Trente-cinquième jour de confinement. Comme un poison de pollen, Des graines de Corona Transportées dans l’air, Lambeaux de poésie furieuse Et noire, Laissent des traces profondes. Trois milliards de confinés Et moi ? Privé de sortie. Mon imagination défenestrée Tombe sur le trottoir d’en face. Je sors pour la ramasser, Une balade dans le vide. Des places vampirisées Abandonnent leurs habitudes. Je marche dans le néant, Suivant le regard ahuri d’un passant Seul assis sur un banc Attendre quoi ? Deux jeunes en planche à roulettes Dévalent l’avenue, insouciants. Parasites d’un silence solidaire. Comment sortir de la crise Sans mâcher au quotidien Des gommes de folie, des gommes de phobie ?
Je veux le matin
neuf. Je le désire dans son dit unique, il me faut aller à sa rencontre.
L’aube
à peine, grise mine brouillée.
Je
jette mon pas en avant, à longues enjambées lentes, pour ne manquer aucun
silence, ne rien déranger, mais jetée quand même hors de chez moi, hors des
murs et des miroirs.
Alentour,
il n’y a que les bravos de la pluie, le crépitement de milliers de petites
mains sur les jeunes feuilles des arbres ; je suis prête à leur
demander : Pour qui votre enthousiasme ? décidée, si convaincue, d’y
participer…
Dans
la parole d’un ciel printanier, le vent repousse les didascalies des nuages,
les frênes en majesté discourent à bas mot, un rosier cannelle, sauvage en
diable, ploie sur le chemin.
Tout
semble prendre un soin précautionneux d’un parler vrai. J’avance sur un
plumetis de pétales minuscules et blancs, violence de l’orage qui n’épargne, ni
ne soigne, qui ne sait que sa rage.
De
l’invisible a jailli, claire, une voix, lancée par-dessus les haies.
C’est
mon nom qui arrive jusqu’à moi, mon nom répété !
Qui
va là dans les six heures du matin ?
Qui
vient vers moi par mon nom lancé ?
Dans
la clairevoie des futaies, une silhouette… Et mon nom encore… Et des bras qui
dansent vivement entre les jeunes brins d’arbres.
Je
me pensais la première dans l’aube !
Je
reconnais l’amie, elle rit, ne dit que mon nom encore et encore.
Je
réponds par la clameur du sien.
Aujourd’hui
où on ne peut plus se toucher, où on ne doit plus se toucher, voilà qu’une voix
défie toute précaution… et vient m’étreindre, m’envelopper de mon propre nom,
qu’elle sait prononcer.
Il
n’y a pas de plus haute parole que celle soufflée au mitan du silence par une
voix de hasard, quelques syllabes brèves nous renvoyant à nous-même, autre et
plus légère encore.
Résister
passe par l’appel du nom. Persévérer aussi. Plus qu’un entêtement, la folle
liberté… car paradoxalement, être libre demande l’altérité… Pour tenir la vie
ensemble.
Ne
prends pas la vie de haut, me disent les coquelicots.
Je vais éveillée, touchée par ce qui me manquait, secouée par mon nom.
Ne te laisse pas faire, ma belle, Pardonne-moi ce tutoiement, Cette familiarité grossière Que je m’octroie Pour avoir passé Vingt ans ensemble. Je t’ai connue coquette, Parfois capricieuse Souvent exubérante J’ai admiré ton teint Tes parfums Tes jupes épousant si parfaitement Tes hanches. Ne te laisse pas aller, Je sens ton pouls ralentir Ta vigueur te quitter Je te prie, Reste avec moi Comme moi j’ai su rester à tes côtés. C’est pour le meilleur et pour le pire. Tes traits sont tirés, Ne te laisse pas tromper par l’adversaire, Ma belle, Il y a des beautés Sur lesquelles des négligences sont impardonnables. Tu te plies et fermes tes portes Ostensiblement Barres, Cadenas, Joggeur seul Banc seul Matin seul Rives désertes. Point de festins Ni d’invitations. À ton sein Tu n’exhortes que des innocents, Les purs. Ton visage du matin Plat Sans plis, sans goût, sans tout. Si, soudain, tu m’oublies, Sache que je ne t’oublie point. Ne te laisse pas abattre, mon aimée, Surprends-moi de quelques légèretés, De tes inconstances. Je ferme les yeux, Entends-tu l’éclat d’antan Dans l’ordinaire ? Les images ouvrent leurs gorges Pour chanter La nuit est en train de partir Et le jour n’est pas encore arrivé. Laisse les vents converser avec une éloquence agitée, Fais de tes traits un printemps perpétuel Accorde-nous juste le temps de Nous guérir de nos errances. Le soleil naît de la noirceur Il le fait toujours Tous les jours Quoi qu’il arrive, Emboite-lui le pas, Ma Genève.
La
Concorde, ce n’est pas celle de Paris à midi le 15 août chantée par Prévert,
c’est le quartier de Genève en pleine mutation, à cheval sur deux communes,
Genève et Vernier, entre l’avenue
d’Aïre et Châtelaine. Un périmètre
en chantier, en densification depuis quelques années. Un mélange d’habitants
dont c’est le lieu de vie depuis de très nombreuses années et de nouveaux
venus. Une population mixte.
Le
crieur, c’est Thibaut Lauer, adepte des projets spontanés même s’ils sont mal
ficelés, convaincu que ce type d’initiative propose du sens même si tout n’est
pas forcement impeccable, porté par ce qui conduit droit au cœur du lien.
Thibaut est animateur socio-culturel à la Maison de Quartier de la Concorde et
travaille avec sa collègue Floriane Pfister.
Le
virus a eu raison de l’ouverture de la Maison de quartier, mais les animateurs
ne se voient pas abandonner les habitant.e.s, pour certains fragiles et
précaires. Alors, il faut innover, impensable de rester passif, tout en
respectant les règles sanitaires. Thibaut et Floriane ont alors l’idée de faire
revivre la coutume qui vient du fond des âges, celle du crieur public, pour
établir ou renforcer les liens (inter)rompus par la pandémie.
L’action
est annoncée par les canaux du quartier. Chaque habitant.e est invité.e à
envoyer un texte, un poème, une citation à partager via courriel ou Whatsapp.
Mots qui seront criés une fois par semaine, le mercredi, dans quatre lieux du
quartier : rue Jean-Simonet, devant les immeubles de l’école
Emilie-de-Mosier, aux Jardins du Rhône et à l’angle Henri-Bordier/Concorde.
C’est humble, modeste, sans moyen technique élaboré puisqu’il était impossible d’acheter quoi que ce soit, les magasins étant fermés. Un mégaphone, un téléphone, un câble sur le dos, et c’est parti. Le crieur et son acolyte, accompagnés par la suite par une jeune musicienne du lieu au Ukulélé, déambulent à la rencontre des différents endroits du quartier.
L’appel à textes n’a pas vraiment fonctionné, les propositions n’ont pas été nombreuses. Mais jolies : la légende du colibri de Pierre Rabhi ou la légende de la Terre-Mère des Hurons. Des citations de Mandela, Saint-Exupery ou Nietzsche, aussi. En revanche, il y a eu pas mal de demandes de musique dont Think d’Aretha Franklin, Asimbonanga de Johnny Clegg ou encore La fiancée de l’eau de La rue Ketanou.
Le
crieur arrive dans la cour, au pied des immeubles, salue. Des mamans avec enfants
qui jouent dans le lieu regardent d’abord avec étonnement. Issue du natel et
amplifiée par le mégaphone, la musique s’élève et vient enjoliver pour un petit
bout de journée ce quotidien souvent difficile à gérer. Dans certains lieux,
l’ambiance est là, dans d’autres il s’agit d’apprivoiser ce moment, le lieu,
les gens.
Au fil des mercredis (six en tout), le crieur affine la prestation avec sa connaissance du terrain chaque fois améliorée. On ne rencontre pas les gens sans un minimum d’attention. Au fil des mercredis, des visages timides apparaissent derrière la vitre, puis à la fenêtre ouverte ou sur le balcon. De très beaux regards, des partages de grands isolements, d’immenses solitudes. Au fil des mercredis, ces premières approches promettent les rencontres de demain.
Puis,
doucement, voyant poindre la fin du confinement, il a été décidé de terminer ce
projet, avec le public et en gardant une attention au lieu, plutôt que
d’effriter l’action en queue-de-poisson.
Habiller le terrain par cette prestation a été l’opportunité pour les
animateurs socio-culturels d’être dans un lien, quel qu’il soit. Ce n’était pas
léché, c’était doux, réalisé avec les moyens du bord, en adéquation avec les
publics fragiles qui ont du mal quand c’est trop parfait. L’animateur a un
visage, celle du crieur public. Il est repéré, identifié, un jeune bleuté par
la vie a pu être ainsi aiguillé par un habitant sur une figure désormais
connue.
Trois bouts de ficelle, des mots, des notes, une présence qui a permis la rencontre. Des applaudissements, parfois timides, à la fin. On est là au cœur du vrai, au centre de l’authentique. Le récit de Thibaut me fait frissonner. Cette action, une bulle d’espérance, une de ces petites bulles qui rendent le monde meilleur.
Le brouillard en lambeaux Qui s’effilochent et s’accrochent Aux feuilles ébouriffées Traîne ce matin encor. Je roule dans la grisaille Et, voyant ma ville au loin, Je songe soudain au jour Où les masques seront tombés, De papier, de verre, ou tissés – Ces masques, ces parois, ces distances- Je me prends à penser au jour Où l’anxiété aura passé Où la vérité sera révélée, Et puis je songe enfin au soir Où l’on pourra de nouveau Se serrer dans les bras Et laisser une larme perler Entre deux grands éclats de rire.
Trentième jour de confinement. J’habite une rue déserte dans une ville muette Qui demande à être adoptée. Ma vie joue à cache-cache derrière un mur. Trois pièces, cinq portes, cinq fenêtres. Je les baptise du prénom D’un ami de cœur, De mes enfants De ma mère, De mon petit-fils. Je les ouvre et les ferme comme Je déposerai furtivement Un baiser sur leur joue, Sur leur main, Comme un bonjour, Un adieu, Comme un mouvement de liberté, Conscient du bonheur Que ces visites inventées m’apportent.
Tranche franchement Franchis et transgresse ou pas Franchis le pas
Un aléa t’élit, est-ce la chance ? Une idée t’envahit, est-elle tienne ? Un rêve te hante, l’as-tu fait ? Un être te captive, en être captif?
Une chose te chamboule : un cristal en boule ? De tout ce qui déboule, tout ce qui roule T’enroule, se déroule, es-tu libre ? Es-tu vide ? Vacant ?
Sabre, tranche, lègue, délègue ou délecte le morceau de choix. Le sabre est ta part du roi. Nomme le : discernement, le sabre du dilemme ! L’attribut de naissance, De tout ce qui vit, Dans l’épine de la rose, Dans le dard de la guêpe, Dans l’érosion de l’os Dans l’ivresse ou dans la tempérance.
Je marche dans les sillons
d’un silence inédit.
Dénudées des habitants,
les rues portent le vide.
Le chant des oiseaux
prend plus d’espace
sur les arbres prêts pour l’été.
Du ciel dégagé naît
un air nouveau.
Paru à l’origine sur Babelmed.net, le magazine en ligne des cultures et des sociétés méditerranéennes.
Un petit garçon en ciré
jaune avec un cartable sur le dos, il tient la main de son père, sous la pluie,
sur le chemin de l’école. Je descends la même rue sur mon vélo, sous ce même
déluge, les dépasse, et subitement il pleut aussi dans mes yeux. Nous sommes le
lundi 11 mai 2020. Depuis huit semaines, les rues tristes sont vides d’enfants,
les cloches des écoles résonnent dans le vide, le ballon coloré ne rebondit
plus malencontreusement au milieu de la route. Ce matin, c’est comme un coup de
ce ballon qui percute ma poitrine, me coupe le souffle, me paralyse un instant.
Les enfants sur le chemin de l’école, le matin, ça m’avait tellement
manqué.
Les restaurants s’entrouvrent, ré-ouvrent. Deuxième jour. Penser ne pas tenter, essayer, se lancer, réserver, oser, salle à manger aux impressions de château avec tout cet espace autour. J’étais habituée à ce lieu, pourquoi ne pas continuer. Revoir les serveuses, les serveurs. Ce n’est pas un coup de marketing de leur part, ce plaisir de se retrouver qui fulgure dans les yeux, ce n’est pas pour de faux, ce coup du ballon coloré dans mon plexus à nouveau, ce n’est pas convenu, nos sourires, demandes de nouvelles, joie réelle. Nous nous étions manqués.
Mercredi, troisième jour
de cette étape majeure de déconfinement, jogging du matin tôt, au retour de la
jungle du bord du Rhône, le passage piéton. Surtout, la patrouilleuse scolaire.
Qui est là. Comme avant. Comme avant, quand on se lançait un bonjour, comme
avant, où l’on échangeait un bref sourire, comme avant, quand tout cela
semblait bien banal. Il s’en est fallu de peu qu’on se serre dans les bras,
avec cette femme, que je ne connais pas plus que cela. Et pourtant. Nous nous
étions tellement manquées.
Petits
liens du quotidien, images qui déroulent la journée, balises toujours crues
acquises, vous m’aviez tellement manqué.
Vingt-sixième jour de confinement, Je voyage dans ma tête, Tombe amoureux du monde entier, Des hommes et des femmes des cinq continents, Coronavirés ostracisés, Coronaférés enfermés, isolés, retirés, Privés de soleil et d’air pur. Dans des rues vides, désertes, Des espaces abandonnés, De rares passants s’écartent sur le trottoir, Coronagraben, fossé, abysse Entre sains et positifs Romands et alémaniques, Coronagazés sans oxygène, Le monde asphyxie. Des travailleurs au tapis, L’économie par terre, Des paysans cloués au sol. Qui criera demain : Debout ! Pour ordonner la relève, Fouler le parvis des libertés ? La vie renaîtra des cendres, Je vous attends chers amis, Prêt à fêter Pâques à l’Ascension, Qu’importe, Pourvu que nous soyons tous là !
Pardon de vous écrire si tard, j’espère que d’autres
auront été meilleurs élèves que moi…
J’ai moi aussi fait de la pâtisserie, mais je ne me suis pas vraiment découverte une passion, que j’avais déjà, mais au contraire du temps ! Si ça vous intéresse, je partage volontiers avec vous mes recettes favorites, muffins divers et variés, banana breads époustouflants, cakes au citron miraculeux, gâteaux à la ricotta et fleur d’oranger venus d’une autre dimension, la liste est encore longue.
Toutefois, une fâcheuse malédiction est venue assombrir le ciel bleu de mes pérégrinations culinaires… Peut-être Julie vous l’a-t-elle raconté, elle est désormais l’heureuse nourrice d’un magnifique levain, à l’aide duquel elle réalise des pains qui le sont encore plus. Vous vous imaginez donc bien ma hâte de pouvoir en faire autant, et transformer allègrement ma cuisine en boulangerie artisanale. Pour aggraver la situation, il fallait en plus que ma grand-mère confinée à Budapest m’envoie elle aussi quotidiennement des merveilles panifères faites grâce au Saint Levain. Ni une ni deux, je file chez Julie à vélo et ramène de chez elle un rejeton de sa créature fermentée, que je confie sereinement à ma mère, complice dans l’aventure.
Déjà nous nous enflammons, lui donnons des petits noms, le regardons avec tendresse et affection, nous projetons sans crainte dans des années de cohabitation, jusqu’à imaginer, la larme à l’oeil, le moment sacré où nous pourrons le léguer à la prochaine génération, ce levain majestueux qui a nourri tant d’estomacs affamés…
Mais, le destin ne nous réservait pas ce sort là. Je n’ai malheureusement pas été présente autant qu’il fallait, et ma mère m’expliquait qu’il suffisait de nourrir la créature “au feeling”, pas besoin de peser quoique ce soit, “les bergères de la puszta n’avaient pas de balances, elles”… Folies ! De fil en aiguille, ce pauvre levain arrivé à la mauvaise adresse a rendu l’âme, et nous n’avons rien pu faire pour lui d’autre que pleurer à chaudes larmes sur sa dépouille acide.
Les restrictions sanitaires s’assouplissent, oui mais pas toutes… Les événements de ces
derniers jours m’ont révélé la réalité de la situation: seul ce qui contribue à
l’activité économique est permis, le reste ne bouge pas. On se retrouve donc
dans des situations absurdes, où il n’y a pas de soucis à s’agglutiner pour
choisir sa salade à la Coop, acheter sa glace, prendre les transports en
communs ou travailler sur les chantiers, par contre quelques citoyen.ne.x.s qui
revendiquent pacifiquement dans la rue, dans le respect le plus complet des
règles sanitaires, et zou au poste! (et ce évidemment sans que les policiers ne
s’embarrassent de la moindre hygiène lorsqu’il s’agit de plaquer quelqu’un au
mur en lui tordant les bras pour le menotter…).
Pas de retour à l’anormal. Je ne suis pas très optimiste, mais crois fortement en la nécessité absolue de ne pas revenir au modèle économique et politique que nous connaissions jusqu’ici, il en va de la survie de l’humanité et de la biodiversité que nous connaissons. Plus que jamais, la solidarité est cruciale, il faut abolir les privilèges et inégalités, aider tout le monde sans distinction.
J’appréhende avec curiosité néanmoins la crise économique qui semble être imminente, les pauvres vont-iels juste crever dans la misère et l’indifférence des riches toujours plus riches, pardonnez-moi mon vocabulaire, ou va-t-il y avoir une révolte populaire contre ce système pourri responsable de tant de malheurs? La masse de gens menés par le bout du nez, rendus dépendants de ce modèle économique, abêtis et réduits au rang de pions dont on se fout de l’avis va-t-elle réussir à prendre conscience – et les armes (littéralement ou pas, je ne suis pas pour la violence tant qu’elle est évitable) ? Je ferai pour ma part tout mon possible pour que la deuxième option se réalise.
C’est donc principalement alarmée que je suis,
sentiment que partage visiblement Amnesty International, qui dénonce l’atteinte
inquiétante à la liberté d’expression et aux droits citoyens que nous fait le
Gouvernement.
J’ai fait au début quelques “grands” tours à vélo dans notre belle campagne, seule ou accompagnée, je compte m’y remettre bientôt. Je garderai sûrement en mémoire le mélange des moments doux et douloureux partagés entre ami.e.x.s, doux parce que l’on est ensemble, que l’on rit et l’on discute, douloureux parce qu’on est peu, que les autres nous manquent et que l’on rêverait de se prendre dans les bras, pour se dire des choses que l’on ne peut faire que comme ça.
Voilà, après trois pages de dissertation chaotique je mets fin au carnage, et espère que vous et vos proches allez au mieux.
Ma ville fantomatique Dort debout, Sans air dans le métro, Sans public sur les bancs. Un soleil de fin du monde Réchauffe des arbres en fleurs. Je marche seul, perdu Entre rues et parcs déserts. Cataclysme Le feu du virus apporte Plus de malheur aux pauvres. Mobilisation générale : Les vieux, restez chez vous, Au balcon pour prendre l’air. Il n’y a plus de vie, Paradoxe S’il faut donner son sang ! Le monde n’existe plus, Réalité ou fiction ? Confinés, confinées, L’état de guerre est déclaré. Ma ville Musée Grévin se réveillera-t-elle ?
Je marche pour atteindre l’impossible j’écarte le brouillard le silence efface mes pas je marche le coeur las la mélancolie les obstacles le noir un brin de lumière transperce les arbres souvenir d’une joie lointaine je marche je tombe, je me relève je marche je porte dans mon paysage intérieur le chant de la mer.
Maintenant que l’on ne remercie plus Dieu pour vendredi Où troquer son costard par un jean délavé. Que, ce midi Le soleil n’est pour personne en particulier Et que le temps nous palpe, Ausculte nos appartenances. Que le vin n’est plus le vin Et que le chocolat sert à nous secourir De la morsure de l’heure. Maintenant que la ville nous cache son lac Le jazz prend ses cliques et ses claques. Dans les parcs, Les tourniquets font silence Qui déchire les tympans. Maintenant que le coucher de soleil offre son spectacle Pour pas cher, Le monde, Dégarni de son Sud Puis de son Nord, Et incessamment sous peu De son Ouest et d l’Est. Que la gare est là Mais il lui manque des destinations Entre désirs et rêves, Les cartes postales D’une vie Où il fut un dehors et Un ciel à chaque fenêtre. Mon poème devient un loup-garou À minuit sonné. Il rugit Pour faire peur à l’aube, Cette menace sur l’obscurité de son impatience. D’un arbre à l’autre Un murmure se répand D’un renouveau, Quarante nuits Et quarante renoncements plus tard.