en reste, celle que nous aimerions aménager en parc public, celle du petit garçon à la mèche qui un jour en rêve s’est promené avec l’éléphant Saphir du zoo voisin (ne mélange pas la poésie et l’actualité, va, oui je sais, mais qu’est-ce qu’on serait bien dans ce parc).
Reste dans tes baskets, de l’autre côté. On entend braire l’âne, quand-même. Parfois les tirs. L’arrivée en bas du champ est spectaculaire, à chaque fois. Le givre sur les brins d’herbe au rayon du matin, les fleurs du printemps renaissant, exceptionnellement les biches au loin, régulièrement le pataugeage dans la boue, ça pacote sous l’Asics. Plus loin, les marches en terre du chemin sont fermées depuis plusieurs mois, cela ne change rien pour les hérons mais nous coupe dans notre élan, alors on fait le détour. Monte et descend, ça rallonge, mais c’est bon pour la santé.
Et découverte. Un salon des bois, quelques souches comme siège, un tronc pour table. Et des fleurs rouges. Pimpantes, éclatantes dans le gris d’un matin sous stratus. Géraniums sur les meubles de la forêt. Un ange ? une performance secrète de la ville ? Les semaines s’enchainent, les mollets progressent dans ce détour en pente, les fleurs magiques, fraiches, plantées, renouvelées. Eclats de rouge qui illuminent yeux et cœur pour la journée.
Et un jour, peut-être est-ce à nouveau en rêve, le jardinier. Fauche l’herbe haute, taille le fané, pourvoit de nouveaux plants. Un résistant de la banalité, une mission auto-attribuée, un message à faire passer, un espace à protéger, un cadeau au monde entier ?
Un poète de la terre, assurément.
Janvier 2025 Paru dans Quartier-Libre n. 132, printemps-été 2025
1988, j’ai quatorze ans et j’assiste en famille à l’inauguration du Musée de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, je pense que je vais m’ennuyer pendant les discours. Puis là, en bas, au milieu de ce grand espace d’exposition, je rentre dans une minuscule pièce noire. De la taille d’une cellule de prison, une de celles visitées par les déléguées et délégués du CICR. Là-bas, douze prisonniers s’entassent dans ces trois mètres carrés dans des conditions inhumaines. Je ressortirai de cette expérience en n’étant plus tout-à-fait la même. Depuis, des milliers et des milliers de personnes ne sont plus ressorties les mêmes de ce musée.
Le musée de la Croix-Rouge, c’est d’abord l’histoire, cette histoire qui nous définit, depuis laquelle nous affirmons la vocation internationale de la Suisse de notre cité, que nous portons dans les veines de notre ville comme le cœur battant de l’esprit de Genève, de ses valeurs d’humanisme. Cette histoire qui fait que Genève a pu déborder sur le monde, selon les mots de Robert de Traz. Le musée de la Croix-Rouge en est la racine, près d’un Palais des Nations en lequel nous devons croire plus que jamais. Le faire disparaitre ou le replanter ailleurs n’a aucun sens.
Mais ce musée, ce n’est pas que l’histoire. C’est surtout une fenêtre sur le travail titanesque et humble, accompli au quotidien à hauteur d’humain par les déléguées et délégués du CICR à travers le monde, par les bénévoles des Croix-Rouges locales. Ce musée honore celles et ceux qui ont donné leur vie pour les autres, qui en ont aidé d’autres à rester en vie. Il expose des valeurs humanistes et humanitaires mises en action et leur donne une visibilité indispensable.
Le musée de la Croix-Rouge est un formidable déclencheur à l’ouverture sur la souffrance d’autrui – comme cette expérience dans la cellule de prison, au développement d’une sensibilité pour le vécu de l’autre, à la compassion, l’une des plus nobles vertus du monde comme l’écrivait Henry Dunant. Percevoir la douleur d’une personne, se faire du souci pour elle, toujours avancer dans le sens de la dignité humaine, transmettre un brin de fibre humanitaire et ces valeurs de base, voilà tout le sens de ce musée.
Le musée de la Croix-Rouge pourrait mourir en silence, si on ne fait rien. Faire mourir ce musée, c’est faire mourir une seconde fois dans un silence assourdissant les voix de celles et ceux qui au quotidien sont emprisonnés dans des conditions inhumaines, persécutés, déplacés, qui dorment dans leur voiture parce qu’ils n’ont plus rien juste à côté de chez nous.
Aujourd’hui, le combat est inégal entre les abominations commises et le pouvoir quasi inopérant des instruments du droit international humanitaire. Mais il existe, et la Suisse en est la dépositaire. Aujourd’hui, il nous appartient de toujours nous retrousser les manches, agir autour de nous et œuvrer pour un monde meilleur. Le musée de la Croix-Rouge en est l’essence et doit continuer à faire déborder ces valeurs sur le monde.
L’Épiphanie a lieu le 6 janvier. Ce mot vient du grec et signifie « manifestation » ou « apparition soudaine ». Ainsi, ce terme signifie pour les Chrétiens la manifestation de Dieu aux Hommes, et c’est ce jour-là qu’était originellement fêtée l’incarnation du divin en Jésus, du divin dans le monde.
Au début des temps chrétiens, l’Épiphanie est la grande et unique fête chrétienne « de la manifestation du Christ dans le monde » et se célèbre le 6 janvier. Les Eglises d’Orient célébraient à cette date à la fois la Nativité, le baptême du Christ et les noces de Cana. Fêter Noël à la date du 25 décembre ne viendra que plus tard en Occident, dans la seconde moitié du 4ème siècle. Selon les historiens François Walter et Alain Cabantous, « il y aurait une tradition occidentale optant pour une naissance le 25 décembre et une tradition orientale pour le 6 janvier car l’épiphanie et bien à l’origine une fête de l’incarnation du Christ ». En Occident, le 6 janvier a donc perdu de son ampleur après le 4ème siècle « pour conserver uniquement le message symbolique qu’exprime la venue des Mages à la crèche ».
L’Epiphanie clôt le cycle dit « des douze jours » entre le 25 décembre et le 6 janvier, qui suit la période de l’Avent.
Le nom de « fête des Rois » se généralise au 19e siècle, en référence à l’arrivée des rois mages.
La tradition et le texte Selon la tradition, Gaspard, Melchior et Balthasar, les trois rois Mages, arrivent ce jour-là auprès de Jésus dans la crèche pour célébrer sa naissance et apportent en cadeau de l’or, de la myrrhe et de l’encens. Que nous dit la Bible ? Les Mages n’apparaissent que dans un seul évangile, celui de Matthieu (chapitre 2, 1-12) :
“Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage. » A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s’enquit auprès d’eux du lieu où le Messie devait naître. « A Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c’est ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda : car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple. » Alors Hérode fit appeler secrètement les mages, se fit préciser par eux l’époque à laquelle l’astre apparaissait, et les envoya à Bethléem en disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant ; et, quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que, moi aussi, j’aille lui rendre hommage. » Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route ; et voici que l’astre, qu’ils avaient vu à l’Orient, avançait devant eux jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant. A la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie. Entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin. Après leur départ, voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Egypte ; restes-y jusqu’à nouvel ordre, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. » Joseph se leva, prit avec lui l’enfant et sa mère, de nuit, et se retira en Egypte. Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode, pour que s’accomplisse ce qu’avait dit le Seigneur par le prophète : D’Egypte, j’ai appelé mon fils.”
Il ne sera plus fait mention ensuite de ces Mages, sur lesquels le texte est donc très vague. Ce n’est que quelques siècles plus tard que leur sera donnée leur dénomination traditionnelle.
La couronne ou galette des rois En Suisse, en France et en Belgique, depuis le moyen âge a lieu la coutume de la « galette des rois » ou « couronne des rois » : une pâtisserie contenant une fève ou deux fèves. Chez vous aussi, le plus petit se cache sous la table pendant qu’un adulte coupe la couronne, puis la sert morceau par morceau, pendant qu’au fur et à mesure et à l’aveugle l’enfant sous la table crie le nom du convive auquel est destiné le morceau ? Deux fèves, deux convives proclamés roi et reine.
Qu’en est-il à Genève ? Après la Réforme, à partir de 1550, toutes les fêtes sont abolies du calendrier genevois. Disparaît par conséquent aussi la fête des Rois. Elle est cependant réintroduite discrètement dans les cercles privés dès le dernier quart du 16ème siècle, bien que le Consistoire poursuive ceux qui s’y livrent. La pratique consistait alors généralement à cuire la galette des rois avec de véritables fèves, remplacées ensuite par des fèves en céramique ; on buvait à la santé de celui qui devenait roi des convives en consommant le morceau de galette comportant la fève.
De manière générale, ce dernier quart du 16e siècle voit l’étau disciplinaire se desserrer à Genève. Le contrôle exercé par le Consistoire sur la foi et les mœurs des fidèles s’estompe. La cité réformée commence à perdre certains des traits qui ont fait jusque-là son caractère particulier (et qui ont laissé tous les clichés et stéréotypes d’une Genève austère et puritaine encore en vigueur aujourd’hui, bien que la période « rouleau compresseur » sur la discipline ait en réalité duré seulement entre 1555 et 1570 environ). On le voit très bien avec la fête des Rois : En 1606, alors que Théodore de Bèze vient de disparaître, le tribunal ecclésiastique excommunie deux magistrats, coupables d’avoir célébré la fête des rois. Signe des temps, cette sanction est levée par le Conseil des Deux-Cents (sorte d’ancêtre du Grand Conseil) : le pouvoir civil s’impose ainsi comme autorité prédominante.
Fèves pour le gâteau de Rois, France, Musée d’ethnographie de Genève (MEG) EHEU 100291 et 57620.
Références et pour en savoir plus :
WALTER François, CABANTOUS Alain, Noël, une si longue histoire, Payot, 2016, pp. 18-19.
GROSSE Christian, « Il doit y avoir trop grande rigueur par cy-devant » La discipline ecclésiastique à Genève à l’époque de Théodore de Bèze », in Théodore de Bèze (1519-1605) : actes du Colloque de Genève (septembre 2005), Irena Backus (dir.), Genève, Droz, 2007, pp. 55-68.
ROGET Amédée, « Le gâteau des Rois. Episode de l’histoire ecclésiastique de Genève, 1606 », Etrennes genevoises, 2 (1878), pp. 61-86.
GROSSE C., DUNANT GONZENBACH A., FORNEROD N., GROSS G., SOLFAROLI CAMILLOCCI D., VERNHES RAPPAZ S., Côté chaire, côté rue. L’impact de la Réforme sur la vie quotidienne à Genève (1517-1617), La Baconnière, Genève, 2018.
Le sapin à pommes, à poèmes et à roulettes a renouvelé ses déambulations avec la participation de « Femmes à bord », une association qui propose un espace de partage, d’échange et de socialisation à des femmes en situation de précarité (les Fabuleuses).
Le sapin à pommes, à poèmes et à roulettes roule depuis une dizaine d’années dans les rues de Genève la semaine précédant Noël. Il offre aux passantes et aux passants qui passent des mots, en toute simplicité. De la poésie dans l’effervescence de la fin de l’année, de la lumière pour éclairer la nuit d’encre de décembre. Renouveau en cet hiver 2024.
Cette année, les Fabuleuses de l’association « Femmes à bord » ont joint leur voix à celles des poètes du coin. Elles ont posé les mots sortis de leur cœur sur le papier ou nous les ont dit lors de quatre repas qu’Isabelle et moi avons partagé avec elles, leurs mots que parfois nous avons restitués avec les nôtres.
Les textes des Fabuleuses sont illustrés par un Collectif de jeunes dessinateurs et dessinatrices engagés sur ce projet. Un recueil réunissant l’ensemble des textes et illustrations a été réalisé, sous la coordination de Colin Heiniger.
Chaque jour, le sapin a déambulé dans les rues de Genève, s’est posé à des endroits différents, chaque jour nous avons fait résonner de la poésie à tous les coins de rue. Des mots ont été ajoutés aux branches par les passantes et passants grâce au papier et crayons à disposition.
Lecture partagée, bougies et thé devant le Picotin le mercredi 18 décembre à 16h30:
Un moment de lecture a eu lieu devant le Picotin (15 avenue des Tilleuls), pour partager poèmes et thé chaud, un moment en toute simplicité.
Rencontre au Plus petit jardin botanique de Suisse le samedi 21 décembre à 10h30:
Le samedi 21 décembre, nous nous sommes réunis autour d’un braséro à côté du Plus petit Jardin botanique de Suisse (39 rue de Saint-Jean). Le cercle de poèmes lus autour du feu a été un moment très émouvant.
Poème ajouté par une passante
Au marché de Plainpalais
Textes:
Les Fabuleuses: Seyna, Elizabeth, Annie, Carmen, Darine, Shireen, Alice, Elisabeth, Augustine, Raquel, Sonia, Sarah, Hedija, Betzabe et Alexandra
Et avec : Gabriella Baggiolini, Julie Barbey Horváth, Philippe Bonvin, Linda Cara-Jacobi, Cynthia Cochet, Renato Corvini, Anouk Dunant Gonzenbach, Marie-Hélène Groux, Françoise Favre-Prinet , Sylvie Fischer, Brigitte Frank, Ariane Aude Manureva Freymond, Maurice Gardiol, Huguette Junod, Lux, Eveline Monticelli, Denise Mützenberg, Sylvain Thévoz, Sylvaine Viel-Notte,Thu, Annette Zimermann
Les textes des Fabuleuses sont illustrés par: Chloé Giromini, Noémie Berger, Gigillustration, Ester de Jong Gonçalves, Alice Ernoux, Colin Heiniger, Charlotte Laesser, Timéa Wenger, Iness Boundraa
Le sapin devant « Femmes à bord »
Recueil mis en page par Colin Heiniger. Illustration de couverture: Timéa Wenger
Itinéraire du sapin du 16 au 21 décembre 2024:
Lundi 16 décembre: 11h à 15h devant « Femmes à Bord » (Chemin Annie-Jiagge 4) puis 15h30 à 18h à la gare Cornavin
Mardi 17 décembre: 10h à 18h à la place du Bourg-de-Four (présence poétique de 10h à 11h et de 16h à 17h)
Mercredi 18 décembre: 10h à 16h devant la bibliothèque de Saint-Jean. A 16h30 devant le Picotin: lecture et thé
Jeudi 19 décembre: place Rüth Bösiger – angle pont de la Machine et quai des Bergues (présence poétique de 12h30 à 14h) (PLUIE – ANNULÉ)
Vendredi 20 décembre: 10h-14h au marché de Plainpalais (côté Rond-Point) (présence poétique de 10h à 12h) puis 15h à 18h à la Place Neuve devant le parc des Bastions
Samedi 21 décembre: 10h à 14h devant le Plus petit jardin botanique de Suisse au 39 rue de Saint-Jean puis 14h30 à 18h devant la Coop de Saint-Jean
Pourquoi unsapin à pommes à poèmes et à roulettes ?
Pour le Noël 2014 est née l’idée du sapin à pommes mobile, à l’origine dans le cadre des événements de Noël organisés par l’aumônerie de l’Université de Genève. Le sapin a accompagné ces Noëls pendant cinq années en roulant dans la cité, distribuant des pommes aux passants et aux étudiants.
Il a provoqué de beaux échanges, des dialogues surréalistes, des interpellations amusées, un intérêt sincère. Sa simplicité a désarmé. On ne s’y attendait pas du tout. Nous avons découvert qu’offrir une pomme et un sourire, souvent, c’est juste ça, l’esprit de Noël.
En 2019, le sapin a ajouté des poèmes sur ses branches. Un dimanche après-midi de décembre, nous nous sommes réunies, un bouquet de femmes, autour d’une table de la Treille dans le cadre d’un laboratoire d’écriture pour une lecture de textes; ces textes ont ensuite été suspendus au sapin avec des rubans. Ce sapin à pommes à poésie à roulettes a circulé dans les rues de la ville, de la poésie a ainsi été offerte aux passants pendant toute la semaine précédant Noël.
En 2020, il n’était pas possible de se réunir. Sur ce blog est alors né le projet du calendrier de l’Avent en poésie: un texte ou poème par jour, sur le thème du sapin, de la pomme, de l’étoile, de l’hiver ou de Noël, ou même de n’importe quoi, mais illuminé par une lumière positive, écrit par des autrices et auteurs différents. Suite à un appel a texte, un texte a été publié chaque jour sur le blog, comme une porte de calendrier à ouvrir. Puis chaque texte et poème a été imprimé et suspendu à un sapin à pommes ambulant tiré par un vélo qui a circulé dans les rues de Genève avant Noël.
Pourquoi des pommes sur le sapin ? petit retour historique
Simplicité. Qui vient de loin, on n’a rien inventé. Voici un bref résumé, tiré du livre de mon ancien prof de l’Uni François Walter et d’Alain Cabantous. Dès la fin du Moyen Age, on met des végétaux aux fenêtres de maisons au milieu de l’hiver, mais cela n’a encore rien à voir avec Noël, on se protège comme cela des mauvais esprits, des sorcières et des démons. Puis on commence à disposer des arbres dans l’espace public et le sapin est choisi, le seul qui est vert en hiver, symbole de vie, et c’est plus joli d’avoir du vert qu’un tronc tout nu.
On est alors en 1521 à Sélestat en Alsace, où les archives gardent la trace d’un sapin coupé qui sert de décoration. Le sapin devient associé à la fête de Noël et entre ensuite gentiment dans les maisons, et quand il n’y a pas de place, il est suspendu au plafond.
Dès le début, le sapin est décoré avec des belles pommes rouges (qui rappellent aussi l’arbre de la faute d’Adam et Eve), des noix et des fleurs en papier. Le 18ème siècle voit un grand essor du sapin de Noël, le 19ème siècle est celui de l’apparition des bougies. Les pommes sont encore là, parfois dorées, avec des sucreries.
Le sapin de Noël se répand en Europe du nord, et une romancière anglaise raconte qu’en 1836 on vend à Vienne des sapins déjà ornés d’une pomme, d’un fruit sec ou d’un pain d’épices. Selon la légende, l’année 1860 subit une mauvaise récolte de pommes. Les artisans verriers inventent alors des boules en verre soufflé pour les remplacer. A la fin du 19ème siècle, les boules et les santons sont fabriqués en série et dès 1950 les décorations de Noël s’industrialisent et deviennent plus uniformes.
Alors les pommes sur un sapin, c’est un peu un retour aux sources, mais surtout c’est simple et comme c’est beau.
Référence : Alain Cabantous, François Walter, Noël. Une si longue histoire…, Editions Payot & Rivages, Paris, 2016.
Un projet virusolidaire.ch porté par Anouk Dunant Gonzenbach et Isabelle Lamm
Un grand merci à l’Association « Des mots et des graines » (merci mes ami.es), structure qui permet de demander un peu d’aide financière pour ces projets poétiques.
Ce premier dimanche de décembre, nous allumons la première bougie de la couronne, celle que nous avons fabriquée, décorée ou achetée. Nous entrons ainsi dans la période de l’Avent, un peu féérique, un peu paisible, même si pour les Genevois l’Escalade vient mettre un bazar historique, costumé et animé là au milieu.
C’est le moment idéal pour se pencher à la lueur de cette flamme sur les origines de ces semaines précédant Noël et de rouvrir, comme chaque année au mois de décembre, le riche ouvrage de François Walter et Alain Cabantous : Noël, une si longue histoire .
Les semaines qui précèdent Noël servent à préparer cette fête, «ce que désigne depuis le 12e siècle le mot «Avent», du latin adventus, soit la «venue», sous-entendu de Jésus Christ». Les auteurs nous apprennent qu’il faut remonter au 5e siècle pour trouver les origines de l’Avent. A cette époque, des sermons spécifiques sont prononcés pendant la période de l’Avent, puis vers 480 un jeûne est instauré trois fois par semaine depuis la Saint-Martin jusqu’à Noël, comme un deuxième Carême. Ce jeûne est par la suite réduit dans sa durée puis abandonné au 12e siècle. Au 16e siècle, saint Charles Borromée répète lors de la Réforme tridentine qu’il faut jeûner au moins les lundis, mercredis et vendredis des quatre semaines de l’Avent.
Le calendrier de l’Avent Le premier décembre, on ouvre la première porte du calendrier de l’Avent, voire on déballe le premier petit paquet. Ce calendrier fait son apparition au 20e siècle, mais le principe de décompter les jours avant Noël est plus ancien. François Walter explique qu’«on pense que cela vient de la tradition de préparation de la crèche : chaque jour, les enfants ajoutaient un nouvel élément décoratif, par exemple un brin de paille».
Le calendrier de l’Avent est créé en Allemagne. Au 19e siècle, on faisait patienter les enfants en leur donnant une image pieuse pendant les 24 jours précédant Noël. Puis le premier calendrier de l’Avent avec des petites fenêtres à ouvrir est commercialisé en 1920. Pour les chocolats, il faut attendre 1958. Cette tradition germanique s’étend ensuite progressivement au reste de l’Europe.
La couronne de l’Avent La couronne de l’Avent provient également d’Allemagne. François Walter indique qu’il s’agit d’une «couronne de sapin sur laquelle on plante quatre bougies. On en allume une chaque dimanche de l’Avent.»
Créée au milieu du 19e siècle par un pasteur travaillant dans une institution recueillant des enfants très pauvres, cette couronne est à l’origine en bois et ornée de vingt petits cierges rouges et quatre grands cierges blancs. «Le pasteur allumait une bougie par jour pour faire patienter les enfants jusqu’à Noël. La tradition s’est répandue, mais comme les bougies coûtaient cher, leur nombre est passé de vingt-quatre à quatre.»
Pour en savoir plus : François Walter, Alain Cabantous, Noël, une si longue histoire, Payot, 2016.
Texte écrit en décembre 2019 pour le site Sansleseuil.ch
« Konrad Witz en chantier », un projet que nous avons imaginé, rêvé en couleurs, créé puis réalisé en grand. Il s’agit d’un dispositif en trois objets qui accompagne la restauration du temple de la Fusterie:
Le photomontage Déplié de Jean Stern, une oeuvre d’art de grand format (5m sur 12m) appliquée sur une structure rigide en accordéon, est dressé devant la façade sud du temple de la Fusterie. Visible sur le temple jusqu’à la fin des travaux de restauration, il a été réalisé par l’artiste plasticien Jean Stern, en collaboration avec la directrice adjointe des Archives d’Etat Anouk Dunant Gonzenbach et le pasteur Jean-Michel Perret. Cette œuvre propose une relecture du tableau de Konrad Witz La Pêche miraculeuse, datant de 1444 (coll. du Musée d’art et d’histoire, Genève). Ce tableau, fleuron du patrimoine genevois, est célèbre pour l’intégration de la scène de la pêche miraculeuse dans le paysage genevois de l’époque, ce qui est la première représentation dans l’histoire de l’art d’un lieu topographiquement exact et reconnaissable.
Quinze panneaux historiques qui décrivent l’histoire de Genève, de la Réforme et du temple de la Fusterie (avec traductions en anglais) : ces panneaux de grande taille installés sur les palissades du chantier du temple constituent une exposition en plein air à visiter en se promenant autour du chantier. Réalisés en collaboration avec l’historienne de l’art Erica Deuber Ziegler, ils retracent l’histoire de la place de la Fusterie, de son temple – premier lieu de culte protestant érigé dans l’enceinte de la ville de Genève – et du chantier de restauration en cours. Ils couvrent ainsi une période qui s’étend du Moyen Age à nos jours.
Mon recueil Un tableau mais pas que. La pêche miraculeuse de Konrad Witz (éd. Slatkine, juin 2024), qui propose un récit de l’histoire du tableau et de son peintre du Moyen Age à nos jours à travers différents lieux emblématiques de Genève et qui fait revivre aux travers des tribulations de ce tableau tout un pan de l’histoire locale. La seconde partie de l’ouvrage raconte le processus de création qui a mené à la réalisation du photomontage Déplié et s’interroge sur le sens que nous pouvons donner à ce tableau aujourd’hui.
Mon message du 17 juin 2024 lors de l’inauguration :
« Nous sommes en l’an 30, les disciples pêchent sur le lac de Tibériade mais leurs filets restent désespérément vides. Jésus, qui se trouve incognito au bord du rivage dit alors aux pêcheurs bredouilles de jeter leur filet du côté droit de la barque. Le filet se remplit, la pêche est miraculeuse.
Nous sommes en 1444, à Genève, Konrad Witz actualise cette scène de l’évangile (il y en a deux en réalité, je ne rentre pas ici dans les détails) dans un environnement naturel reconnaissable, contemporain et topographiquement exact. Witz actualise le message. Dans sa Pêche miraculeuse, depuis le bas de l’actuelle place des Alpes, nous voyons Jésus aux Pâquis et la Savoie en arrière-plan.
En 1444, Genève est prospère. Les foires battent leur plein. Genève est une des premières places d’échanges commerciaux en Europe. On y vend de tout, même du gingembre, du poivre, du riz, du sucre candi. Nous sommes en 1444, à Genève, la population grandit, il y a environ 10 000 habitants, ce qui en fait une grande ville. Pour loger tout ce monde, les faubourgs grossissent, surtout celui de Saint-Gervais, la rue de Coutance vient d’être bâtie. La région est en paix. Ce qui est assez rare dans l’histoire, car Genève est une cité épiscopale que les puissants cherchent constamment à s’approprier. La preuve par l’Escalade.
Nous sommes en 1444 à Genève, Konrad Witz réalise ce tryptique commandé par l’évêque de Genève François de Metz. Le retable est installé dans la cathédrale Saint-Pierre. Lors des célébrations, les Genevoises et Genevois voient maintenant en face d’eux des hommes simples pêcher dans leur lac et le Christ marcher sur ces eaux familières pour les aider et les réconforter, ils sont les témoins de cette scène.
Les Genevois ne verront pas si longtemps que ça ce tableau, car en 1535, dans une Genève, qui se réforme, les images ne font pas long feu dans les églises. Les iconoclastes lacèrent à coup de lames les visages des personnages saints du retable, et pas de main morte, mais la pêche est miraculeusement est sauvée. Commencent les tribulations du tableau, de bibliothèques successives en musée. Perdu pendant 150 ans, ressorti de l’oubli en 1901, la pêche miraculeuse devient la plus célèbre œuvre d’art de Genève et un marqueur de l’histoire de l’art européen parce qu’elle représente ce premier paysage topographiquement exact que l’on connaisse. Ce tableau devient à l’ouverture du Musée d’art et d’histoire en 1910 son fleuron. Restaurée complètement en 2012, son histoire et sa matérialité en ont été écrites à cette occasion en un ouvrage qui fait date, sous la direction du professeur Frédéric Elsig et de César Menz.
Nous sommes aujourd’hui à Genève. Assis dans la salle 401 du Musée, nous regardons ce tableau dans tous les sens, en longueur, en largeur, en profondeur et dans toutes ses dimensions, hier aujourd’hui et demain, tout est juste avec lui, dans tous les sens il fait sens. Ce message d’il y a deux mille ans, actualisé en 1444, parle pour aujourd’hui.
La pêche miraculeuse, un tableau, un très célèbre tableau, un tableau dont la proximité ne cesse de surprendre, un tableau mais pas que. Tout est présent dans ce tableau, le lac de Tibériade et des racines très profondes, Genève, Jésus, Jésus à son époque, Jésus au Moyen Age et Jésus aujourd’hui, l’histoire de la Réforme, celle de Genève, l’Art, les textes, la Parole, la Parole décalée, Jésus demain, l’eau, le lac Léman, le Salève. Alors continuons l’histoire, et actualisons aujourd’hui ce qui a été actualisé il y a 580 ans.
Nous sommes aujourd’hui à Genève, voici le dévoilement d’un projet prêt en réalité depuis sept années, un projet qui déplie l’an 30, l’an 1444 et aujourd’hui, qui relie aujourd’hui d’une manière ou d’une autre la Pêche miraculeuse sortie de la cathédrale par les Réformés à un lieu cultuel protestant mais sous un autre angle et à l’extérieur, qui fait parler à nouveau une image dans une religion qui les a évacuées depuis des siècles, qui transmet un message pour l’esprit par une œuvre d’art aujourd’hui symbole de Genève, qui propose une œuvre commandée par une Eglise qui reprend une œuvre commandée par une autre Eglise il y a 580 ans, qui place au centre-ville, sur une place qui est une case bleu foncé du Monopoly un tableau qui contient à lui seul cinq cent ans d’histoire genevoise. »
La semaine de toutes les célébrations liées à la mort : Halloween, La Toussaint, la fête des morts. Qu’en est-il à Genève ? Tout d’abord, reprécisons un peu tout cela.
Par Anouk Dunant Gonzenbach
La Toussaint est une fête catholique en l’honneur de tous les saints qui a lieu chaque année le 1er novembre, qui est dans certains pays un jour férié.
Il ne faut pas la confondre avec la fête des morts, qui a lieu le lendemain 2 novembre. L’office des morts prend son origine dans la veillée des morts que les premiers chrétiens faisaient à l’exemple des Juifs. Ce jour-là, il est coutume de se rendre au cimetière pour prendre soin des tombes d’êtres disparus et y planter des fleurs. La fête des morts est un rituel pratiqué dans de nombreuses cultures et religions.
Il règne une certaine confusion entre la Toussaint et la fête des morts, car le 1er novembre (Toussaint) étant un jour férié notamment en France, les gens se rendent ce jour-là au cimetière, pour des raisons pratiques.
Là-dessus nous est arrivé des Etats-Unis il y a plusieurs années Halloween, qui se fête dans la soirée du 31 octobre. Il semble que son nom soit une contraction de l’anglais « All Hallows-Even », qui signifie « the eve of all Hallows’day », la veille de tous les saints.
Et en terre réformée, qu’en est-il du rapport à la mort ? On remet à Dieu les défunts, mais il n’y a pas de communication entre les vivants et les morts.
A Genève, à la fin de 1540, des dispositions sont prises pour organiser la cité en fonction des exigences de la Réforme et plus généralement de l’ordre public. Ainsi, une première série d’ordonnances passées en Petit Conseil en 1541 prévoit entre autres, laconiquement: » Les predicans escripre les baptesmes et mariages et l’hospitallier les mors » (1). En effet selon la doctrine calviniste, le rôle du pasteur se termine avec le dernier souffle du mourant et la sépulture ne donnait lieu à aucun acte religieux. C’est pourquoi les registres des décès sont tenus depuis 1545 par l’autorité civile exclusivement, c’est-à-dire par un fonctionnaire qui a été généralement le responsable de l’hôpital, ou le vérificateur des décès.
Calvin lui-même est enterré dans un lieu qu’on ne peut identifier, afin que sa tombe ne devienne pas un lieu de pèlerinage. Pourtant à cette époque la question se pose au lendemain du décès de Théodore de Bèze le 14 octobre 1605 : sa veuve souhaite qu’il soit enterré au cloître de Saint-Pierre et que son corps soit enveloppé dans du linge funéraire puis transporté par des écoliers lors d’un cortège pour lui rendre honneur. Le gouvernement autorise le lieu de l’ensevelissement, mais face aux protestations des pasteurs, qui craignent l’introduction d’une distinction sociale dans les rites funéraires, le rituel est simplifié et le linge funéraire interdit (2).
Aujourd’hui, les pasteurs célèbrent des services funèbres, qui sont des cultes d’Adieu. L’Eglise protestante de Genève ne célèbre pas de rites particuliers durant la cérémonie. Mais le-la pasteur-e ou la famille peuvent proposer des gestes qui ont un sens pour eux ou qui aident à faire le passage. Par exemple, en geste de dernier adieu, la famille peut déposer un texte ou une fleur sur le cercueil.
Le rapport à nos morts n’est donc pas tout simple. C’est sans doute pour cela qu’avec sens des personnes qui travaillent avec la mort tentent de questionner aujourd’hui ce rapport et d’en examiner les rituels dans différentes cultures. Ces questionnements, ces tentatives, ces recherches de sens, ne serait-ce pas des essais légitimes de redonner vie à la mort pour mieux l’appréhender ?
Photo: visite du Cimetière de Châtelaine organisée par le Service des pompes funèbres, cimetières et crématoire de la Ville de Genève, 26 octobre 2024. Un moment passionnant qui nous a été offert par un passionné.
C’est l’histoire d’une journée qui a pour but de réaménager une chambre afin d’accueillir quelques jours une famille, c’est donc l’histoire d’un dimanche où tu te réjouis dès le début d’en arriver à la fin. Parce que rangement implique fatalement tri, et comme souvent chez toi le tri de livres, le douloureux tri de livres. De CDs aussi, pas de quartier, de ces dizaines de dizaines de CDs lamentablement inutiles soigneusement camouflés depuis des années dans, dessous et derrière des étagères. Tu ne les écoutes plus, mais tu les aimes.
Alors tu remplis des sacs de livres (surtout ne pas reculer, ne pas réfléchir, ne pas tourner la première page), tu les harnaches sur ton vélo destination la boite à échanges. Sur le trottoir à côté des voies couvertes, cube de métal gris éphémère récipiendaire de trésors qui se partagent. Tu y déposes aussi pas mal de bandes dessinées (c’est dur, c’est dur) que tu arranges joliment sur le muret à côté de la boite. Trafic de vélos et de piétons qui regardent, posent, prennent, arrêts fugitifs ou concentrés. Les yeux puis les mains qui butinent.
Deuxième trajet une heure plus tard (surtout ne pas reculer, ne pas réfléchir, ne pas tourner la première page de chaque livre). La première livraison entièrement cueillie. Une dame regarde un xylophone en plastic rouge, tape dessus avec la baguette, te dit dans un français hésitant pour mon petit-fils d’un an. Tu regardes l’instrument, les deux rangées de touches sont mélangées, les noires avec les blanches, elle a l’impression que des notes manquent. Alors à côté d’elle tu remets les lamelles dans l’ordre, vous chantonnez ensemble en vérifiant la gamme.
Arrive une autre dame et son petit chien, qui vous demande s’il y a des disques aujourd’hui. Non, mais comme le tri est en cours à la maison, tu lui dis que tu reviendras dans l’après-midi. La musique c’est ma vie, te dit-elle, pourriez-vous me les réserver ? Tu lui proposes de se retrouver à la boite un peu plus tard, mais elle a peur de rater le rendez-vous. Tu suggères alors qu’elle te donne son numéro de téléphone, mais ni elle ni toi n’avez de quoi écrire. La grand-maman au xylophone est encore là, vous lui demandez par gestes un stylo. Pendant ce temps deux personnes déposent leur cargaison, trois choisissent de nouvelles lectures.
Toute une vie bruisse autour de cette boite à échange, qui donne une seconde vie aux choses de chez nous. Pour finir, tu iras livrer les disques à la dame en bas de chez elle, vous discuterez au pied de son immeuble. C’est l’histoire de trois stations à la boite à échanges aujourd’hui, sous le soleil exactement, trois rayons dans une journée qui s’annonçait d’un triste tri, miel d’échanges de mots et de regards qui ne seraient pas venus au monde sans la boite à échange d’objets, c’est l’histoire d’une reine du quartier.
Août 2024 Paru dans Quartier-Libre n. 131, automne-hiver 2024-2025.
Nous ne les lirons plus dans notre journal, les mots du localier, les nouvelles des roses trémières et de leur jardinière, des sentiers au bord du Rhône, la voix des personnes sans-abris. Nous lui souhaitons bonne route, au localier, il reste un vide, et du fond de nous, nous le remercions infiniment d’avoir tout remarqué, de l’avoir relaté, mis en lumière, pour sa plume sur le bitume.
Dans un monde normal, le prochain paragraphe, il serait consacré à la suite, à ce qui continue. Parce qu’à la Tribune, il y a des journalistes – et aussi des photographes – formidables, des personnes aux vraies qualités humaines et professionnelles, celles et ceux que nous aimons lire, que nous avons besoin de lire, qui examinent la vie d’ici, qui font leur travail ici.
Nous ne sommes plus dans un monde normal. Menaces sur la Tribune, profonde inquiétude pour la Julie. Ce joli surnom lui est donné en 1879 par un Georges Favon énervé par sa belle-sœur ainsi nommée, qui préférait «La Tribune» au journal «Le Genevois» de son célèbre beau-frère, homme politique et leader radical. Comme il ne supportait pas de prononcer le vrai nom de son concurrent, Favon a commencé à parler du «journal de Julie» puis de «la Julie». Depuis presque sa naissance, le surnom de Julie colle aux pages de notre Tribune.
Sa naissance : en 1875, l’américain James T. Bates achète le «Continental Herald and Swiss Times», un journal lu par les Britanniques de notre région et lui donne le nom de «Geneva Times». En 1879, le titre se transforme en langue française et devient «La Tribune de Genève». Gros succès populaire, notamment en raison de son prix: 5 centimes le numéro, vendu à la criée. Le premier quotidien romand à un sou.
Et d’un coup d’un seul, tout pourrait être fini. Je ne sais pas ce que j’y peux, à part prendre mon stylo pour écrire en bleu. Pour témoigner que nous vous aimons, toutes celles et ceux qui écrivent et fabriquent la Tribune. Que chercher ce journal dans la boîte aux lettres et l’ouvrir à côté de sa tasse de café, c’est le matin quotidien. La prise de pouls de la vie à Genève. Le cœur ne peut pas s’arrêter. Bonne route au localier, et toutes nos pensées vers celles et ceux de la rue des Rois. Encore espérer.
Par Laurence-Isaline Stahl Gretsch, texte paru dans Vélo. Equilibres en mouvement, éd. Muséum Genève et Favre, 2024.
Poète, écrivaine, archiviste, créatrice d’animations urbaines spontanées et cycliste, Anouk Dunant Gonzenbach endosse avec énergie toutes ces casquettes, et bien d’autres encore. Rencontre avec une artiste engagée qui se déplace sur un vélo soigneusement décoré de fleurs, ce qui suscite de brefs échanges au gré des routes, des sourires partagés, ce qu’elle appelle joliment « des bulles ».
Celle qui « met de la poésie dans la ville » a commencé il y a quelques années, presque comme une blague, à déplacer un sapin de Noël entre plusieurs sites de l’Université. Depuis, le projet a pris de l’ampleur : d’abord une charrette prêtée par Péclot 13, puis une autre rachetée à un vieux boulanger de son quartier, attelée à son vélo, un sapin et des pommes pour décorer l’arbre et pour offrir aux passants, occasionnant de beaux échanges. Depuis 2019, des poèmes issus de son groupe d’écriture sont venus se rajouter aux branches, puis ont fait l’objet d’appel à textes, soigneusement plastifiés et accrochés aux rameaux. Anouk Dunant Gonzenbach a décidé de laisser son vélo attelé tous les jours dans un autre endroit de l’espace public pour que plus de monde en profite, terminant ses trajets à pied.
A l’occasion d’une rencontre avec une enseignante de l’Université Ouvrière, elle décide d’y adjoindre des « mots qui viennent d’ailleurs ». Après avoir présenté son projet à des participant-e-s de cours de français, elle les accompagne dans la rédaction de textes, moment d’intense émotion, pour des migrants séparés de leur famille à l’approche des fêtes. De joie aussi, lorsque les textes sont présentés sur le sapin, avec un partage de thé de de biscuits. Ce projet a également servi de pont avec des activités de Carrefour Rue et de sa publication la Feuille de Trèfle, dans laquelle chacun a pu laisser un texte qui… a également été accroché au sapin de 2023. Ainsi l’arbre est devenu chaque année un peu plus grand et plus lourd, surtout dans les montées. Son parcours est annoncé à l’avance pour que « la poésie résonne à chaque coin de rue de la ville ». Un pot avec papier et crayon donne même la place à l’imagination des passant-e-s qui laissent pour la plupart des messages de paix.
Un blog créé pour apporter des messages positifs et créer du lien pendant le confinement du COVID en mars 2020 est devenu le lieu pour trouver des textes, en plus de ceux publiés notamment sur l’espérance. On y apprend également le parcours de cet étonnant « sapin, à pommes, à poèmes et à roulette » et on découvre d’autres initiatives, comme les « Poèmes du jardin », de celle qui ne pourrait les envisager sans son vélo qui allie « beauté de la liberté et légèreté en ville ».
*
L’ouvrage Vélos. Equilibre en mouvement sous la direction de Laurence-Isaline Stahl Gretsch, Julien Berberat et Alexandre Fiette est paru à l’occasion de l’exposition du même nom au Musée Rath. Cette exposition, coproduite avec le Muséum (MHN), invite le public à une exploration de la bicyclette sous ses aspects techniques, historiques, sociologiques et artistiques. Les commissaires en sont les trois personnes citées ci-dessus ainsi que Giuliano Broggini, Bénédict Frommel, Stéphane Fischer et Pierre-Henri Heizmann. A voir jusqu’au 13 octobre 2024. A voir absolument, cette exposition est riche, magnifique, réalisée par des spécialistes. Ne manquez pas le vélo réfracté en des milliers de pièces par Giuliano Broggini au sous-sol, une oeuvre d’art en soi.
Suite au cri du cœur au sujet des bornes en bibliothèque, nous ne pouvions en rester là. Alors est née, par un collectif d’habitantes et d’habitants de la Ville une pétition, intitulée «Pour le droit d’emprunter et de rendre des livres en toutes circonstances aux bibliothécaires dans les bibliothèques municipales de la Ville de Genève et pour favoriser les liens entre public et professionnel.les ».
Le contexte
Depuis une dizaine d’années, les bornes automatiques qui permettent l’emprunt et le retour des livres sans contact avec un.e bibliothécaire ont fait leur entrée dans les bibliothèques municipales. Une telle machine peut ponctuellement satisfaire des besoins d’emprunter un livre en toute discrétion ou de rendre un document rapidement si cela est nécessaire.
Dans un article intitulé « Les machines appelées à rendre les bibliothèques plus humaines » paru dans nota (le journal des bibliothèques municipales, Genève, ville de culture, n. 6 septembre 2023-janvier 2024), il est annoncé qu’à terme les bornes vont se multiplier et que les bibliothécaires n’auront plus le droit d’effectuer les emprunts et retours de livres mais que le public sera obligé de faire ces deux opérations auxdites bornes. L’argument principal avancé dans l’article par les promoteurs de cette évolution est de libérer du temps de « manutention » des bibliothécaires afin de leur permettre d’interagir davantage avec le public.
Notre position
Cet argument va à l’encontre des missions de base des bibliothèques, qui sont de renseigner le public, le conseiller et le former à l’utilisation des bibliothèques (Règlement d’utilisation des bibliothèques municipales LC 21 631.1 du 1er octobre 2016). En effet, le cœur du métier de bibliothécaire est le conseil, qui s’effectue en premier lieu lors de discussions pendant les opérations de prêt et de retour des livres. Le premier lien entre les bibliothécaires et les usagères et usagers se tisse lors de ces moments. Et qui mieux que les bibliothécaires peuvent contribuer à accompagner dès le plus jeune âge leur public dans ce monde où l’éducation à l’information est un enjeu sociétal majeur ?
De plus, remplacer des personnes par des machines aura pour conséquence une perte des compétences professionnelles et le risque d’engendrer des compressions en personnel. Enfin, la multiplication des machines, leur entretien et leurs remplacements va au rebours de toute considération sur le développement durable.
Les liens et les échanges entre les personnes, les conseils donnés par des professionnel.les compétent.es, l’éducation à la recherche documentaire ainsi que la lecture gratuite sont des fondamentaux à préserver. Nous sommes persuadé.es que les activités de prêt et de retour des documents auprès des bibliothécaires sont les bases de toute médiation culturelle en bibliothèque et un service public à conserver.
La pétition demande que
Les bibliothécaires restent les interlocuteurs privilégiés et incontournables pour les opérations de prêt et de retour des documents.
L’installation des bornes automatiques dans les bibliothèques soit limitée au strict nécessaire (une borne par bibliothèque).
Cette pétition a été envoyée munie de plus de 250 signatures à la Commission des pétitions de la Ville de Genève. Le texte se trouve ci-dessous. Parallèlement, Laurence Corpataux, conseillère municipale, a déposé une question écrite au Conseil administratif sur le même sujet.
Encore et toujours, s’indigner
On pourra répondre qu’il ne faut pas aller contre son temps, que ces évolutions sont inéluctables, qu’on en serait encore au boulier si le monde n’était pas allé de l’avant. Certes. Cela a beaucoup remué dans la tête. Mais nous pensons profondément que chaque cassure de lien humain mérite que l’on s’indigne. Comment doit être le monde dans lequel nous souhaitons vivre ?
Le spectacle «Dire la ville». Jeudi dernier à l’Alhambra, la Fanfare du Loup, le Théâtre Spirale et le Chœur ouvert ont dit la ville. Dit, chanté, dansé même, et pour les citer, tout cela dans un «grand charivari intergénérationnel et impertinent». Les jeunes ont murmuré, crié, articulé, donné leurs mots, cela aurait pu être un peu déprimant, cela a été joyeux. Joyeux, avec leurs sourires en forme d’ancrage et d’espérance. Une formidable énergie issue d’un formidable projet.
Joyeux, sauf la fin. Reprenons au début. L’entrée sur scène des artistes se fait depuis le fond de la salle, en un cortège musical décoré par d’immenses lampions blancs, de la poésie à l’état pur. Ces lampions, ce sont les élèves des classes d’orientation professionnelle 219 et 220 qui les ont réalisées. Dire la ville a intégré dans ce projet un travail artistique et d’écriture avec ces classes. Il en résulte un très bel objet, une petite publication qui contient des textes écrits par ces élèves. Des récits de migration.
Joyeux, sauf la fin. Parmi ces élèves, Ali. Ali, jeune requérant migrant, a mis fin à ses jours en décembre dernier. Comme plusieurs avant lui. Genève n’a pas réussi à faire attention à sa détresse. Au bout de deux ans de ce qui aurait pu être la construction d’un avenir, nous l’avons enterré avec ses rêves. Dire la ville lui est dédié, une chanson lui est adressée. Le théâtre entier le pleure, à la fin. Il reste ses mots, inscrits dans la petite publication. «En Afghanistan j’étais berger. Je voulais aller à l’école. En Afghanistan, il n’y a pas d’école. Je suis parti quand j’avais douze ans. […]. Ma mère était très triste. Mais je lui ai dit au téléphone: c’est comme ça.»
Genève a les moyens de prendre mieux soin de ces enfants venant de si loin au prix de tant de dangers. Traumatismes. Genève pourrait faire autrement que refuser des permis de travail à des jeunes qui sont désespérément en attente d’une réponse à leur demande d’asile. Ali et les autres perdent leur sourire, choisissent les étoiles. Je ne peux pas me résigner à dire «c’est comme ça». Genève ne peut pas être comme ça.
Il y a Léonore qui venait chercher son poulet grillé le samedi matin Ma mère le lundi, la salade de carottes pour ses petits-enfants Jules à qui il avait recommandé les brochettes, Jules en prenait depuis chaque fois Le gratin qui a tant dépanné nos midis Le petit mot pour les enfants (c’est à eux qu’il rendait la monnaie) Il y a un quartier entier qui aimait y entrer Chez notre boucher du Beulet
Un apprivoisement, petit à petit Les yeux, ce bleu clair malicieux Non, c’est trop cher, prenez plutôt ce morceau-l Et parfois un café à côté La chance de recevoir quelques souvenirs d’autrefois, les Grisons De notre boucher du Beulet
Il y a un savoir-faire qui nous épatait parce que ça se perd, le savoir-faire Produits de qualité, les conseils avec – quand on emménage, on ne sait pas tout- Ah, les feuilletés à la viande, comment on va faire sans Comment on va faire sans Notre boucher du Beulet
Devant la vitrine, laisser son vélo décadenassé Echanger de l’humour, acheter les steaks hâchés A samedi, belle soirée, vite rentrer C’est trop bien d’avoir un boucher à côté Pas n’importe qui Notre boucher du Beulet
Un lieu où l’on cause On se croise on se donne des nouvelles On se raconte la rue, l’école, enfin tout quoi Il y a toujours quelqu’un, une voisine Deux habitants, trois mamans, plusieurs langues Chez notre boucher du Beulet
Et maintenant il nous laisse La vitrine est éteinte Une histoire écrite Le vide est immense Un trou dans le quartier Qui dit son désarroi, sa reconnaissance, Qui se souviendra De notre boucher du Beulet
16 octobre 2023 Paru dans Quartier-Libre n. 130, printemps-été 2024.
Cette année, le sapin à pommes, à poèmes et à roulettes rencontre la Feuille de Trèfle. Partages de Noël
Par Anouk Dunant Gonzenbach
Le sapin à pommes, à poèmes et à roulettes déambule depuis plusieurs années dans les rues de Genève la semaine précédant Noël. Il offre aux passantes et aux passants qui passent des mots, en toute simplicité. Cette année, ce projet est porté en collaboration avec la Feuille de Trèfle.
Chaque jour, le sapin s’est posé dans un lieu différent ; chaque jour, pendant environ une heure, nous avons été présents autour de lui et l’on a entendu des poèmes à tous les coins de rue !
Itinéraire du sapin:
Lundi 18 décembre de 10h à 18h: place du Bourg-de-Four (présence de 14h à 15h)
Mardi 19 décembre de 10h à 18h : place du Rhône, à la sortie du Pont des Bergues (présence de 14h30 à 15h30)
Mercredi 20 décembre de 10h à 16h: devant la bibliothèque de Saint-Jean. A 16h30 devant le théâtre de Gaspard: lecture de textes et thé, tout le monde est invité en toute simplicité!
Jeudi 21 décembre de 10h à 18h : place Rüth Bösiger – angle pont de la Machine et quai des Bergues (présence de 12h30 à 14h)
Vendredi 22 décembre de 10h à 17h : place du Molard, côté rue de La Croix-d’Or – annulé pour cause de pluie
Samedi 23 décembre de 10h à 17h : devant la Coop de Saint-Jean
Lecture partagée, bougies et thé:
Le mercredi 20 décembre à 16h30 devant le théâtre de Gaspard, nous avons partagé poèmes et thé chaud, un moment de lecture en toute simplicité:
Les passantes et passants ont ajouté leurs mots au sapin, parmi ceux des poètes:
Une trentaine de poètes de toujours et de troubadours d’un jour ont répondu à l’appel à tremper leur plume dans la nuit noire de décembre pour l’éclairer avec des mots. Tous ces textes accrochés au branches du sapin, seront également publiés dans un numéro de la Feuille de Trèfle : Gabriella Baggiolini ; Marc Desplos ; Eveline Monticelli ; Linda Cara-Jacobi ; Claude Bonard ; Pierre Jaquier ; Brigitte Frank ; Françoise Favre-Prinet ; Stéphanie de Roguin ; Huguette Junod ; Maurice Gardiol ; Annette Zimmermann ; Ariane Freymond ; Philippe Constantin ; Philippe Rebetez ; Renaud Rindlisbacher ; Lux ; Anouk Dunant Gonzenbach ; Elizabeth Grech ; Philippe Bonvin ; Stéphanie Fretz ; Julie Barbey Horvath ; Renato ; Ana Mata Buil ; Marie-Hélène Groux ; Mladenka Perroton-Brekalo ; Sylvain Thévoz ; Poétesse D.V.; Carole Lavenant et Colibri.
Parce que l’esprit de Noël, pour moi, c’est créer des liens. Des liens avec les personnes qui écrivent mais aussi avec les personnes qui s’arrêtent devant le sapin pour lire les textes. Des liens brefs mais authentiques. Quelques phrases, des sourires, et une compréhension immédiate de l’instant qui se vit.
Anouk au micro de Jean-Marc Richard au sujet du sapin à pommes lors de l’émission La Ligne de Coeur (RTS) du 12 décembre 2023:
Le numéro spécial de la Feuille de Trèfle n. 150
Le 28 février 2024, nous avons fêté au Codebar la parution du numéro de la Feuille de Trèfle qui contient tous les textes du sapin. A cette occasion, nous avons également verni la nouvelle ligne graphique du journal!
La Feuille de Trèfle, journal fondé en 1993 par Carrefour-Rue, parait six fois par an dont un numéro spécial sous forme de calendrier. Ecrit et réalisé par une équipe composée de personnes vivant dans la précarité et de bénévoles, le journal permet grâce à sa vente devant l’entrée de supermarchés, à des personnes démunies de se procurer un petit revenu tout en étant source de contacts.
Pourquoi unsapin à pommes à poèmes et à roulettes ?
Pour le Noël 2014 est née l’idée du sapin à pommes mobile, à l’origine dans le cadre des événements de Noël organisés par l’aumônerie de l’Université de Genève. Le sapin a accompagné ces Noëls pendant cinq années en roulant dans la cité, distribuant des pommes aux passants et aux étudiants.
Il a provoqué de beaux échanges, des dialogues surréalistes, des interpellations amusées, un intérêt sincère. Sa simplicité a désarmé. On ne s’y attendait pas du tout. Nous avons découvert qu’offrir une pomme et un sourire, souvent, c’est juste ça, l’esprit de Noël.
En 2019, le sapin a ajouté des poèmes sur ses branches. Un dimanche après-midi de décembre, nous nous sommes réunies, un bouquet de femmes, autour d’une table de la Treille dans le cadre d’un laboratoire d’écriture pour une lecture de textes; ces textes ont ensuite été suspendus au sapin avec des rubans. Ce sapin à pommes à poésie à roulettes a circulé dans les rues de la ville, de la poésie a ainsi été offerte aux passants pendant toute la semaine précédant Noël.
En 2020, il n’était pas possible de se réunir. Sur ce blog est alors né le projet du calendrier de l’Avent en poésie: un texte ou poème par jour, sur le thème du sapin, de la pomme, de l’étoile, de l’hiver ou de Noël, ou même de n’importe quoi, mais illuminé par une lumière positive, écrit par des autrices et auteurs différents. Suite à un appel a texte, un texte a été publié chaque jour sur le blog, comme une porte de calendrier à ouvrir. Puis chaque texte et poème a été imprimé et suspendu à un sapin à pommes ambulant tiré par un vélo qui a circulé dans les rues de Genève avant Noël.
Pourquoi des pommes sur le sapin ? petit retour historique
Simplicité. Qui vient de loin, on n’a rien inventé. Voici un bref résumé, tiré du livre de mon ancien prof de l’Uni François Walter et d’Alain Cabantous. Dès la fin du Moyen Age, on met des végétaux aux fenêtres de maisons au milieu de l’hiver, mais cela n’a encore rien à voir avec Noël, on se protège comme cela des mauvais esprits, des sorcières et des démons. Puis on commence à disposer des arbres dans l’espace public et le sapin est choisi, le seul qui est vert en hiver, symbole de vie, et c’est plus joli d’avoir du vert qu’un tronc tout nu.
On est alors en 1521 à Sélestat en Alsace, où les archives gardent la trace d’un sapin coupé qui sert de décoration. Le sapin devient associé à la fête de Noël et entre ensuite gentiment dans les maisons, et quand il n’y a pas de place, il est suspendu au plafond.
Dès le début, le sapin est décoré avec des belles pommes rouges (qui rappellent aussi l’arbre de la faute d’Adam et Eve), des noix et des fleurs en papier. Le 18ème siècle voit un grand essor du sapin de Noël, le 19ème siècle est celui de l’apparition des bougies. Les pommes sont encore là, parfois dorées, avec des sucreries.
Le sapin de Noël se répand en Europe du nord, et une romancière anglaise raconte qu’en 1836 on vend à Vienne des sapins déjà ornés d’une pomme, d’un fruit sec ou d’un pain d’épices. Selon la légende, l’année 1860 subit une mauvaise récolte de pommes. Les artisans verriers inventent alors des boules en verre soufflé pour les remplacer. A la fin du 19ème siècle, les boules et les santons sont fabriqués en série et dès 1950 les décorations de Noël s’industrialisent et deviennent plus uniformes.
Alors les pommes sur un sapin, c’est un peu un retour aux sources, mais surtout c’est simple et comme c’est beau.
Référence : Alain Cabantous, François Walter, Noël. Une si longue histoire…, Editions Payot & Rivages, Paris, 2016.