
En pédalant en couleur en choeur
en chocolat en lisant Engadine
en janvier en joie enneigé
en train en écrivant
en paix
ennivrant
en robe à pois
en carillonnant en rond en écoutant
en bondissant en coeur en trébuchant
en chocolat en forêt en tissant
en débordant en contact en prose
en ville entière en arrosant en vrac
en bouillon enfance en avant en étoile
en poésie ensemble en lumière
Envers et contre tout
en espérance
en action
*
Anouk
1er janvier 2023
par Anouk Dunant Gonzenbach
Des morceaux épars, des bribes, de la poudre à lessive, des carottes pluchées, des cahiers couverts, oreilles attentives, sixième sens à l’affût, pique-niques et partitions, ballon et ballerines, rapports administratifs et commissions, séances plénières et sparadraps, ordres du jour et ventes de pâtisseries.
Des artistes de l’épars, femmes, filles et mamans, nous.
Des morceaux épars, des bouts de tissus à gauche et à droite, en pile et envolés, dessus et dessous. Délicatement, faufiler, raccommoder, coudre les bouts sur une grande tenture, pour voir. Il y a quelque chose dans le fil, sa couleur, sa texture, quelque chose de tout-à-coup cohérent, si on regarde bien. Il en faut du temps pour coudre, pour que la tapisserie prenne du sens, pour que le fil d’Ariane puisse peut-être, toujours, indiquer une direction.
Le grand patchwork du quotidien devient unité. Le fragmenté brodé. Les bris recollés.
De l’épars nous les tisserandes savons faire naitre l’harmonie.
Octobre 2022
Par Anouk Dunant Gonzenbach
Les cosmos ont séché sur pied
Devant la maison,
Je suis triste.
Il faut dire que je ne les arrose plus,
Parce que utiliser de l’eau pour arroser, en ce moment,
Je n’y arrive pas,
L’eau potable si précieuse.
Les cultures ont brûlé
Les vignes hachées
Les cosmos secs et bruns pendouillent
Et je suis triste.
Les ados, autour, sont inquiets,
Ils font tout ce qu’ils peuvent
Mais ça ne change pas grand-chose,
Et ça me rend triste, tellement triste,
Et les glaciers fondent.
Depuis la nuit des temps,
Depuis que le monde est monde,
Ce n’est pas drôle, on est d’accord,
Mais là on pourrait tellement.
Alors je vais replanter des cosmos
Et les arroser
A l’eau de pluie récupérée
A l’eau du robinet, tant pis,
Non, quand-même pas
Et je vais regarder le quartier
Les roses trémières
Les toits végétalisés
Tout ce qui est en train de pousser
Tout ce qui est en train de se passer
Dans le quartier
Et comme depuis la nuit des temps
Et comme depuis que le monde est monde,
Fortes et fières
Les bras qui restent levés
Imaginer, planter, dégrapper
Parce qu’on prend les choses en main
A l’échelle du quartier.
17 juillet 2022
Paru dans Quartier libre 127 – automne-hiver 2022-2023
Par Anouk Dunant Gonzenbach
Port de Loguivy de la Mer, marée basse, une trentaine de bateaux à cale sèche posés sur le sable, les goélands, leurs cris, le phare de la Croix au loin, sur une toute petite île, un phare pas très haut dont le haut est peint en rouge, les maisons autour du port, le petit parking, la cabane de la crêperie, le restaurant Au grand Large. Le monument aux aviateurs anglais morts pendant la guerre au pied de l’église, récente église mais sa vierge en bois provient du 14e siècle, immenses coquilles saint-jacques sur le sable découvert par la marée basse, un scooter rose, les nuages dans le ciel bleu comme des moutons dans un tableau, les crêpes qui dégoulinent de caramel au beurre salé, le rayon de soleil sur le bateau de pêche rouge, les volets bleus couleur de la vierge mais il y en a aussi des rouges. Les agapanthes, plus haut dans les ruelles, au pied des murs et dans les jardins, et les roses trémières.
De là les pêcheurs partaient pour l’Islande et les Terre-Neuvas, conditions de vies abominables sur les goélettes, naufrages, veuvages, orphelins, les armateurs de Paimpol ne s’embarrassaient pas de considérations humaines, la pêche à Islande, dur destin des marins, des pêcheurs, la grande pêche. La morue. Cette histoire se ressent, là, des calvaires, des monuments avec les noms des bateaux naufragés, des marins et pêcheurs noyés, des veuves restées sans ressources, pas les noms des armateurs riches toujours plus riches, la grande pêche, la morue.
Sur une table de la crêperie j’écris, le petit port sent la mer, la tranquillité, le caramel salé, la lumière bretonne de l’été. Loguivy de la Mer.
Juillet 2022
Par Anouk Dunant Gonzenbach
Update printemps 2024: et ça continue! Développement toujours ci-dessous.
Update de cette fin d’été 2023: le serpent grandit à nouveau! Développement ci-dessous.
*
25 juillet 2022: le début de l’histoire
Il ondule à Saint-Jean et grandit au fil des jours grâce à tout le monde: voici le serpent en galets peints du quartier. Sur une idée découverte à Jussy où se développe un rocksnake, voici le principe:
Chacune, chacun décore une petite pierre, un caillou, un galet et l’ajoute en déplaçant la queue, et on verra bien jusqu’où on ira! La participation est ouverte à tout le monde!
De la peinture et de la fantaisie, tout simple. Amusons-nous joyeusement en couleur!
Lancé par un collectif du coin, habitant.es d’ici et des Ouches.
Partagez vos photos, votre créativité et vos idées: #serpentengaletsdesaintjean


Le serpent grandit: une famille du quartier a envoyé cette photo, une adorable petite main ajoutant son joli galet:

Le serpent est arrivé il y a un mois fin juillet 2022, il continue à grandir et tous les soirs on peut admirer de nouveaux galets ! Un atelier est organisé par le Forum 1203 samedi prochain 3 septembre dès 10h dans le cadre de La rue est à vous au Devin-du-Village, à votre imagination!

Les photos de l’atelier:



Début octobre 2022: le serpent a grandi de 20 cm à 20 mètres en huit semaines! A vos pinceaux, vos couleurs, vos idées, on va jusqu’où ?



Fin août 2023
Cela fait un moment que je me demandais quoi faire avec ces galets peints un peu décolorés, l’hiver avait passé par là. Tout enlever, les laisser? Le serpent a gardé fidèlement les poèmes de jardin depuis le printemps, puis les poèmes se sont envolés. Et puis un nouveau galet peint a fait son apparition, puis un autre (du coup comme une larme d’émotion dans mes yeux). Et puis un rallye familial a inclus un poste galets peints (quelle belle rencontre dimanche dernier). Et puis la jeune Paula aus Greifswald est venue nous rendre visite. Et puis je l’ai embarquée pour repeindre la tête du serpent, qui avait perdu ses couleurs. Et puis voilà, c’est reparti.

Septembre 2023
Cela se passe comme ça dans le quartier! Une meute de jeunes scout.e.s, louvettes et louveteaux, sont venus déposer leurs galets réalisés pendant leur séance de l’après-midi. Des adorables petites mains les ont soigneusement déposés, dans un bruissement de rires. Des taches de peinture partout, spécialement sur leurs petits nez!

Mars 2024
Ce second hiver du serpent a rendu à nouveau certains cailloux un peu pâlichons, mais ce reptile a une ascendance Phénix avérée. Une fin d’après-midi, en revenant du travail, je découvre de nouveaux galets super jolis, des fleurs, un poing levé. Alors je lui ai remis une tête (quelqu’un avait dû bien aimer celle repeinte par la jeune artiste allemande), et tout repart! On verra bien.




Contact: courrier@virusolidaire.ch
25 juillet 2022 – mis à jour 4 octobre 2022, 6 septembre 2023 et 20 mars 2024
Il s’apelle Jean Batsi et apparaît sur une page dans le troisième volume de la trilogie « Un pape suisse » de Jacques Neyrinck, il vit dans les sous-sols de la gare de Milan, toi tu lis l’histoire et il te fait pas trop rêver ce personnage qui est gris de crasse, qui survit avec les restes de la rue et les fonds de bouteille et qui t’emmène loin de l’univers des premiers romans où tu buvais avec ce qui se révélera être son cousin un bon vin de Fully au soleil couchant sur la terrasse élégante en face des sommets alpins.
Sauf que Jean Batsi, qui sent mauvais et qui a les dents pourries, qui en est arrivé à la rue après un licenciement, un divorce, la fin de droit du chômage, la chute qui ne cesse de chuter et puis la cassure finale, tu te dis que Neyrinck est vraiment fort en matière de réalité, ce clochard donc quand il arrive à avoir son verre de vin, qu’il voit une photo de fille nue bien charnue ou qu’on lui offre miraculeusement un repas, il s’exclame invariablement « la vie est bonne ».
Et là tu le trouves sympa ce Jean, parce que l’auteur évidemment te conduit à le trouver sympa, mais c’est plus que de la sympathie, et tu te dis que son expression elle est pas mal, qu’il a raison, et tu vas te surprendre à la réutiliser. Pas dans le même contexte bien sûr, dans ta vie bien bourgeoise, plus proche de celle du cousin de Fully que du pauvre hère déchu, mais dans cette vie où tu as réalisé que reconnaître les moments de grâce, c’était une des choses les plus importantes, que peut-être c’est là l’essentiel de la vie à ce moment-là de ton existence. Et le « la vie est bonne » de Jean Batsi, il va t’échapper souvent désormais.
Quand tu es dans le train, qu’un rayon de soleil vient chauffer ta joue à travers la vitre, côté lac, la vie est bonne. Quand tu t’assieds sur le banc de la Treille avec ta salade bio et que tu laisses de côté pour quelques minutes le stress du travail, ou même pas le stress, juste les embêtements ou les questions difficiles à résoudre, que tu arrives à les tenir à distance et que tu regardes le marronnier, et que tu te dis qu’il est somptueux, ce marronnier, la vie est bonne. Quand tu t’arrêtes au bord de la route avec ton vélo pour observer la rose trémière qui a poussé entre deux bouts de trottoirs, et qu’elle t’émeut cette fleur, la vie est bonne.
Ces petits moments pleins, tenus loins du Coca zéro, du lait demi-écrémé, de la conversation en trois parallèles de réseaux, de la cent-cinquantième partie de ton cerveau qui rappelle à la cent-quarante neuvième de passer chercher dimanche prochain à 9h le gâteau d’anniversaire à la boulangerie, mais as-tu rappelé cette boulangerie pour confirmer le texte dessus, ces petits moments entiers que tu peux accueillir grâce à ton vide que tu cultives précieusement depuis que tu as commencé à l’apprivoiser, dans un de ces petits moments tu entends l’oiseau chanter que la vie est bonne, et Jean Batsi, quelque part sur un banc, dans un livre, l’écoute aussi et il est bien d’accord avec lui.
Anouk Dunant Gonzenbach
Par Anouk Dunant Gonzenbach
Des pigeons
des faisans
des tourterelles
un coq
trois ânes
quatre chèvres
deux ratons laveurs
un yack
deux moutons steppes et un petit
deux daims
un ocelot
deux lamas
cinq paons
et un éléphant.
L’éléphant, c’est Saphir. La liste, les animaux qui ont été mis aux enchères au zoo de Saint-Jean, le jeudi 21 février 1944. Il y en avait bien plus, au départ, des animaux, quand cinq années plus tôt le zoo a ouvert. Mais s’enchainent fièvre aphteuses, problèmes financiers, la guerre. Beaucoup d’animaux sont morts de faim, plus de viande pour les nourrir, la guerre rationne. Longtemps on a retrouvé leurs os, leurs crânes, leurs dents, à cet endroit du quartier.
C’était entre le Nant Cayla et la campagne Masset, le zoo, une idée d’un certain Henry Larsen, un taxidermiste danois qui travaillait au Museum de Genève. La plupart des animaux ont été donnés, les pélicans par Pelikan, l’éléphant par le directeur originaire du Sri Lanka d’un magasin situé en bas de la rue du Mont-Blanc, la Maison Turco-indienne Saphirs. De la publicité pour sa bijouterie, le don de l’éléphant Saphir. Qui est venu depuis Ceylan par bateau jusqu’à Marseille puis en train jusqu’à Genève.
Le soleil tapait, à l’inauguration du zoo en 1935. Le journaliste de la Gazette de Lausanne qui était là raconte la chaleur sur les huttes rouges aux toits de chaumes, le soleil sur les palmiers tropicaux, les buffles qui cherchent de l’ombre, les sangliers qui errent mollement.
L’éléphant de la liste en-dessus, c’est Saphir. Mis aux enchères à la fin de l’aventure, quand le zoo a fait faillite. Que devient un éléphant mis aux enchères, à Genève. Un éléphant c’est gros, même si celui-ci est petit, mais Saphir a laissé peu de traces. Selon les récits, deux paysans de Chêne-Bougeries l’ont acheté pour huit cent francs, pour économiser de l’essence, deuxième guerre mondiale, un éléphant c’est une bonne idée pour remplacer un tracteur et labourer les champs. Un harnais en cordage a été fabriqué pour lui.
Mais l’animal ne comprend pas le patois, pas l’anglais, pas le français. Impossible de le faire obéir. Selon les récits toujours, ses propriétaires le vendent au cirque Knie. Si on cherche des traces de Saphir, rien. Pas de mention des acquéreurs chênois dans les archives de la vente aux enchères, ni dans celles laissées par le jardin zoologique. Pas d’informations dans la Feuille d’avis officielle, rien dans les vieux journaux. Un éléphant, c’est gros, mais Saphir a laissé peu de traces.
Ce qu’il reste, c’est une maison, aux Eidguenots, construite avec les briques de l’enclos aux éléphants. Les gens venaient se servir des restes des constructions, dans le quartier. Il y en a qui ont récupéré le fumier d’hippopotame pour faire pousser des salades.
De Saphir, plus aucune trace. Peut-être que parfois, il se promène encore là, dans les terres au-dessus du Rhône, au milieu du décor africain dessiné au mauvais moment par un passionné que l’histoire a presque effacé. J’aime imaginer l’éléphant marcher nonchalamment avec à ses côtés, le petit garçon à la mèche en forme de jet d’eau.
Paru dans Quartier libre 126 – printemps-été 2022

Photos: www.leszoosdanslemonde.com
Tu arrives là-haut sur le toit de la Suisse et ton cœur ne fait qu’un tour, tu le savais que c’était si beau mais à chaque fois le cœur ne fait qu’un tour c’est si beau tous ces piz là autour et puis tu penses au glacier là de l’autre côté qui fond tellement et ton cœur fait un tour dans l’autre sens mais c’est si beau jusqu’au Mont-Rose là-bas tu vois et puis tu penses que après tu vas boire un café là tout en haut et que pour entrer dans le restaurant il n’y aura pas besoin de masque et ton coeur repart de nouveau dans l’autre sens, là sur le toit de la Suisse tu ne sais plus très bien quoi penser juste que tu vis que c’est beau que c’est si beau spectaculaire ce blanc tout ce blanc et ces sommets si loin on voit si loin puissant de voir si loin depuis si haut et tu aimes ce lieu cette vallée et tu aimes l’odeur de l’arole et ce matin tu as vu un cratschla devant la fenêtre et ton coeur repart

Anouk Dunant Gonzenbach
18 février 2022
par Anouk Dunant Gonzenbach
La bise frigorifie les rues de la vieille ville, c’était une mauvaise idée de se donner rendez-vous dehors, à la pause de midi, devant le carrousel, et d’arriver en avance. Alors en attendant, c’est peut-être le moment, enfin, d’aller voir le rouet au plafond, celui qui est dans tous les guides de la Genève insolite. Contourner les sobres murs de pierre, pousser la porte.
Il y a de la lumière, rentrer, d’un coup on est à l’abri. Sur la gauche, un bar à thé et à café, une crouzille. Et des madeleines, faites maison précise la dame. Des madeleines et une dame, juste comme ça, pour la gourmandise et quelques mots, mais si on le veut seulement. Sur la droite, une grande table, des chaises, à dispo, un peu plus loin trois fauteuils aux couleurs vives. Cosy. On peut se poser là, et pique-niquer. Sans rien expliquer.
Un rouet au plafond. C’est joli, l’histoire voudrait qu’une fileuse soit à l’origine de ce bâtiment, qu’elle aurait légué à sa mort le fruit de son travail de la laine pour le construire, mais non. En vrai, ce ne serait pas le rouet de la fileuse, mais les armoiries de la famille de Rolle, qui au milieu du 15e siècle a relevé les voûtes de la nef. De la nef, parce qu’on est là dans la plus vieille église de Genève. De son clocher sonne chaque heure la plus vieille cloche de la cité, le Grillet, qui nous vient de 1420. La plus vieille église de Genève, devenue l’un des premiers temple, à la Réforme. Le temple de la Madeleine.
Derrière cette porte qui s’est ouverte, un coup de cœur. Calme, lumière et accueil. Des madeleines, des chaises et une table, s’y asseoir, avec son sandwich et ses collègues. Tous les jours sauf lundi entre midi et 17h. L’accueil, mais pas besoin d’adhérer, d’être d’accord ou je ne sais. Juste être là. C’est un peu cela dont nous avons besoin, là où on en est, aujourd’hui. Au cœur des rues couleur bleu foncé du Monopoly, la simplicité.
Publié dans le GHI, rubrique Point de vue, 3 mars 2022.
Photo: Romano1246_Wikimedia commons
Ou « La Chandeleur, c’est quoi déjà? »
par Anouk Dunant Gonzenbach
Ich habe genug. Les notes de la cantate de Jean-Sébastien Bach se déversent dans la cuisine depuis la stéréo du salon, remplissent l’air. Sur ces notes, les mots du vieux Siméon, il y a longtemps. On n’est alors plus dans cette cuisine à préparer de la pâte à crêpes pour la Chandeleur, on est à Jérusalem il y a deux mille ans.
« Puis quand vint le jour où, suivant la loi de Moïse, ils devaient être purifiés, ils amenèrent Jésus à Jérusalem pour le présenter au Seigneur –ainsi qu’il est écrit dans la loi du Seigneur : tout garçon premier né sera consacré au Seigneur- et pour offrir en sacrifice, suivant ce qui est dit dans la loi du Seigneur, un couple de tourterelles ou deux petits pigeons. »
On est à Jérusalem il y a deux mille ans. Là, Siméon. Il a cent douze ans, Siméon, homme juste et croyant qui attend la mort. Il lui avait été révélé qu’il ne la verrait pas avant d’avoir rencontré le Christ.
Ce jour-là, poussé par l’Esprit, il se rend au temple, où Marie et Joseph lui amènent Jésus. Le très vieil homme prend alors le bébé dans ses bras puis s’adresse à Dieu, « maintenant, Maître, c’est en paix comme tu l’as dit que tu renvoies ton serviteur, car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé face à tous les peuples ».
Ce récit, c’est celui de la Présentation de Jésus au temple, raconté par Luc dans son chapitre deux (2-32). Elle a lieu le 2 février, quarante jours après Noël, car les enfants devaient être présentés à Dieu quarante jours après leur naissance. C’est devenu la Chandeleur, célébrée semble-t-il sous sa forme chrétienne en Occident depuis 472, mais cette fête vient aussi de la nuit des temps, la fête païenne des lupercales en l’honneur des loups ou encore la fête de la fin de l’hibernation de l’ours. L’ours qui sortait de sa tanière ce jour-là pour voir si le temps était clément.
Quarante jours après Noël donc, Marie, Joseph et l’enfant se rendent au temple, où Siméon reçoit Jésus dans ses bras, le bénit et prononce ces belles paroles, « Maintenant, Souverain maître, tu peux laisser ton serviteur aller en paix, car mes yeux ont vu ton salut ».
Je suis comblé, dit Siméon. Ich habe genug. Jean-Sebastien Bach écrit cette cantate en 1727 le quatrième dimanche de l’épiphanie, qui tombe cette année-là un 2 février. Ich habe genug exprime Siméon, qui a vu Jésus et qui peut désormais mourir dans la joie. Siméon est serein. Schlummert ein, le deuxième aria, l’aria du sommeil, est comme une berceuse accompagnant le mourant. Endormez-vous, yeux fatigués. Pour Siméon, la fin de vie est paisible, le désordre est une chose du passé.
Siméon est arrivé à bon port. La cantate se termine, la cuisine devient paisible le temps d’un instant. Il ne reste plus qu’à confectionner les crêpes, qui rappellent peut-être le disque solaire, évoquant le retour du printemps. Ou peut-être aussi les doit-on à un ancien pape qui en faisait distribuer aux pèlerins qui arrivaient à Rome. Ou alors, c’est une réminiscence des gâteaux de blé offerts en offrande par les Vestale lors des Lupercales pour que la récolte suivante soit bonne.
C’est la Chandeleur. Mot qui dérive de chandelles, cierges bénits portés par les fidèles lors des processions. Depuis, on dit que toutes les bougies de la maison devraient être allumées à cette date. La Chandeleur, fête de la Présentation de Jésus au temple et de la lumière car l’hiver touche à sa fin. L’ours sent le printemps au bout de son museau. Profitons-en pour faire rayonner autour de nous la lumière des bougies et du soleil renaissant, en s’imprégnant des paroles du vieil homme, Ich habe genug, Siméon qui savait où était son port.

Pour en savoir plus:
François Walter, Hiver, histoire d’une saison, Paris, 2014.
Ce texte est extrait de la page: La Chandeleur, c’est quoi déjà, publiée par l’équipe Sans le Seuil.
Cette année, le sapin élargit les horizons. Partages de Noël
Par Anouk Dunant Gonzenbach
Depuis plusieurs années, le sapin à pommes à poèmes et à roulettes déambule dans les rues de Genève la semaine précédant Noël. Cette année, le cercle des mots s’élargit au-delà des poètes du cru, parce que l’esprit de notre ville est multiculturel.
Et que l’esprit de Noël, pour moi, c’est créer des liens. Des liens avec les personnes qui écrivent mais aussi avec les personnes qui s’arrêtent devant le sapin pour lire les textes. Des liens brefs mais authentiques. Quelques phrases, des sourires, et une compréhension immédiate de l’instant qui se vit.
Cette année donc, le cercle des mots s’élargit. J’ai contacté la merveilleuse Sophie Frezza qui travaille à l’Université Ouvrière de Genève, et ai découvert les activités de cette institution. Lors de trois cours de français et d’alphabétisation, qui réunissent des personnes de tous horizons, des mots de Noël et de l’hiver ont été appris, dits, écrits. Et sont accrochés aux branches du sapin aux côtés de textes et poèmes d’auteur.e.s du coin. Peut-être que ces mots, comme des bougies, vont contribuer à éclairer les nuits de décembre.
Tous les textes et poèmes sont disponibles ici.
Itinéraire du sapin
- Dimanche 19 décembre à 16h devant la Maison de Quartier de Saint-Jean: lecture de textes et thé, tout le monde est invité en toute simplicité!
- Mardi 21 décembre: place du Bourg-de-Four
- Mercredi 22 décembre: devant la bibliothèque de Saint-Jean
- Jeudi 23 décembre: le matin sur la place de la Fusterie; l’après-midi devant la libraire du Rameau d’Or
- Vendredi 24 décembre: devant la Coop de Saint-Jean
Si vous le souhaitez, vous pouvez participer en m’envoyant un texte ou poème de votre composition, jusqu’au 10 décembre prochain (maximum une demi-page) à l’adresse courrier@virusolidaire.ch. Ce texte sera imprimé et suspendu au sapin, qui sera chaque jour de la semaine précédant Noël présent à un endroit différent de la ville.

Une rencontre a eu lieu devant l’UOG avec les participant.es:

Photo: Laurent Guiraud

Lecture des textes et partages autour d’un thé, 19 décembre 2021:



Article de Thierry Mertenat dans la Tribune de Genève du 18 décembre 2022:
La coursière de Noël sillonne la ville avec son sapin.
Pourquoi un sapin à pommes à poèmes et à roulettes ?
Pour le Noël 2014 est née l’idée du sapin à pommes mobile, à l’origine dans le cadre des événements de Noël organisés par l’aumônerie de l’Université de Genève. Le sapin a accompagné ces Noëls pendant cinq années en roulant dans la cité, distribuant des pommes aux passants et aux étudiants.
Il a provoqué de beaux échanges, des dialogues surréalistes, des interpellations amusées, un intérêt sincère. Sa simplicité a désarmé. On ne s’y attendait pas du tout. Nous avons découvert qu’offrir une pomme et un sourire, souvent, c’est juste ça, l’esprit de Noël.
En 2019, le sapin a ajouté des poèmes sur ses branches. Un dimanche après-midi de décembre, nous nous sommes réunies, un bouquet de femmes, autour d’une table de la Treille dans le cadre d’un laboratoire d’écriture pour une lecture de textes; ces textes ont ensuite été suspendus au sapin avec des rubans. Ce sapin à pommes à poésie à roulettes a circulé dans les rues de la ville, de la poésie a ainsi été offerte aux passants pendant toute la semaine précédant Noël.
En 2020, il n’était pas possible de se réunir. Sur ce blog est alors né le projet du calendrier de l’Avent en poésie: un texte ou poème par jour, sur le thème du sapin, de la pomme, de l’étoile, de l’hiver ou de Noël, ou même de n’importe quoi, mais illuminé par une lumière positive, écrit par des autrices et auteurs différents. Suite à un appel a texte, un texte a été publié chaque jour sur le blog, comme une porte de calendrier à ouvrir. Puis chaque texte et poème a été imprimé et suspendu à un sapin à pommes ambulant tiré par un vélo qui a circulé dans les rues de Genève avant Noël.
Pourquoi des pommes sur le sapin ? petit retour historique
Simplicité. Qui vient de loin, on n’a rien inventé. Voici un bref résumé, tiré du livre de mon ancien prof de l’Uni François Walter et d’Alain Cabantous. Dès la fin du Moyen Age, on met des végétaux aux fenêtres de maisons au milieu de l’hiver, mais cela n’a encore rien à voir avec Noël, on se protège comme cela des mauvais esprits, des sorcières et des démons. Puis on commence à disposer des arbres dans l’espace public et le sapin est choisi, le seul qui est vert en hiver, symbole de vie, et c’est plus joli d’avoir du vert qu’un tronc tout nu.
On est alors en 1521 à Sélestat en Alsace, où les archives gardent la trace d’un sapin coupé qui sert de décoration. Le sapin devient associé à la fête de Noël et entre ensuite gentiment dans les maisons, et quand il n’y a pas de place, il est suspendu au plafond.
Dès le début, le sapin est décoré avec des belles pommes rouges (qui rappellent aussi l’arbre de la faute d’Adam et Eve), des noix et des fleurs en papier. Le 18ème siècle voit un grand essor du sapin de Noël, le 19ème siècle est celui de l’apparition des bougies. Les pommes sont encore là, parfois dorées, avec des sucreries.
Le sapin de Noël se répand en Europe du nord, et une romancière anglaise raconte qu’en 1836 on vend à Vienne des sapins déjà ornés d’une pomme, d’un fruit sec ou d’un pain d’épices. Selon la légende, l’année 1860 subit une mauvaise récolte de pommes. Les artisans verriers inventent alors des boules en verre soufflé pour les remplacer. A la fin du 19ème siècle, les boules et les santons sont fabriqués en série et dès 1950 les décorations de Noël s’industrialisent et deviennent plus uniformes.
Alors les pommes sur un sapin, c’est un peu un retour aux sources, mais surtout c’est simple et comme c’est beau.
Référence : Alain Cabantous, François Walter, Noël. Une si longue histoire…, Editions Payot & Rivages, Paris, 2016.
25 novembre 2021
Accrochés aux branches du sapin à pommes et à roulettes, les mots d’ici et d’ailleurs sont également réunis sur cette page
*
Viens ! Viens ! Reviens !
me dit Noël
Ne passe pas comme ça Ne pars pas sans moi
Défais ton poing Déplie le chemin
Découvre le ciel au tendre de ta main
Ligne de cœur Ligne de vie
Relie les points des nuits au matin
Laisse l’obscur Pétris le vent et la pluie
Le nom de l’autre Et le tien
Mon regard À ton souffle
Passe la porte des parfums
Les pétales d’hiver L’églantier des ravins
Pose tes lèvres Au frisson de ma joie
Noël est là
Ne passe pas comme ça
Viens !
Françoise Favre-Prinet
*
Pour moi, Noël c’est la famille.
Chaque année, je célèbre Noël avec ma famille en Albanie. J’ai une grande famille, et chaque Noël nous dinons ensemble.
Nous préparons le diner, les enfants préparent le sapin de Noël, les cadeaux l’un pour l’autre, nous buvons du vin.
Le matin de Noël, nous allons à l’Eglise allumer une bougie et prier pour les autres tous ensemble.
Pour Noël, je voudrais ma famille, parce que c’est la première fois que je fêterai Noël seule.
Sibora
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Pour Noël, je voudrais
Préparer les gâteaux. J’organise une fête dans ma maison, j’invite les voisins et mes amis. J’achète du Coca, le vin, les biscuits et les chocolats. Ensuite, je donne les petits cadeaux. Je vais à l’Eglise. Je fais des décorations chez moi. Je mange beaucoup de gâteaux.
J’aimerais célébrer ce joyeux Noël avec ma famille au Sri Lanka. Parce que je ne fête pas un joyeux Noël à cause de la guerre.
Mais en Suisse, tout le monde fête Noël avec sa famille et est content.
Mais pas moi. Je n’ai personne.
Raghupathi
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Magie de Noël
Le sapin en carton peint a remplacé l’arbre
Economie des ressources, réemploi, upcycling,
Des gommettes de couleur supplantent les boules brillantes
De la ficelle de chanvre en guise de guirlandes
Question de génération.
Autour de la table, pas grand-chose n’a changé
Un ou deux absents, et peut-être une nouvelle tête
Moins de viande qu’à l’époque de Grand-maman,
De la vraie vaisselle et pas du jetable,
Mais l’essentiel reste intact :
Des sourires, des rires et des réjouissances,
Un temps pour faire le point,
Se retrouver, vibrer ensemble,
Faire s’entrechoquer les verres,
Oublier tout, le quotidien et ses aléas,
Les infos du JT et l’agenda plein.
N’être plus que dans l’amour, le partage, la joie
Magie de Noël
Stéphanie de Roguin,
*
Pour Noël, je voudrais
Aller sur une montagne neigeuse et rester dans un chalet. Je voudrais regarder un film de Noël en même temps que je mange, tout cela le 24 décembre. Pour le 25 décembre, j’aimerais me réveiller et regarder la neige par la fenêtre, respirer et descendre au salon pour prendre mon petit-déjeuner à côté de la cheminée.
Bref, rester toute la journée à la maison pour faire des gâteaux, regarder un film, écrire et lire.
Et la réalité, c’est que je vais passer Noël avec ma mère et ma sœur. Tous les trois nous serons à la maison avec nos deux chats. Nous mangerons du poulet au four et un peu de porc.
Le 25 décembre, je donne des petits cadeaux artisanaux aux personnes proches de moi, et mange le Pandoro.
Fernando
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Je n’aime pas Noël. Je suis très loin de ma famille.
C’est mon premier Noël sans mes parents, mon frère, mon copain et mon petit chien Timba. C’est aussi mon anniversaire.
Noël, c’est la fête de la famille. J’ai une cousine qui a deux ans, elle adore les cadeaux, faire les décorations avec ses parents.
Au Portugal, nous mangeons le bacalao avec des pommes de terre et du chou. Nous faisons les desserts, le gâteau des Rois, les coscorões (ou ailes d’ange, douceurs traditionnelles portugaises typiques de Noël).
Je préfère le réveillon de Nouvel An, c’est une fête plus amusante.
Cristina
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
L’as-tu vu dans le firmament ?
l’étoile qui brille
plus que toutes les autres
L’as-tu vu ?
cette étoile qui met en marche
sur le chemin de l’Avent
L’as-tu vu ?
cette étoile porteuse
d’une Bonne Nouvelle
L’as-tu vu ?
cet astre qui annonce
une naissance à venir
Lève tes yeux
Lève ton âme
L’étoile vient aussi
éclore en ton cœur
Sa lumière traçant le chemin
jusqu’à l’étable
Lieu secret et pauvre
où tu es invité à accueillir
encore et toujours
le petit enfant
Renaud Rindlisbacher
*
Pour Noël je voudrais voir ma famille.
Ma mère, ma sœur, mon frère et mes enfants. J’espère que je serai ce Noël avec ma famille. Ma famille habite en Bosnie-Herzégovine.
Pour Noël, j’ai envie de faire quelque chose pour que tout le monde soit sans maladie. Avec la situation actuelle avec le Covid, tout le monde est triste.
Noël est pour moi une fête que je n’oublie pas, comme une petite fille. Je recevais des cadeaux, toute ma famille était ensemble. Ma mère préparait les repas et les gâteaux. Ma sœur, mon frère et moi on attendait notre cadeau. Je n’oublie pas les visages, les sourires, ma famille.
Maintenant, j’ai des enfants. Je prépare une suprise pour mes enfants.
Maya
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
La vie ouverte devant moi
Ordonne la fougue la joie
Des courants d’air
Un envol
Dans l’ombre ou la lumière
Vivre comme on danse !
Gabriella Baggiolini
*
Pour Noël, je voudrais
Fêter avec ma famille et les amis. Je donne les cadeaux à ma famille, je vois ma belle-mère et mon beau-père, je vois beaucoup de gens de ma famille.
Je suis très content à Noël. Je reçois des cadeaux aussi. Je voudrais une grande fête de Noël comme chez moi en Gambie.
En Gambie, il y a une grande fête dans toute la ville de Noël à Nouvel An. Il y a des tam-tams dans la rue. Tout le monde, Chrétiens et Musulmans, fêtent ensemble.
Jullaba
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Pain
Hors mouvement, ce matin,
J’attends demain
Ce lieu où tout se mettrait en place,
Et si j’ai de la chance
Je pourrais y apprendre le mot Dieu,
Plus rond et plus doux
Que n’importe quel autre mot
La vie serait alors plus qu’une succession des désirs
Qui m’animent
Plus que des heures à garnir
Je pourrais arrêter de m’inquiéter
À quatre heures du matin
En comptant mes excuses
De n’appartenir
À personne en particulier
À aucune nation en particulier
N’avoir aucun avis en particulier
Pour beaucoup de sujets
Ne dire à personne que je préfère
Lire la poésie que d’en parler
J’y pourrais aussi bien apprendre à rire
Je veux dire le vrai rire
Qui ferait une bulle autour de ma tête
Assez grande pour m’élever en dessus du sol
Oublier la gravité des horloges et des discours
J’arrêterais de m’accrocher à des mots
Que l’on n’a jamais dits
Mais lesquels j’ai souhaité entendre
Je pourrais cesser de me gronder
D’être si naïve dans un monde où
Les autres semblent mieux équipés pour vivre et mentir
Le drame rempli d’attentes et d’actualités
De bons sentiments et de mauvaises adresses
Je pourrais apprendre à méditer pour de vrai
Correctement inspirer et expirer
Faire ma remise en forme,
Payer mes factures avec joie,
Nouer patiemment les lacets de mes chaussures
Faire le pain,
Comme ma mère le faisait,
Oui, ça ira:
Je vais pétrir du pain avec presque rien
Quelques onces de farine
De l’eau et du sel,
Mettre ma vie entière dans cette pâte.
L’observer devenir un pain croustillant et savoureux.
Mladenka Perroton-Brekalo
*
Pour moi, Noël c’est
Une fête principale. Il y a deux fêtes qui sont principales : Noël et Pâques. Je viens d’Ukraine. En Ukraine, Noël se fête après la Nouvelle Année, le 6 janvier, c’est parce qu’on est orthodoxes. J’aime beaucoup la fête de la Nouvelle Année et Noël.
C’est le temps pour la joie, pour l’amour et pour passer du temps avec la famille. On installe le sapin de Noël le jour de la Saint-Nicolas, le 19 décembre. Le jour de la Saint-Nicolas, les enfants reçoivent des bonbons. Toute la famille reçoit les cadeaux à la fête de Nouvel An, on mange beaucoup et on sort dans un club ou au restaurant avec les amis. Finalement, à Noël la famille se réunit sans les amis, on va à l’Eglise. En Suisse, je vais célébrer un peu différemment, mais je ne connais pas encore les détails.
Dimitri
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Avant – Avent
Avant – Maintenant – Après
Le temps passe inéluctablement
Avant j’étais jeune, plein d’entrain et de projets
Maintenant j’ai pris de l’âge, les forces diminuent et je dois faire avec mes limites
Après, ce sera le moment de l’adieu
Avent
Une attente et une promesse, une aventure qui me met en marche avec les bergers et les mages
Une invitation à entendre et mettre en pratique l’appel des anges
pour faire advenir la paix, là où il y a guerres et conflits
pour annoncer toujours et sans cesse l’offre du pardon, là où il y a l’offense
mais aussi d’une justice qui dit la nécessité de reconnaître le mal commis et le mal subi
de réparer et de renoncer aux violences qui attentent à la dignité des victimes et des bourreaux
pour vivre la restauration de l’humain en chacun de nous.
Avec l’Avent, il n’y a pas d’avant nostalgique, ni de maintenant fugace, ni d’après inquiétant
Juste un Aujourd’hui pour être regardé et aimé,
Lorsqu’advient la frêle lumière de Noël, l’obscurité ne peut plus menacer ma vie ni celle du monde.
car sa lueur se reflète avec tendresse sur mon visage et celui des autres,
pour mettre en évidence la richesse de nos similitudes et de nos différences
Maurice Gardiol
*
Pour Noël, je voudrais
A partir de cette année 2021, qu’il n’y ait plus de Covid, je prie d’abord pour ça.
Ce que j’aime le plus à Noël, c’est donner et recevoir les cadeaux, la réunion des familles et des amis. Pour moi, c’est magnifique.
Quand je regarde l’arbre de Noël avec des guirlandes, mon cœur est en paix.
Et puis nous mangeons bien, on discute, on parle, et en Suisse on regarde à la télé un programme spécial de Noël. Cette année, je célébrerai avec mon copain. Normalement, je célèbre Noël en Indonésie.
Desy
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Pour moi, Noël c’est…
Je suis musulmane et je ne fête pas Noël.
Je fête le Ramadan.
Vilajete
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Haïku de Noël avec des petites étoiles
La neige enjolive
Même les rues les plus laides
Avant qu’elle ne fonde
*
Le ciel gris marteau
Qui tape fort sur le moral
Ils viennent les cadeaux ?
*
La chance même l’hiver
Le givre craque sous mes pas
J’ai un beau jardin
*
Ne pas oublier
Le cadeau c’est déjà que
j’ai une maison moi
*
Les trous bleus
On n’en fait pas toute une histoire
Des trous bleus dans le ciel noir
***
Jean-Luc Fornelli
*
Pour moi, Noël
C’est l’anniversaire d’un bébé né différent, un bébé dont tous les Chrétiens fêtent la naissance. C’est une réunion de famille, de amis, de tout le monde. C’est la saison où je donne des cadeaux, la saison où chanter avec joie.
Je souhaite à tout le monde une bonne santé et un joyeux anniversaire. Je souhaite visiter des orphelins.
Adeola
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Vivant
Chaque réponse
Apporte tant de questions
L’inaccompli grandit, sans issue
Mais Toi
Tu es accomplissement
De tout inaccompli
Et Toi
Tu es achèvement
De tout inachevé
En Toi
Est commencement
De tout élan
Toi seul
Tu es résurrection
De tout vivant
Frédy Thévoz
*
Pour moi, Noël c’est…
Une fête vraiment joyeuse. C’est la saison pour célébrer avec ma famille et mes amis. Avant le 24 décembre, ma famille et moi décorons la maison avec le sapin de Noël, les étoiles de Noël, les pommes et la lumière de Noël. On est contents.
Je te souhaite joyeux Noël, bonne santé, prospérité et longue vie pour célébrer Noël prochain en 2022.
Helen
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Noël à pommes, à poèmes et à roulettes
Voilà donc un joli clin d’œil malicieux pour véhiculer Noël dans les rues de Genève
Voilà donc une interpellation gaie et pleine de chaleur dans le froid de l’hiver
Voilà enfin une invitation à la pause dans la course folle de fin d’année
… et le questionnement sur le sens des lumières si belles, de la foule empressée
Qu’est devenu le Noël de l’enfance, la crèche, la famille, le sapin, la chaleur du feu ?
Ou sont les chants, les bougies, le thé à la cannelle, la neige, les joues rouges, les moufles trempés ?
Et les pères Noël fantoches ? les fausses barbes ? les poèmes ? les bricolages ? les surprises ?
… grandir, c’est se souvenir, véhiculer l’émotion, partager ses Noëls, donner en retour
Offrir son cœur, ses mots, faire plaisir, se soucier de l’indigent dans la course à la dépense,
Ouvrir grand sa porte, prendre le temps … pour celui qui traverse le deuil, la perte d’emploi,
La précarité, le divorce, la maladie, … car Noël, c’est Jésus, c’est l’Amour avec un grand A
… et les pommes et les poèmes sur le sapin, c’est un sourire malicieux, un morceau d’Amour
Pour les papilles et pour le cœur, pour la pause et l’échange, pour re-sentir Noël
Au fond des souvenirs et au fond des cœurs !
Mille mercis au sapin à roulettes et Joyeux Noël !
Valérie Chausse
*
Pour moi, Noël c’est…
Préparer pour Jésus son anniversaire, la décoration, l’esprit de Noël.
Le Père Noël va donner des cadeaux pour les enfants, les Chrétiens vont à l’Eglise.
Je suis triste pour la fête de Noël à Genève parce que ma famille est aux Philippines.
Je te souhaite Joyeux Noël et bonne année.
Filomena
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Traces
J’ai effeuillé une marguerite
J’ai mis les pétales arrachés
dans une enveloppe
que j’ai glissée dans la boîte aux lettres
en oubliant de la signer
Le chemin s’éloignait
Je le suivais pourtant
Je m’approchais de son temps
Ma montre s’est arrêtée
Mes pas
Se mettaient dans ses pas
Je voulais suivre son espace
La trace de son passage
Je voulais rencontrer sa force
Partager son instant
J’ai écrit une lettre
Pour lui
J’ai ajouté des particules de lumière
Des poussières d’étoiles
J’ai fermé l’enveloppe
J’ai embrassé les plis
Caressé l’adresse
Et je l’ai déposée devant sa porte
La neige a conservé les traces
Que j’avais perdues
Huguette Junod
*
Pour moi, Noël c’est…
Un temps de fête où les émotions de tout le monde sont très intenses.
Je souhaite pour tout le monde : tolérance, patience, sagesse et beaucoup de santé et de prospérité. Que tous vos rêves deviennent réalité.
Elena
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Noël
C’est un moment spécial et symbolique de chaque année, un moment de réflexion profonde, un moment pour donner de l’amour infini et pour laisser échapper un sourire contagieux quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons. C’est être prêt à donner et à recevoir et à contribuer à l’évolution positive de toute personne.
Ambrosio
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Pour moi, Noël c’est…
Très intéressant, parce que tout le monde célèbre des Noëls. J’aime beaucoup célébrer avec ma famille et mes amis. J’aime les enfants joyeux sous le sapin, et échanger des cadeaux.
Je souhaite avoir toujours une bonne santé, trouver un travail fixe et un studio ici à Genève. Je vous souhaite d’être toujours en bonne santé.
Mila
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Pour moi, Noël c’est…
Une fête pour partager en famille ce moment de joie.
Je te souhaite une bonne fête de Noël avec ta famille, que tu jouisses du temps que tu passes avec eux et de manger beaucoup de bonbons !
Bryan
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Poème de l’avent
Voici revenu le joyeux temps de l’avent
Les lumières se rallument une à une
Lune après lune le poète prend son temps
Ses pas de chats scintillent de dune en dune
La nuit bleue fume traçant des chants
La caravane se balance lentement
Sa noble traine d’ombres emporte un lac d’images
Gaspard, Melchior et Balthazar les trois rois mages
Ils progressent vers l’orient
Chargés de myrte et d’encens
Mille présents en offrande
Pour l’enfant roi attendent
Le poète les suit
Au bivouac du soir
Sort un luth d’ivoire
Pour l’étoile qui luit
Près du poêle
Aux histoires
D’espoir
Une souris
Sourit
sourit sourit tout doucement d’un sourire qui grandit et devient éclatant !
Dominique Vallée
*
Pour moi, Noël c’est…
Une belle fête. Je prépare Noël avec ma famille, je prépare des plats Thaï, un gâteau et trois bouteilles de vin. Mon mari prépare le sapin de Noël et des cadeaux pour les enfants.
Je te souhaite Joyeux Noël et bonne année.
Merci beaucoup.
Botan
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Entre, fatigue, repose-toi
Entre, fatigue, repose-toi. Cette année fut éprouvante. Tu entames décembre sans ton air jovial et triomphant adopté de coutume, quand les repas d’entreprise, ceux des familles, te mobilisent entièrement; quand les courses aux cadeaux, l’écriture des cartes de voeux, les négociations de plans de table s’appuient sur toi. Que reste-t-il de tes habitudes, ma bonne fatigue? Je te regarde dans le miroir. Je ne te reconnais pas.
Tu as mauvaise mine ma compagne anonyme. Que peut-on faire pour toi, qu’attends-tu de nous, que doit-on penser de tout ça ? Plus lasse que d’habitude, tu ressasses, ânonnes, presque sans voix. L’année n’en finit pas. Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Et toi qui dors dehors dans le froid.
Entre fatigue, repose-toi. Je t’ai gardé un petit tabouret près de moi. Personne ne te juge ici, personne n’exige quoi que ce soit. Dépose ta peine. Réchauffe-toi. Exprime-toi, comme il te plaira.
La colère a pris tellement de place! Elle a tout retourné, sous différents tons, dans toutes les familles. Éternelle insatisfaite, elle a tout ravagé avant toi. Orpheline intranquille, fille de la peur et de la perte, elle a retourné bien des têtes. Porte-parole indignée: tellement de blessures et de plaies dans ses conférences de presse : de reprises ATS en redites RTS pour finir en PLS.
Quand je te croise, je me trompe de nom. Je t’appelle résignation ou abandon. Tu te fais discrète, muette. Tu ne réponds plus au téléphone, te désabonnes, te fais porter pâle ou malade, ou pire: en télétravail. J’oublie que tu es là. Je ne vais plus à ta porte, ne me demande plus comment tu vas. Tu arrives à te faire oublier, un temps. Tu fais comme si, tu penses tout comme, puis tu reviens.
Tu es fatiguée ma bonne fatigue? – Moi aussi.
Entre, dépose ta charge, tu nous donneras du repos.
Sylvain Thévoz
*
Noël pour moi
C’est donner de l’amour.
C’est un temps spécial pour mes petits-enfants.
Je suis un peu triste, parce que mes parents sont décédés.
Je te souhaite Joyeux Noël et bonne année.
Concepcion
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
*
Acheter ?
Non, non et non !
Je suis convaincue de la nécessité de stopper –au moins partiellement – la fièvre consommatoire et effrénée liée aux fêtes de Noël, hélas si loin de la douce modestie de la Nativité.
Les vitrines brillent, étincellent même, bourrées de camelotes trompeuse, ou de gadgets soignés, inutiles, inaccessibles car trop chers.
Donc , je vais chercher au fond de ma cave un carton doré où dorment des santons de Provence, des chameaux miniatures, des cheveux d’ ange argentés , des étoiles en papier de soie, et garnir le guéridon du salon.Toute la joie de Noël !
Réfléchir
Le monde vacille , est-ce seulement une manière de ressentir les effets de la pandémie qui sévit depuis deux ans, ou une réalité qui va peu à peu nous pénaliser gravement, nous obliger à vivre autrement ?
Nous savons que des millions – des milliards peut – être – de gens tremblent, grelottent, luttent pour leur dignité partout sur la planète, et cela même à la porte de notre Europe riche, mais plus du tout débonnaire et guère accueillante. Quand ouvrirons – nous nos seuils pour commencer à partager ?
Rire et sourire
Rire, c’est communiquer ! Quand un bébé rit la première fois, c’est pour exprimer son bonheur d’être entouré par ceux / celles qui l’aiment, lui susurrent des mots doux, le câlinent. C’est un besoin irrépressible, délicieux, mais qui nécessite un confort affectif, voire social.
Quoi de plus nécessaire, en ce temps de Noël, que de pouvoir rire ensemble. Voilà ce qui serait mon vœu le plus cher : que les réfugié-e-s, les sans –papiers, les précaires, les malades, les isolé-e-s aient l’occasion inopinée de pouvoir rire de bon cœur. En attendant ( le cœur un peu serré) je souris en pensant à la fête qui s’annonce, au gai sapin scintillant qui m’attend le 24 décembre.
Ecouter
En décembre, au hasard des passages en ville, on se laisse happer par le son nostalgique des mélodies de Noël traditionnelles. Quel plaisir d’entendre « L’enfant au tambour « rythmé par ses « ram, pam, pam, pam « ou les « Anges dans nos campagnes « !
Evocation de temps anciens, plus calmes, où la sérénité, la bienveillance étaient de mise. J’écoute ces chants avec bonheur, je les fredonne sur le chemin du retour, je vais brancher mes CD et m’immerger dans cette douce musique.
Paix, solidarité, accueil et tolérance, voici des cadeaux de Noël à donner et recevoir…
Annette Zimmermann
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Noël, pour moi,
C’est une fête spéciale. Une fête que tout le monde fait, une fête où tout le monde partage de l’amour.
Je te souhaite Joyeux Noël et bonne année.
Norma
Cours de français, Université ouvrière de Genève-UOG
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Une étoile au ciel, et sur terre ?
Elle brille haut dans le ciel, enfin au moins une fois par année on s’en souvient, grâce à elle les cadeaux sont arrivés à bon port même si au fond il n’y avait pas besoin de myrrhe, d’or et d’encens, elle est dans toutes les images de Noël, tous les contes, toutes les histoires, tous les poèmes. Elle est une boussole, un repère, la Source, signe éternel de ce qui nous transcende. Une étoile au ciel, et sur terre ? Drôle de question. Ici, et maintenant – Faut-il chercher, et où faudrait-il en chercher un reflet, un trace, un signe tangible ?
Faudrait-il chercher l’étoile au loin, contrées poivrées aux cueilleurs de thé bidonvillés exploités, au pôle nord qui fond, dans les camps de déplacés, dans le canon d’un fusil vendu par la Suisse à un enfant-soldat de dix ans à l’extrémité d’un autre continent, sur l’Aquarius, dans un complexe de vacances grec remplis d’allemands, dans le sixième ascenseur au fond à gauche d’un paquebot de croisière, dans les mines de cobalt ou les fabriques de pièces d’I-phone ?
Faudrait-il chercher l’étoile juste à côté de chez soi, le long d’un trottoir, devant la poste ou même dedans, sous les rayons à la Migros, au cœur de la tulipe urbaine, entre la piste cyclable et le 4×4, derrière l’école ? A la bibliothèque, chez la voisine, au bar du coin, à la maison de quartier, au théâtre de marionnettes, dans l’atelier de l’artiste, chez le cordonnier ?
Est-elle hors d’atteinte, cette étoile de sur terre ?
Faudrait-il chercher l’étoile seul, sur le chemin de Compostelle, sur les sentiers de la gloire, sur Hollywood Boulevard, à genoux dans une chapelle, au bout d’un jeûne de quarante jours, au désert, en quittant tout, à la fin d’un Ultra-triathlon, par une nomination, sur la scène de l’Olympia, être le dernier sur l’île dans Fortnite, derrière un placard, dans une barque sur le lac, au plus profond de son vide le plus intime ?
Hors d’atteinte, cette étoile de sur terre ? Même avec une épuisette, un filet, une canne à pêche ? Ou juste tendre la main.
L’étoile est sur le chemin de l’école de la fille de la cueilleuse de thé, l’étoile est dans le regard échangé avec la caissière de la Coop qui est n’est pas encore robotisée, l’étoile est bien dans la tulipe urbaine, l’étoile est dans une bière partagée sous un tilleul, l’étoile est Charlie, l’étoile est une pomme accrochée à un sapin, l’étoile est dans un mot repêché, l’étoile est dans les interstices, l’étoile est entre la virgule et le mot, l’étoile est comme le paradis dispersée sur terre en morceaux et c’est au poète de les rassembler, l’étoile est dans les éclats de lumière que sont les moments de grâce, l’étoile, boussole au ciel, oui est bien aussi sur terre selon la direction de chacun, sextant d’espérance, sinon tout cela ne sert à rien, et je crois que tout cela sert, au moins un peu, au moins plus qu’un peu.
Anouk Dunant Gonzenbach
*
Noël 2021
Par Anouk Dunant Gonzenbach
Ma charrette de vélo, c’est toute une histoire. J’en désirais une ancienne, avec du vécu, un look un peu d’avant. J’ai cherché, et toute cette histoire est devenue une très belle histoire.Ma charrette de vélo, elle m’a été transmise par le boulanger des Délices, celui qui faisait le meilleur pain loin à la ronde, des pains au chocolat à se damner et des sandwiches au thon à se relever la nuit. Son épouse tenait la boulangerie, que d’échanges nous avons eus.
Le boulanger, il allait chercher sa farine en vélo, mais un jour il n’a plus pu remonter le Pont Sous-Terre. Alors il n’a plus utilisé sa charrette.Il me l’a transmise, me disant qu’il était heureux qu’elle continue à sillonner les rues du quartier.
Depuis, elle m’accompagne aux commis, au marché aux plantons, aux sacs Tournerêve et elle transporte chaque Noël le sapin à pommes devenu aussi à poèmes.
Mon fils trouve qu’elle ne tient pas assez la charge, ma charrette, surtout pour ses projets de tracter un musicien. Alors il veut remplacer les roues. Giuliano de Péclo me téléphone un peu inquiet, tu sais, les nouvelles roues, je viens de les recevoir, ça change un peu l’apparence, elles font un peu sport, peut-être qu’il faudra que tu les peignes avec des pois rouges et blancs.Alors je me suis mise au crochet.
L’histoire de ma charrette continue.
Septembre 2021
Par Anouk Dunant Gonzenbach
Juste derrière l’Eglise, la ruelle monte en direction de la montagne. C’est celle-ci qu’il faut suivre, pas l’autre qui passe sous l’Eglise. Dans les deux, comme partout ailleurs dans le village, des maisons anniviardes qui n’ont pas changé, le lieu reste authentique. Les gens aussi. Saint-Luc.
Punaisée sur la porte d’une des maisons de cette ruelle, une feuille indique que le musée, qui se trouve ici, est ouvert chaque jeudi après-midi. Ce jour-là, Antille Claude se tient devant cette porte et accueille les quelques visiteurs. Il a bientôt quatre-vingt ans, des yeux bleu très clair et quand il parle, il met toujours le nom de famille avant le prénom. Il nous fait entrer dans la pièce qui sert de musée, au rez de chaussée, qui est en fait la cave. Elle est sombre et bas de plafond, il faut d’abord s’habituer à la pénombre, cligner des yeux pour en évacuer le soleil de l’été valaisan.
Notre hôte nous montre une tasse, une cuillère. La matériel qu’il prenait à l’alpage en été, avec du sérac et du pain, ça te fait la journée. Dans une autre cuillère, posée aussi sur le tonneau, celle du frère ainé Raymond, les initiales gravées dedans. Le frère, quand il avait 17 ans, il était tout seul à l’alpage. Un jour de cet été-là, des voisins sont venus dire aux parents qu’il fallait aller chercher leur fils qui ne pouvait plus marcher. Raymond a dû être redescendu avec un brancard de fortune en sapin. Un an plus tard, il est mort de rhumatisme articulaire. Antille Claude, il tient beaucoup à cette cuillère.
Quand il avait 12 ans, Claude est descendu à Sierre, dans la vallée du Rhône, tout en bas, avec ce frère Raymond pour vendre une vache. Si cette vache n’était pas vendue, il fallait remonter à pied avec elle, sinon on pouvait prendre le car. A la ville, la journée passe, pas d’acheteur. Raymond s’éloigne, une dame s’approche. Elle s’intéresse à la vache. Claude lui explique que la vache est la reine de l’alpage de Rouaz. Raymond revient, fait semblant d’être client, « c’est pas la vache la reine de l’alpage de Rouaz », qu’il dit, « je la reconnais ». Claude poursuit, « attendez, la dame s’y intéresse, je ne vous la vend que si la dame renonce ». La dame achète la vache, les deux frères sont tout contents de leur coup. Je ne sais pas si cette histoire est l’une de celle sur laquelle chaque ancien du coin brode à sa manière, mais Antille Claude est trop heureux de nous la raconter.
A côté, il y a une chaufferette, que tu mets sous les pieds le soir, quand tu as gouverné les vaches toute la journée. Et plus loin, une paire de ski très ancienne, faite avec des douves de tonneau.
Contre le mur, une drôle de machine, qui ressemble à un rouet. Il est trop heureux de piéger les trois citadines, Antille Claude, non, nous ne connaissons pas son usage. Elle sert à presser la pomme de terre. La purée qui en sort est intégrée à la pâte à pain, le pain de seigle. Il était fait quatre fois par an, le pain, alors pour qu’il ne devienne pas trop sec, on y ajoutait de la pomme de terre.
Sur le mur du fond est suspendue une belle collection de cloches, on dit sonnettes. Lors de la première désalpe de Antille Claude, il était tout jeune, le vacher lui a proposé d’orner le front de la vache et de lui mettre cette sonnette au cou, là, celle qui est à gauche. Claude a trouvé cette sonnette trop petite, alors il est descendu au grand village, plus bas dans la vallée, pour en acheter une belle pour le défilé. C’était la première de sa future collection de sonnettes. Bien plus tard, il lui en a manqué deux pour compléter une même gamme de cette collection. Comme quelqu’un du village les avait, il a vendu sa première sonnette, celle qu’il avait achetée quand il était petit avec son petit peu d’argent, pour les acheter. Mais après, il n’en a pas dormi de la nuit, de s’être séparé de sa première sonnette avec tant de souvenirs. Alors, sans dire à sa dame, il a vidé le tiroir de la table de la cuisine, et il est allé la racheter.
La route est arrivée au village en 1930, avant sa naissance. Avant, on bâtait le mulet depuis le grand village du dessous, où on arrivait en char. Il comptait vingt mulets, le village. Il est né plus loin dans la vallée, Antille Claude, dans une fratrie de neuf enfants. Sa mère avait un chapeau pour le dimanche, deux pour la semaine. Il a suivi une formation d’horloger. Plus tard, comme toute la vallée, il a travaillé au barrage, aux deux barrages même. Un hélicoptère l’y amenait chaque jour.
Comme chaque bourgeois, il possède son gobelet, qui est posé là sur la table contre le mur. C’est pour boire à la cave du village, mais lui comme les autres n’ont pas le droit de se servir, il faut attendre le procureur. Il y a deux serrures sur la porte de la cave, deux clés sont nécessaires, sous la garde de deux personnes différentes.
Sa mère s’est fait enterrer à nonante-deux ans dans son costume du Val d’Anniviers. Il nous montre un fromage de 1956. Il le garde pour son propre enterrement, parce qu’à cette occasion, il faut offrir un verre de Fendant, une tranche de pain de seigle et un morceau de fromage.
Nous pourrions l’écouter sans fin, mais au bout d’une heure, Antille Claude nous rend au soleil éblouissant. Riches de tous ses mots. Encore une chose : les souris n’aiment pas l’arolle, alors elles ne le rongent pas.
















